Chapitre 1

11 minutes de lecture

Le couteau qu'il tient à la main est gorgé de sang. Son regard déchaîné se pose sur le corps qui gît à terre : sa propre mère qui, dans une vaine tentative pour fuir la folie meurtrière de son fils, est tombée au pied de son lit. Noah n'a eu qu'à la poignarder trois fois en plein coeur, puis une fois dans la gorge.

Cela lui aura pris moins de vingt minutes. Une vulgaire vingtaine de minutes pour massacrer toute sa famille. Il a commencé par son petit-frère de 8 ans. Sans surprise, il a été le plus facile à tuer. Son petit corps frêle et sans défense n'a rien pu faire quand Noah l'a égorgé délicatement, en prenant soin de bien appuyer sur la lame. Après quelques gargouillements étouffés dans son sang, son petit-frère s'est éteint, les yeux encore écarquillés d'effroi.

Sa soeur de 11 ans, elle, a été réveillée par l'agitation. Elle a toujours eu le sommeil léger. Elle s'est levée de son lit, est sortie de sa chambre... pour tomber nez à nez avec son grand-frère, le regard vide, la lame ensanglantée.

Elle a tenté de crier, mais Noah a été plus rapide. Il a enfoncé le couteau de cuisine dans le ventre de la fillette. Le choc lui a coupé le souffle, puis elle s'est écroulée à terre. Noah a alors continué à la poignarder, dans le thorax, dans le cou, sur le front, dans les jambes...

Le plus compliqué restait à venir. A pas de loups, il est entré dans la chambre de ses parents. Miraculeusement, il n'a eu aucun mal à égorger son père, profondément endormi. Mais c'était sans compter sa mère qui, probablement en sentant le liquide chaud du sang, s'est tout de suite réveillée.

Devant la vision d'horreur qui s'offrait à elle, elle a bondit hors de son lit, s'est prise les pieds dans le drap, puis est tombée sur le dos. Noah n'a plus eu qu'à parachever son oeuvre. Tout en poignardant sa mère encore vivante, il s'était mis à freudonner sa comptine :

“ Maman, le sais-tu ? Maman, le sais-tu ?

Papa le sait, mais toi le sais-tu ?

Son fils détesté, qu'il traitait d'attardé... ”

Voilà désormais l'adolescent immobile, enveloppé dans un silence mortel, les pieds plongés dans le sang de celle qui lui a donné la vie. Mais Noah n'a aucun remords. Il attend de longues minutes debout sans rien faire, ignorant comment procéder. Il n'avait jamais réfléchi à l'après, à dire vrai...

Le massacre serait vite démasqué, et lui jeté en prison, si ce n'est pire... Sans se poser plus de questions, il poignarde une dernière fois le corps de sa mère, en son sein, et repart dans sa chambre. Il prend une douche rapide, enfile des vêtements propres, enfourne tenue et vivres dans son sac de cours, puis descend au salon.

Là, il récupère l'argent dans le portefeuille de ses parents, et les clés de voiture de son père. Noah ne ressent aucune peur, il sait ce qu'il fait. Tandis qu'il avance jusqu'au garage, il se remet à chantonner :

– Maman, le sais-tu ? Maman, le sais-tu ?

Il entre dans le garage.

– Papa le sait, mais toi le sais-tu ?

Il ouvre la portière de voiture.

– Son fils détesté, qu'il traitait d'attardé...

Il démarre le moteur.

– Vient de tous vous achever !

La porte de garage s'ouvre, tandis que la voiture s'engouffre dans la nuit noire et glaciale. Noah ignore où aller. Le paysage sombre qui défile sous ses yeux lui réchauffe le coeur. Il estime qu'il lui faudrait environ un peu plus d'une journée avant que la police ne découvre le massacre et le place en première place des suspects.

Il possède une voiture, 500 dollars, de la nourriture et des vêtements. Mais son âme innocente, elle, il ne la possède plus. L'a-t-il déjà possédé un jour ? Il s'est posé la question plusieurs fois, sans jamais parvenir à y répondre.

Alors, c'est le coeur léger et le sourire aux lèvres qu'il s'éloigne de la maison sanglante, où quatre corps reposent en détresse, attendant que la vengance divine s'abatte sur cet adolescent qui ne connaît ni compassion, ni pitié.

