Chapitre 11: La chasse terminée
La tempête faisait rage. La tente subissait les assauts du sable, se pliant sous le vent, résistant tant bien que mal à ces conditions. A l’abri dans celle-ci, bien qu’à l’étroit avec Matthew et les têtes des chevaux, Auriel attendait impatiemment de pouvoir reprendre la chasse. Le traqueur quant à lui, s’était endormi. Il avait demandé à l’adolescent de le réveiller si la tempête s’arrêtait. Comment pouvait-il dormir dans ces conditions ? Le bruit du sable percutant la toile protectrice, les hurlements du vent, le grondement du tonnerre, le retard pris sur la traque de Médusa. La fatigue gagna petit à petit le jeune homme qui finit par s’endormir.
Il fut réveillé par un tas de sable qui lui tomba sur le visage. Il sursauta, se redressa et cracha la poussière rousse entrée dans sa bouche. Les chevaux étaient debout, tranquillement en train de manger un peu de foin donné par le chasseur de démon. Celui-ci finissait de replier la tente. Levant la tête le soleil éblouit le garçon. Le soleil ? Depuis qu’ils étaient arrivés dans le désert il n’avait eu l’occasion de le voir. Au-dessus d’eux les nuages s’étaient écartés, laissant l’astre illuminer la zone aride. Auriel ferma les yeux et profita des caresses des rayons solaires, étrangement doux ce matin. Matthew l’appela et ils reprirent leur chasse. Il remarqua cependant que les nuages se rassemblaient afin de replonger ce monde dans son état naturel, avec cette opressante atmosphère.
Après une bonne heure de trajet ils arrivèrent près de l’inselberg. Bien plus imposant que ce qu’imaginait le garçon en l’apercevant de loin. De couleur rouille comme le sable, il trônait magistralement non loin de la mer. On pouvait observer sur son flan Sud, une petite chute d’eau, dévalant le relief et terminant sa course dans l’oasis. Celle-ci était magnifique, pas bien grande mais ce brin de verdure dans ce lieu désolé sublimait l’endroit. A un lieu (*) de la petite forêt, Matthew s’arrêta.
- Que se passe-t-il ? demanda Auriel.
- Je regarde d’où vient le vent. D’après toutes les informations que je possède, notre cible semble avoir beaucoup des attributs des serpents. Si c’est bien le cas et que le vent est contre nous, elle nous sentira venir et nous perdrons l’effet de surprise. Hmmm… du Nord-Ouest… on a de la chance. Allons-y !
Ils atteignirent enfin l’oasis. Ils attachèrent les cheveux à un arbre. Ceux-ci commencèrent à brouter la belle herbe verte aux reflets roux. L’adolescent n’avait jamais vu ce type de végétation. Les arbres n’étaient pas bien grands, dix, quinze pieds pour les plus haut. Leur tronc était large et leur feuillage semblait s’étaler à plat, créant un plafond de feuille très dense. Le sol, hormis d’herbe, était totalement dépourvu de buissons ou autres plantes.
Le traqueur prit ses épées, sa sacoche contenant ses clous de fer et pénétra dans le bosquet. Auriel suivit, armé de sa lance. Après quelques minutes, ils aperçurent une clairière. Une petite mare occupait tout l’espace, pas très profonde, un ou deux pieds au maximum. L’eau était claire et cristalline. Matthew ordonna d’un geste au garçon de se cacher derrière un arbre et fit de même. Médusa était là. Allongée dans l’eau, adossée à l’immense rocher d’où tombait la petite cascade. Le liquide frappait la tête de la démone. Elle ne bougeait pas, ne réagissait pas, laissait sa queue onduler au grès du faible courant. Auriel était médusé. Sa sœur était devenue incroyablement maigre. Ses bras n’avaient plus que la peau sur les os. On pouvait voir et même compter ses côtes. La colère de l’adolescent se dissipa. Il n’arrivait plus à la détester en la voyant dans cet état. Il repensa à son enlèvement, à l’état dans lequel elle était après avoir tué les bandits.
Le jouvenceau fut tiré de ses pensées par un puissant coup de vent. Matthew s’était élancé pour attaquer, muni de trois de ses clous. D’un mouvement rapide et puissant il enfonça le premier dans l’extrémité de la queue de la femme-serpent. Du sang commença à se diluer dans l’eau. Le traqueur posa un pied sur le clou et une autre rafale le propulsa vers la cascade. Les deux derniers pieux de fer terminèrent leur voyage dans les bras de la démone, proche des épaules. Ce fut à ce moment qu’elle réagit. Le premier lui coupa le souffle, le deuxième lui arracha un cri de douleur. Elle hurla de tout son être. Si violemment que son agresseur fut repoussé à quelques pieds de là. Auriel se boucha les oreilles tant le cri lui vrillait les tympans. Il laissa tomber sa lance.
Elle arrêta de hurler, les yeux en pleurs. Elle tenta de se débattre, d’attraper l’homme près d’elle mais impossible. Ses bras ne répondaient plus. Encore une fois elle se retrouvait crucifiée. Son agresseur recula:
- Elle est à toi. Je te la laisse.
