Chapitre 3: le Roi

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  • Bon, par où se trouve la capitale ? demanda Auriel.
  • Vers le nord, prononça faiblement Médusa.

 Elle vit que son frère luttait pour ne pas s’écrouler. Doucement, elle descendit.

  • Ça va aller ?
  • Oui, merci Auriel.
  • Par contre, il fait nuit… sais-tu comment trouver le nord ? Je ne vois… quasiment rien, articula difficilement l’adolescent.

 La démone regarda le ciel, magnifiquement étoilé. Pas un nuage ne couvrait les cieux. Elle chercha l’étoile du Nord. Un astre plus brillant que les autres indiquant la direction de son nom. Après l’avoir trouvé, elle attrapa son frère et le plaça sur son dos. Il n’avait plus aucune force et ne résista pas.

  • C’est mon tour maintenant, repose-toi. Je nous ramène à la maison.

  Auriel sourit et se laissa emporté par le sommeil. Médusa avança lentement vers la ville. Son frère étant hors de danger, nul besoin de se presser. Elle serpenta tranquillement toute la nuit. Au petit matin, elle arriva au bord d’une route. La capitale était à peine visible à l'horizon. Ils étaient encore loin. L’attention de la démone fut attirée par un léger bruit, presque inaudible. Elle pausa sa main sur le sol. De petites vibrations lui parvenaient. Des chevaux approchaient. Elle posa délicatement Auriel sur le sol pavé de la voie.

  • Où… où sommes-nous ? demanda-t-il en se réveillant.
  • Sur une route.

 Elle commença à s'éloigner de lui.

  • Où vas-tu ?
  • Des chevaux arrivent. S’ils me voient avec toi…
  • Tu vas rentrer ?
  • Oui, mais cette nuit. Dis à papa et maman que je vais bien.

 Sur ces mots elle disparut dans le champ bordant la route. Auriel entendit les chevaux arriver. Il avança avec difficulté vers eux en agitant les bras. Les équidés s’arrêtèrent devant lui. Trois au total, un alezan, un blanc tacheté et un noir. Ils étaient équipés de légères pièces en cuir et métal pour les protéger sans gêner leur course. Les soldats étaient eux aussi en armure légère. Une simple cuirasse de cuir aux couleurs de la capitale. L’un d’eux descendit et s’approcha. Auriel tenta de se présenter : « Je m’appelle… Au… » mais n'eut pas le temps de terminer avant de s'effondrer, tant il était épuisé.

 Quand il rouvrit les yeux, il se trouvait dans un lit. Des draps blancs le recouvraient. Son bras droit, son front et son torse étaient pansés. Sa mère dormait sur le bord du matelas. Son père occupait une chaise face à lui, sombrant doucement dans le monde des rêves. En relevant la tête une dernière fois pour vérifier l’état de son fils, il bondit de sa chaise et se précipita au bord du lit en criant :

  • Auriel ! Comment te sens-tu ?!

 Cette agitation réveilla sa femme qui enchaîna :

  • Mon chéri, tu vas bien ?
  • Oui, tout va bien, baraguina-t-il alors que Gabrielle l’enlaçait jusqu’à l’étouffer. Est-ce que…
  • Chut, l’interrompit Thorn. Tu as été trouvé hier matin. Les soldats t’ont tout de suite amené à l’hôpital pour te soigner. Nous t'avons veillé depuis. On ne sait pas si elle a pu rentrer sans encombre...

 À ce moment-là, quatre soldats rentrèrent dans la pièce et se mirent au garde-à-vous. Le roi leur emboita le pas. L’artisan et sa femme posèrent un genou à terre. D’un geste du poignet, le souverain leur indiqua de se relever et s’approcha du lit. Il portait de riches vêtements de teinte pourpre et or. Son habit ressemblait à une grande robe de chambre. De ses épaules partait une cape carmin. Les bords et l’intérieur de celle-ci étaient recouvert d'une fine couche de fourrure blanche, sûrement de l’hermine. Son visage était sombre, affichant la fatigue, la tristesse mais surtout la colère, cachées derrière un sourire forcé. Il mettait mal à l’aise l’adolescent, donnant l'impression de l'oppresser. Le monarque avait les yeux marron, la peau légèrement bronzée et les cheveux bruns. Le tout surplombé par sa couronne, en or, sertie de diamant et de rubis. Il demanda tranquillement :

  • Apparemment j’arrive au bon moment. Bonjour... Auriel, c’est bien cela ?
  • Oui, votre Majesté, répondit-il avec une gène dans la poitrine.
  • Comment allez-vous ?
  • Bien, votre Majesté.
  • On m’a fait un rapport de la situation et je dois avouer. Je suis curieux de savoir comment vous avez réussi à échapper à vos agresseurs.
  • C’est...
  • Allez-y, ne mâchez pas les détails, coupa le roi.

 Il ne comprenait pas. La présence du monarque lui provoquait un léger manque de souffle, quasiment imperceptible pour les autres mais lui le ressentait énormément. Mais ce n'était pas ce qui l'inquiétait le plus. Comment raconter son histoire sans impliquer sa sœur?