Kaleb entre dans la salle, un plateau à la main. Habillé en serveur, il se fond parfaitement dans la masse, entre clients riches et employés pressés. Ses yeux sont rivés sur sa cible : la table la plus éloignée des autres, près d'une grande baie vitrée, où attend le riche homme d’affaires Georges Miller. Rouge du visage et rond du ventre, le petit businessman n’est pas difficile à repérer. A l’écart des autres clients, Georges est accompagné de plusieurs hommes de mains, tous de noir vêtus.

Mais Kaleb n’est nullement effrayé. On l’a payé pour assassiner ce Georges, et, c'est bien connu, Kaleb ne rate jamais une mission. Aux côtés de sa cible, une jeune femme à la beauté ravageante rit aux éclats, mais Kaleb sait que ce n’est qu’une mise en scène. Cette femme, Erika, est sa complice. A deux, ils vont envoyer le gros Georges six pieds sous terre, et personne ne se doutera de leur culpabilité.

– Monsieur Miller, commence Kaleb une fois arrivé à la table, voici votre plat du jour.

Sa voix est douce, soumise. Il doit faire croire à cet imbécile qu'il n'est qu'un vulgaire serveur, bien inférieur à lui.

Georges ne prête aucune attention au tueur à gages. Bien trop occupé à scruter les courbes voluptueuses d'Erika, l'hommes d'affaires rit aux éclats en se penchant vers elle, lâchant une blague ou deux à caractère sexiste.

Kaleb, tête baissée, passe entre les gardes du corps, et pose délicatement les assiettes commandées. Le steak empoisonné pour Miller, et les crevettes saines pour sa complice.

– Cela a l'air exquis ! Roucoule Erika. Georges, empressons-nous de goûter ces délicieux mets !

– Bien sûr, ma tendre ! Réplique Miller sans se départir de son large sourire.

Il ne fait guère attention à Kaleb, a déjà oublié son existence. Il ignore qu'un faucheur se tient à ses côtés.

Les mains dans le dos, Kaleb s'éloigne à nouveau vers les cuisines. Le poison agira lentement, si bien que Miller devrait décéder dans la nuit. Les légistes ne pourront déceler rien d'autre qu'une crise cardiaque.

Kaleb sourit en pensant au paquet de fric qu'il va recevoir. Mais, en attendant, il doit continuer son rôle de serveur, servir d'autres personnes imbues d'elles-mêmes, dégustant leur caviar sur le bout des doigts.

Derrière lui, il entend le cliquètement des couverts, puis Georges qui engloutit son steak, déglutissant bruyamment. Puis la voix de Miller s'élève, visiblement anxieuse.

– Erika ? Ma chère, est-ce que tout va bien ?

Curieux, Kaleb se retourne, en même temps que d'autres clients.

Il comprend aussitôt que quelque chose ne va pas.

Kaleb se fige en voyant la scène qui se déroule sous ses yeux : Erika, les yeux exorbités et injectés de sang, s'agrippe la gorge à deux mains. Ses ongles tentent de déchirer la peau de son cou. Du sang se met s'écouler de nombreuses plaies. Son regard paniqué se pose sur son complice, tandis qu'elle se lève avec difficulté, du sang s'écoulant de ses oreilles et de son nez.

Georges se lève à son tour. Il s'avance vers Erika, mais un de ses garde l'en empêche, méfiant.

Sous le regard médusé de Miller et de ses chiens de garde, Erika fait un pas, puis deux, levant la main en direction de Kaleb. Un murmure s'échappe de ses lèvres violacées :

– Poison...

Puis elle s'effondre lourdement, prise de violents spasmes, avant de s'immobiliser à tout jamais. Une flaque de sang commence à entourer son corps sans vie.

Cela n'aura même pas durer une minute.

Soudain, la panique s'empare du restaurant cinq étoiles. Les clients bondissent de leur chaise, certains criant au meurtre, puis s'engouffrent vers la porte de sortie, malgré les quelques employés qui leur demandent de se calmer.

Pendant ce temps, le regard de Miller s'ancre dans celui, abasourdi, de Kaleb.

– Attrapez-le ! Ordonne-t-il à ses gardes. Il l'a empoisonné, arrêtez cet homme !