L’adolescent sortit de l’ombre des arbres et approcha d’un pas hésitant. Médusa baissa la tête dès qu’elle le vu. Il était maintenant juste devant elle. Il leva sa lance, prêt à frapper. Il n’y arrivait pas. Ses bras tremblaient, comme si son arme avait tripler de poids. C’était pourtant l’assassin de ses parents. Il l’avait vu de ses propres yeux. Il en était sûr. Alors pourquoi n’arrivait-il pas à frapper. Matthew s’impatienta :
- Alors ? C’est pour aujourd’hui ou pour demain ? Je te l’ai laissée pour ta vengeance mais si tu n’en es pas capable, je m’en chargerai !
Le garçon tremblait. Il transpirait. Ses mains étaient moites. Sa lance vacillait. Il fixait sa sœur sans prêter attention au chasseur.
- Très bien ! Pousse-toi je m’en occupe !
Le traqueur dégaina ses épées et avança. Médusa releva la tête, dévisageant l’homme, le regard empli de rage
L’eau l’apaisait. Elle était fatiguée, épuisée. Depuis quand était-elle là ? Elle se le demandait. Tout lui revint en mémoire : l’enlèvement, sa capture, la torture, le Roi, l’arène, le vacarme, la mort de ses parents, son évasion, la fuite, … elle pleura. Le temps fila sans qu’elle s’en rendît compte. Quelque chose surgit des arbres. En un éclair la douleur envahit son corps. Elle hurla. Son agresseur appela quelqu’un. C’était Auriel. Elle baissa les yeux, incapable soutenir son regard. La démone se replongea dans son esprit, cet immense espace noir, une voix l’appela :
- Que vas-tu faire ?
- Mais qui es-tu ?!!
- Je suis toi.
- Moi ?
- Oui nous ne faisons qu’un. Cependant moi j’ai le courage de faire ce qui doit être fait.
- Donc c’est toi qui m’a fait tuer mes parents ?!
- Non tu le sais déjà qui a fait ça. Le problème actuellement sont les deux hommes venus pour nous tuer.
- L’un d’eux est Auriel. Je ne veux pas…
- Tu es trop tendre. Ce sont des humains !! Ce sont eux qui ont détruit notre vie !! Depuis qu'ils t'ont trouvée, quels jours n'as-tu pas souffert ?!!
- Non…
- Tuons-les !
- Non…
- Tuons-les !!
- Je...
- TUE-LES !!!
Matthew s’arrêta dans sa charge, fixant les yeux de la femme-serpent. Jaune et pupille noire. « Le berserker ?! pensa-t-il. Merde. Quelque chose ne va pas avec elle. Elle l’utilise beaucoup trop. » L’ombre de Médusa commença à grandir jusqu’à prendre la totalité du rocher derrière elle. La forme ténébreuse sembla regarder tour à tour les deux agresseurs. Elle hurla, du moins c’est l’impression qu’elle donnait, pas un son ne sortit de l’ombre. Le traqueur ne comprenait pas : « Elle ne devrait pas pouvoir utiliser la magie. Mes clous ont été enchantés afin de bloquer les pouvoir de leurs victimes ! » Il remarqua que les barres de fer plantées dans la démone se fissuraient. Il ressentit soudainement une aura meurtrière, une immense soif de sang. Le sol trembla sous les pieds du chasseur. Il recula. Une ronce jaillit à son précédent emplacement et commença à le poursuivre. Il la trancha. D’autres lianes épineuses surgirent autour de lui. Matthew se lança dans le combat. Il esquivait les attaques, coupait les branches piquantes. Il jeta un coup d’œil à Auriel. Il ne bougeait plus, fixant l’ombre sur la roche. Il était tétanisé par la peur. Au moment où le traqueur allait lui beugler un ordre, il s’écroula contre le mur, inconscient.
Le nombre de ronce ne faiblissait pas. « Pendant combien de temps va-t-elle tenir la cadence ? » se demandait le chasseur de démon. A ce rythme il serait bientôt débordé. D’une pirouette il passa outre les plantes et voulut se diriger vers sa vraie cible. Néanmoins il avait été pris de court. Elle était là, juste devant lui, la gueule ouverte, révélant sa cavité buccale ébène, sa langue fourchue, ses crochets prêts à mordre. Elle était trop proche. Il n’eut le temps d’esquiver. Elle ferma la mâchoire sur le flan de son cou. « Comment s’est-elle libérée ? » s’interrogea-t-il. Son regard se tourna vers la cascade. Les deux bras du monstre y étaient toujours accrochés. Médusa s’était arraché les bras afin de riposter. Ses épaules désarmées rependaient du sang sur l’armure de son agresseur et sur le sol, coulant jusqu’à l’eau et s'y diluant. Cependant il n’avait pas dit son dernier mot. Il tenait toujours ses épées. Il tenta de poignarder la démone. Une lance épineuse lui transperça le poignet. Il lâcha son arme. Une autre s’enfonça dans son estomac, lui coupant le souffle. Une troisième dans le foie, encore une dans l’estomac, les intestins, le pancréas, le poumon droit, les intestins, le foie, l’estomac, et pour finir… le cœur.
* ici un lieu correspond a 3km, soit 10000 pieds.
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