ATTENTION AUX ENFANTS
- Papa ! papa !
Théophile, 5 ans, vient de visiter avec sa classe le parc animalier nouvellement ouvert dans la région. Ce zoo, situé dans un complexe comprenant restaurants, hôtel, boutiques de luxe et salles de réception, se situe à plusieurs kilomètres de son école.
Il est heureux Théophile, il a passé une bonne journée avec ses copains. Il a vu des « zanimaux » comme il dit. Il a même vu des loups. Non, il n’a pas eu peur car Sylvie la maîtresse, leur avait expliqué qu’ils ne risquaient rien.
C'est en sortant de cette visite, juste en face, descendant les marches de l'hôtel, qu'il a aperçu son père Philippe, main dans la main, avec une dame blonde qu’il ne connaît pas.
-Papa ! papa !
L’homme se retourne et aperçoit son fils. A grandes enjambées il se dirige alors droit vers lui.
- Mais Théophile que fais-tu là ?
- Et bien ! je viens de voir les zanimaux !
- C'était aujourd’hui ta sortie scolaire ? C’est pas mardi prochain ?
- Noooonnnn dit-il, insistant sur chaque lettre. Tu sais, c’était drôlement bien. Mais toi, papa, tu ne travailles pas aujourd’hui ?
- Mais bien sûr que si Théophile, d’ailleurs, il ne faut pas dire à maman que tu m’as vu ici.
- Ah bon et pourquoi faut pas le dire à maman ?
- Parce que je viens de lui acheter son cadeau d’anniversaire, et comme c’est une surprise, il ne faut pas qu'elle sache que j'étais ici.
Depuis un moment, Théophile regarde du coin de l’œil, la femme que son père tenait par la main. Il ne la connait pas, et ce n’est pas sa maman, et ce n’est pas non plus l’une de ses taties. Discrètement, la jeune femme blonde a pris place dans la voiture de Philippe. Assise sur le siège passager, elle attend son retour.
- Qui c'est la dame avec toi dans la voiture ?
- C’est une amie de maman, elle m’a aidé à choisir son cadeau d’anniversaire. Tu me promets Théophile, surtout tu ne dis rien à maman.
Le gamin se tortille dans tous les sens ne sachant plus quoi penser de la situation.
- Et elle lui a acheté quoi la dame à maman ?
- C’est une surprise et les surprises, ça ne se dit pas ! Tu verras le jour de l'anniversaire !
Au bout d’un moment, Sylvie l’institutrice hèle l’enfant pour qu’il rejoigne le groupe.
- Allez va retrouver tes petits copains. Je compte sur toi, tu ne dis rien à maman, sinon la surprise sera ratée, tu me le promets !
- Oui papa, je te le promets. C’est un secret !
Philippe enlaça son fils puis l’embrassa avec tendresse.
- À ce soir mon grand, va vite, Sylvie t’attend.
Durant le trajet du retour, le gamin a perdu son enthousiasme. Autour de lui, ses copains s’agitent, imitent les loups par des hurlements stridents. Lui, ne pense qu’à cette dame qu’il ne connait pas et qui tenait la main de son père.
Comme tous les soirs, Lise la nounou, vient chercher l’enfant à la sortie de l’école. Elle le ramène chez lui et, en attendant le retour des parents, elle le questionne sur sa visite au parc. Mais il n’est pas très bavard et ne souhaite pas répondre à sa curiosité.
Vers dix-neuf heures, la maman rentra avec deux boîtes de pizzas sur les bras. Papa arrive un peu plus tard.
Durant le dîner, Isabelle trouve son fils chafouin, elle comprend que quelque chose le chagrine. Pourtant, à sa connaissance, il n’y a eu aucun incident à déplorer durant la sortie. Sans le brusquer, elle l'interroge sur sa journée.
- Alors Théophile, ce parc animalier, c’était bien ?
L’enfant se dandine sur sa chaise et après un long blanc, laisse échapper un « oui » à peine audible.
- Et bien, quel enthousiasme ! Et les loups, tu les as vus ?
Idem, un léger « oui » à peine plus audible que le précédent.
Comprenant que la situation pouvait déraper, Philippe prit la défense de son fils :
- Mais chérie, laisse-le donc tranquille. Il a eu une sacrée journée tu sais. Entre le car, la découverte du parc, des animaux, il est encore petit pour un tel rythme. Maintenant il est épuisé, c’est normal, arrête de l'importuner.
Puis le papa enchaîna :
- Tu veux aller au lit Théophile ?
- Oui, ze suis fatigué, veux dormir.
Isabelle monta coucher l’enfant qui, après de gros câlins, s’endormit profondément.
Le lendemain, Théophile avait retrouvé entrain et enthousiasme. La parole lui était revenue et il décrivit dans les moindres détails, à ses parents ainsi qu'à Julie, l’intégralité du parc et des animaux.
Philippe était rassuré, il ne lui reparlait de rien, il était passé à autre chose. Tant mieux.
Néanmoins, l’enfant ne comprenait toujours pas pourquoi son papa refusait qu’il dise qu’il l’avait vu l’autre jour avec la dame.
Papa, il dit tout le temps que ce n’est pas bien de mentir, il dit aussi que celui qui connaît tous les mensonges, c’est le Père Noël. A chaque fois qu’on ment, un cadeau en moins. Théophile se demande si ne rien dire à maman ça compte ou pas pour les cadeaux...
Dans quelques jours, Isabelle va fêter ses quarante ans et par chance, cette année, le jour de son anniversaire tombe un dimanche. Du coup, elle en a profité pour convier famille et amis à une petite fête en son honneur.
Le gosse est aux anges, il va avoir autour de lui ses papis, mamies, tontons et taties ; quelle belle journée ! Puis, lui aussi aura droit à des cadeaux.
Les uns après les autres, les invités arrivent. Le père d’Isabelle les rejoint en dernier au volant d’un utilitaire duquel il décharge un énorme carton tout enrubanné. Isabelle défait l’emballage qui laisse apparaître un splendide vélo hollandais. Elle est radieuse. Théophile, lui court partout.
Puis, c’est au tour de Philippe de lui présenter un petit sac sur lequel on peut lire l’adresse d’un grand bijoutier situé en ville.
- C’est pour toi ma chérie.
Un baiser suivi d’applaudissements retentissent dans le jardin.
Isabelle ouvre le petit sac et en sort un écrin qui contient une magnifique bague en or blanc surmontée d'un saphir.
De nouveau, baiser sur les lèvres et applaudissements des invités.
Théophile se précipite.
- Fais voir maman la bague que la dame a choisie.
Philippe essaie de balbutier quelques mots, mais il comprend très vite que la situation lui échappe. Isabelle, se tourne vers son fils et lui demande :
- Mais quelle dame Théophile ?
- Celle que papa tenait par la main quand il sortait de l’hôtel du parc des zanimaux.
Puis, s’adressant à son père, le gamin poursuit :
- D’ailleurs papa, pourquoi elle n’est pas là la dame, puisque tu m’as dit que c’était une copine à maman ?
À ce moment précis, un très grand moment de solitude s’empara de Philippe qui se liquéfia sous le poids des regards interrogatifs qui venaient de se tourner vers lui.
Annotations