  • Bien, votre Majesté. On m’a enlevé en m’assommant par derrière. Je me suis réveillé dans une tente au milieu de la forêt. j'ai tenté de fuir mais ils m'ont rattrapé, frappé et attaché à un arbre. Je me suis évanoui.
  • Ceci explique vos blessures. Bien, continuez.

 Le jeune blessé réfléchit quelques secondes avant de reprendre:

  • Puis après un moment, j’ai entendu des cris. Mes kidnappeurs ont commencé à se battre contre quelque chose. Je n’ai pas réussi à voir de là où j’étais. L’un d’eux avait un arc. Il a commencé à viser comme si sa cible se trouvait à plusieurs pieds au-dessus de lui. J’ai à cet instant cru que j’allais mourir. Je n’ai pas bien compris pourquoi mais sa flèche est partie dans ma direction. Par chance elle n’a que tranché mes liens. J’en ai profité pour m’enfuir. La dernière chose que j’ai vue en me retournant était un énorme bras monstrueux. J’ai couru aussi vite que j’ai pu dans le noir. Je ne saurais dire combien de temps. Puis j’ai vu des chevaux arriver.

 Le Roi réfléchit. Il fit quelque signe à l’un des soldats et murmura à l’oreille d’un autre. Les deux sortirent de la chambre.

  • Merci, jeune homme. Je compte sur votre présence à l’anniversaire de ma fille, dit-il avant de sortir à son tour, suivit par les deux derniers soldats.

 Les médecins autorisèrent Auriel à sortir en fin de journée. La nuit était en train de tomber. Il rentrèrent tranquillement tous les trois. Le garçon espérait que sa soeur serait en train de les attendre là-bas. Une fois arrivé, Thorn demanda à son fils :

  • Que s’est-il réellement passé ?

 Auriel ne voulait révéler que c'était sa soeur qui avait massacré ces hommes, de peur qu'ils la rejetassent. Il voulait la protéger:

  • Ce que j’ai dit, à un détail près, mentit le jouvenceau. Ce n‘est pas une flèche qui m’a libéré mais Médusa. Elle a surgi de nulle part et m’a sauvé.
  • Mais où est-elle alors ? s’inquiéta Gabrielle.
  • Je ne sais pas. Elle m’avait dit...

 Il fut coupé par d’étranges bruits. Comme si on tapait sur du verre. L’adolescent se précipita dans sa chambre et ouvrit la fenêtre. La tête de la démone entra doucement. Ses longs cheveux couvraient en grande partie son visage, dégoulinants d’eau. Son regard était tourné vers le sol. Elle avança dans la pièce, sa queue tomba lourdement sur le plancher. « Elle était sur le toit ? » s’étonna Auriel. La fille-serpent n’avait plus sa robe noire. Son torse était nu, seulement couvert de quelques mèches.

 Le garçon ferma la fenêtre pendant que Médusa passait devant ses parents sans leur accorder attention. De l’eau se répandait sur son passage. Elle arriva devant son lit, resta figée quelques secondes avant de s’écrouler. Affolés, ils se précipitèrent vers elle. Médusa tremblait de tout son être. Elle était frigorifiée, brûlante de fièvre.

 Auriel et sa mère passèrent les deux jours suivants à son chevet. Durant tout ce temps la fille-serpent avait repris des couleurs mais n’avait pas dit un seul mot. Elle se contentait d’observer sa queue remuer. Elle mangeait à peine. Son front restait brûlant de fièvre, son regard vide. Elle s’était enroulé dans sa propre queue, comme pour se protéger dans un cocon. Elle ne croisa à aucun moment les yeux de sa famille. Le garçon resta près d'elle, à raconter les bêtises qu'ils avaient pu faire plus jeune:

  • Au début, tu te souviens, je ne comprenais pas pourquoi t'avais pas le droit de sortir. Du coup, en petit idiot que j'étais, j'ai commencé à t'embêter. Et un jour...

 Il s’arrêta pour ricaner.

  • Tu en as eu marre et tu m'a attaqué. Ah c'est l'un de mes meilleurs souvenirs. J'avais tellement ri. Tu me rampais après, mais tu n'arrivais pas à contrôler ta trajectoire et tu fonçais dans les meubles. Maintenant que j'y pense, sans cela tu m'aurais attrapé très vite. Notre petite course-poursuite s'était terminée sur la table, enfin moi dessus, toi dessous, sous les hurlements de papa et maman. Tu tournais autour des pieds de celle-ci, et tu n'arrivais pas à te dresser assez haut pour y monter. Ah, tu pestais beaucoup. Mais tes railleries se sont vite transformés en en rire, les cris des parents aussi. Ils t'ont arrêté car ils ont eu peur que tu finisses par casser la table, ou peut-être que tu fasses un nœud autour de l'un des pieds.

 L'adolescent tapa sur son genou avec un sourire d'une oreille à l'autre, ce qui raviva la douleur et lui arracha une légère grimace :

  • Après, ils nous avaient envoyés dans ta chambre pour qu'on se réconcilie. Tu avais boudé dans un coin un moment mais, après les assauts répétés de mes chatouilles, on s'est calmés. Tu ne m'en voulais plus et on s'endormit sur ton lit.

 Son récit arracha un sourire à sa sœur, avant qu'elle ne ferme les yeux. Il sortit, fière de lui et alla se coucher.

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