Méduse
C'est simple, le suicide, dans mon monde.
J'étais désespéré d'un chagrin d'amour aux relents terribles et destructeurs. Il n'y avait en moi que larmes amères et paupières gonflées de douleur, regard tombé au sol.
Alors je suis allé la voir, pour qu'elle me regarde.
Lorsqu'elle a ouvert la porte, elle portait des lunettes sombres, sans quitter l'embrasure toute aussi sombre de l'entrée. Les serpents noirs et fins ondulaient tels que je les avais imaginés, dodelinant parfois d'une tête triangulaire de laquelle venait frétiller une langue fourchue couleur sang.
- Vous avez rendez-vous à quinze heure pour un suicide ?
- Oui, c'est cela.
- Entrez.
Elle m'a dirigé par delà une salle dans laquelle flottaient des miroirs de toutes les formes. S'y reflétait à tous les coups son regard, que je croisais fictivement à travers ses verres teintés.
La peur, atténuée par sa présence.
Une fois qu'elle m'eut installé sur le divan, elle ôta ses lunettes, et j'admirais son visage en quête de mort.
- Mes yeux sont fermés. Si vous avez la moindre hésitation, c'est maintenant.
Le galbe de ses paupières était hypnotique, souligné par un trait noir à l'égyptienne et de longs cils. Je les désirais d'une tentation morbide, guettant l'ouverture fatale, l'iris cerclant une pupille létale.
Elle subit la contraction qui aurait été un clin si l'oeil n'avait été clos.
Son visage semblait n'exister que par ses instruments visionnaires, que je ne pouvais discerner jusqu'alors.
- Allez-y.
Le temps ralentit.
Alors que sa figure semblait tout à coup s'éclairer, c'était toute sa morphologie qui annonçait une ouverture. Lorsque l'onde eut enserré ses jambes et ses bras nus, qu'elle fut passée par son ventre et son cou, elle s'enroula des joues au sourcils.
Et là, la ligne noire se sépara en deux, et ce que j'y aperçus me figea d'émoi.
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