Je suis sous la douche. L’eau s’enfuit par la bonde tandis que je suis assis sous la pluie qui émerge du pommeau. Je ne suis pas là. Je suis ailleurs, dans un rêve, dans un souvenir, dans une fiction à la fin de laquelle nous serions toujours ensemble. Sans y penser, mon index passe sur le côté de mon pied, sous la bosse du tibia, là où sont marqués les deux kanjis composant son nom. Mon unique tatouage parait bien peu par rapport aux immenses images d’encre dansant sous sa peau, mais il est l’empreinte de cette journée durant laquelle j’avais accepté de le suivre dans ce salon de tatouage. Je voyais cela comme un rituel qui me rapprocherait de lui, qui me permettrait de le comprendre plus encore. La douleur avait été brève puisque le dessin était petit, mais il est des douleurs que l’on n’oublie pas. Dans la douche, sous le flot ininterrompu qui coule sur mon corps, personne ne saurait distinguer des larmes au milieu de toute cette eau.