Prologue
Ma Chère Cassandre,
La semaine dernière, mon village a été attaqué par les démons. Je t’écris pour te rassurer. Je vais bien. J’ai eu la chance de ne pas être blessée. Et j’ai… Comment expliquer ? Je vais tout te raconter depuis le début. Je dois t’avouer que mes mains en tremble encore. J’espère que tu arriveras à me relire.
C’était le matin, je me promenais dans la forêt alentour quand j’ai entendu des bruits. Je me suis cachée derrière un arbre et je les ai vus. Des démons. Une bonne dizaine. La plupart avait une apparence similaire : une silhouette humaine, avec des cornes sur la tête, avec des poils, d’autres à écailles. Certains avaient même des ailes.
Et soudain je l’ai vu. Il était tellement différent des autres : couvert de plaques noires, les bras et jambes fines, munies de griffes courtes, arborant un air sévère, le regard fixe devant lui. À ce moment-là, j’ai compris. J’ai compris ce qu’ils allaient faire, mais je me suis retrouvée tétanisée, incapable de bouger. C’était... je n'arrive toujours pas à trouver les mots. J’avais si peur qu’ils me remarquent et commencent par moi, si peur d’être dévoré, si peur de mourir. Sa seule présence avait suffi à me briser. J’étais comme écrasé. Je suffoquais. Mon esprit se perdait dans la terreur. Ce monstre semblait si invraisemblable, et troublant. Son visage ressemblait tellement aux nôtres, à celui d’un humain. C’était la première fois que je voyais des démons.
Je ne sais pas combien de temps je suis restée assise sur place, les mains plaquées sur mes lèvres pour bloquer la sortie de mes cris, les larmes aux yeux. Puis des hurlements me sont parvenus. De la fumée s’élevait au-dessus des arbres. J’ai essayé de me relever mais mes jambes me le refusaient. Je me suis difficilement hissé grâce à un arbre. Maintenant encore je ne sais pas pourquoi, mais j’ai couru vers le village malgré la peur qui me tordait l’estomac. J'espérais de tout mon cœur que les habitants n'avaient rien. Même si je connaissais déjà la réponse.
En y arrivant, j’ai vu toutes les maisons en ruines, des flammes dévoraient certains bâtiments. Des corps sans vie gisaient au sol. Il y avait aussi des cadavres de démons. Cette horreur, ce massacre, me fait encore faire des cauchemars. Ça m’a rappelé la mort de papa et maman. Ces odeurs de sang, de chair brulée, de mort me donnent encore la nausée rien que d’y repenser.
Puis, durant un instant, je n’ai plus rien entendu. Plus un son. Le temps semblait figé. La foudre a brutalement fendu le ciel, suivie immédiatement du tonnerre. Plusieurs habitations ont été pulvérisées. Et ce monstre est apparu : un géant, plus grand encore qu'une maison, aux corps et membres très sveltes, couvert de plaques noires. On aurait dit une armure de chevalier. De tels monstres peuvent-ils vraiment exister ? Son visage, rond et petit par rapport à sa taille, affichait un sourire… à te glacer le sang, entre la haine et la désolation. Deux cornes parfaitement horizontales trônaient au niveau de ses oreilles. Des éclairs crépitaient de l’une à l’autre.
Tu ne peux pas imaginer à quel point j’ai perdu tout espoir lorsque je l’ai vu s’avancer vers moi. D’un geste de la main, il a balayé une maison en ruine sur son chemin, comme si c'était une brindille, et s’est arrêté à quelques pas de moi. Il s’est accroupi et m’a regardé droit dans les yeux. Quelle horrible sensation. Je le sentais, il se demandait comment il allait me tuer.
C’est alors que je l’ai rencontrée. Venu de nulle part, un rayon lumineux a frappé le démon et l’a propulsé vers la forêt. Je me suis retournée pour voir mon sauveur. Une gamine. Je n’en revenais pas ; une fillette, d’à peine dix ans. Son bras droit brillait intensément alors que le gauche émettait une sombre aura. J’étais à la fois émerveillée et terrifiée. Le colosse s'est relevé et s’est approché de nouveau. Ils se sont regardés un instant. Puis elle a disparu, comme un mirage, et le monstre aussi.
J’ai entendu des bruits à côté de moi, et j’ai vu l’un de nos agresseurs, blessé, soutenir l’un de ses compagnons à qui il manquait une patte et une aile, vu la plaie dans son dos et sa jumelle solitaire. Ils m’ont regardée, les yeux d’abord emplis de peur, puis de colère. Mais ils sont partis, me laissant seule au milieu de la mort. Je suis restée là-bas, sans bouger, avant de comprendre ce que je devais faire. Je veux… non, je dois la retrouver. Cette petite déesse tombée des cieux, je suis sûre que c’est elle qui nous sauvera de ce cycle éternel. Je veux qu’elle m’apprenne à les combattre. Pour que la prochaine fois, je n’ai plus peur, pour que la prochaine fois, je protège ceux qui me sont chers.
Donc même si je ne rentre pas, ne t’inquiète pas. Je t’aime. Un jour, peut-être, nous nous reverrons.
Adieu, ta sœur Octavia.
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