Kaleb n'attend pas qu'on vienne le cueillir. Il file dans la direction opposée, bien décidé à fuir. Alors qu'une course poursuite s'engage, plusieurs questions se bousculent dans sa tête : que s'est-il passé ? Pourquoi est-ce le plat d'Erika qui était empoisonné ? Miller a-t-il également été empoisonné ? Le poison n'était censé agir que dans plusieurs heures, alors... Qu'est-il arrivé à Erika ?

Depuis le porche de sa demeure, Thomas Rellik observe son épouse avec attention. Ce millionaire de 25 ans à peine a la nausée à la vue de sa propre femme. Celle-ci se tient aux côtés de leur chauffeur. Madame Emma Rellik semble réellement heureuse. Le sourire aux lèvres, elle n'hésite pas à toucher le chauffeur sur l’épaule, sur le bras, lui prend les mains tandis qu'ils rient de bon coeur.

Thomas a beau regarder, il ne comprend pas. Leur chauffeur est plus vieux que lui, beau sans être particulièrement séduisant. Il fait peut-être des ravages auprès de la plèbe, mais ici ? Comment Emma a-t-elle pu tomber sous le charme de ce rôturier ?

Thomas retrousse les lèvres en un sourire mauvais. Il a beau ne pas connaître la raison de leur amour, il connaît pourtant la fin qui leur est réservée.

Lorsqu'Emma est venue lui apprendre, il y a trois mois de cela, qu'elle était enceinte, Thomas a tout de suite compris qu'il n'était pas le père. Et une telle trahison ne se pardonne pas.

Plongé dans sa jalousie rancunière, il ne prête pas attention à la femme qui se glisse à sa droite.

– Est-ce que tout va bien, mon amour ? Demande Ariane. Tu m'as tout l'air d'un homme prêt au pire.

– C'est parce que je le suis, prêt au pire des péchés.

Il se tourne enfin vers son amante, et plonge son sombre regard dans celui, apeuré, de sa secrétaire.

– Bientôt, nous pourrons vivre notre amour sans nous cacher. Et l'enfant que tu portes sera l'unique héritier de ma fortune.

– Chéri, tu me fais peur. Qu'est-ce que tu comptes faire ? Je sais que cette histoire d'infidélité te préoccupes, mais ne commets pas de bêtises, je t'en prie...

Thomas l'embrasse avant qu'elle n'en dise davantage. Evidemment, elle ne connaît rien de ses plans. Mais elle n'a rien à craindre, Thomas s'occupe de tout. Il caresse le ventre légèrement bombée de son amante, puis inspire profondément. Cette rage qui l'habite toujours lui met les nerfs à vif.

Il pose sa tête sur l'épaule d'Ariane, sent son corps chaud contre le sien. Bientôt, ceux d'Emma et de son chauffeur seront froids, terriblement froids. A cette pensée, il sent un plaisir gonflé montait en lui. Il se mord la lèvre pour rester concentré.

– Elle finira par le regretter, dit-il soudainement. Mais quand elle comprendra que son erreur ultime aura été de me trahir, il sera trop tard. Où que son âme aille, j'espère qu'elle souffrira...

Ariane frissonne sous le poids de son amant. Un chagrin d'amour, pense-t-elle tout simplement. Mais ce qu'elle ignore, c'est que Thomas a trafiqué les freins de la voiture. Quand Emma montera avec son chauffeur, cela signera leur arrêt de mort. Lancé à toute allure sur l'autoroute, ils n'auront aucune chance face à une voiture qui refusera de ralentir.

Oui, Thomas sourit à cette pensée. Bientôt, il n'aura plus à se préoccuper de cette haine qui l'habite...

Assis à même le sol, sa main tremble tandis qu'il essaye d'allumer sa cigarette. Il lui faut bien six essais avant d'y parvenir. Il avale une grosse bouffée dans l'espoir de calmer ses tremblements, mais il n'y arrive pas. Il passe son autre main dans ses cheveux, la panique s'accroissant en lui.

Il ne voulait pas... Non, il ne le voulait pas...

Il observe le corps de l'homme qui gît à ses pieds, le visage défoncé à force de coups de poings et de pieds. Des sanglots ensserrent la gorge de Van, tandis qu'il prend une autre bouffée de cigarette. Ce macchabé a-t-il prévenu qui que ce soit de sa destination ? Quelqu'un sait-il qu'il comptait se rendre chez Van ? Si oui, alors ce dernier ne donne pas cher de sa peau...

Sa jambe se met elle aussi à trembler. Il ramène ses genoux contre lui, pose la tête dessus, puis ferme les yeux. Il essaye de se calmer, en vain. Les sanglots montent à nouveau, et c'est maintenant tout son corps qui tremble.

Il ne veut pas aller en prison... Non, il n'y survivrait pas... Il a déjà eu l'occasion d'y aller, et il sait qu'il se ferait écraser dans cet univers impitoyable.

Un poulet entouré de loups ne survit pas longtemps.

Il bondit sur ses pieds quand le téléphone se met à sonner. Aussitôt, il se dirige vers le combiné, essuie ses larmes du revers de sa manche. D’une main craintive, il décroche.

– Castelli ? Fait la voix de son collègue.

– Beltrame ? Qu'est-ce qu'il y a ?

– Je voulais juste te dire que... Tout va bien ? Ta voix est toute enrouée.

– Oui, oui, je vais bien, pourquoi ça n'irait pas ? Je suis juste un peu fatiguée.

Castelli éloigne le combiné quelques secondes, inspire profondément, puis reprend :

– Qu'y-a-t-il, Beltrame ? Pourquoi tu m'appelles aussi tardivement ?

– Je suis désolé de t'embêter, gamin, mais une urgence vient de tomber au commissariat. Il y a eu un accident mortel sur l'autoroute. Une femme enceinte et son chauffeur ont tous les deux péris.

– C'est triste, mais les accidents ça arrive. En quoi celui-ci est-il différent des autres ?

– C'est que... Non seulement la femme était l'épouse du richissime Thomas Rellik, mais en plus de cela les évènements ayant menés à l'accident sont assez perturbants. Notre expert a tenté d'analyser la voiture, et il pense que les freins ont été trafiqués de sorte à ce qu'ils finissent pas lâcher. Malheureusement la voiture est bien trop amochée pour confirmer cette hypothèse à 100%.

– D'accord, mais ça n'explique toujours pourquoi tu m'appelles moi.

Van est pressé de finir cette conversation, dont il commence à désapprécier sa tournure. Tout en parlant avec son collègue, son regard reste rivé sur le cadavre à ses pieds. Où va-t-il bien pouvoir le dissimuler ?

– En réalité, poursuit Beltrame, c'est parce que le chef veut que tu prennes cette affaire en main. Il veut que tu enquêtes sur le mari, mais en toute discrétion. Il veut éviter que l'affaire s'ébruite.

– Quoi ? Pourquoi moi ? C'est insensé, pourquoi je devrais m'en occuper ? Non, je refuse ! Pourquoi pas Passieux ou D’Isanto ? Ou même toi ?

La panique s'empare de lui, son souffle s'accélère. Il voudrait ordonner à son corps de se calmer, mais il n'y parvient pas.

– Tu es sûr que tout va bien, gamin ? Réitère Beltrame. Pourquoi tu ne voudrais pas de cette affaire ? Par le passé, tu as déjà été amené à enquêter pour le vieux Rellik, non ? Le chef a donc trouvé ça cohérent que ce soit toi qui prenne ce dossier en main.

– Oui, mais je... Je ne sais pas... C'est que... C’était le père, pas le fils...

– Ecoute, gamin, je veux pas t'ennuyer plus que nécessaire, mais le chef veut que ce soit toi, et personne d'autre. Tu peux essayer de lui faire changer d'avis, mais je doute que tu y parvienne. Tu sais comment il peut être borné. Passieux et DeSolva sont en repos cette semaine, tu le sais. Et moi j’ai de la paperasse à terminer. Bref, du coup tu n'as pas besoin de passer au poste demain, tu peux déjà commencer ton enquête. Le chef te laisse un libre-arbitre total, tant que tu boucles cette histoire au plus vite. N'hésite pas à m'appeler s'il y a le moindre souci. Je suis là pour toi, mon grand.

Beltrame raccroche sans attendre la réponse de son collègue. Van se laisse glisser le long du mur, toute force l'ayant quitté. Il s'occupera de l'affaire du mieux qu'il peut, si cela permet de dissiper les soupçons à son égard. Ainsi, si le mari est traîné en justice, la police n'aura d'autre choix que de se concentrer sur lui, plutôt que sur l'homicide que vient d'effectuer Van.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire MélanieLascaux ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0