Chapitre 33 : Affreux cauchemar

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    Natasha dans le noir complet. Aucun repère visible. Elle hurla, totalement paniqué :

  • Mère ! Père ! Auriel ! Mère !

  Pas de réponse. Elle se mit à courir, cédant à la terreur des lieux. “Tout droit jusqu’à trouver la sortie”, espérait-elle. Après de quelques minutes qui lui parurent être une éternité. Soudain une voix retentit devant la princesse, ou plutôt un mélange d’innombrables cris. Telle une explosion, le son la propulsa en arrière :

  • Meurs démon !!

  Effrayé, elle bifurqua et fuit en hurlant à son tour. Des sentiments négatifs commencèrent doucement à l’envahir, comme s’ils l’attaquaient : de la haine, de la tristesse, du désarroi, de la peur, de la rage... des émotions qu’elle avait déjà ressenties il y a peu. Elle trébucha, plusieurs fois. Une autre vocifération tonna à côté d’elle :

  • Laissez-moi !!

  Elle reconnut celle-là. C’était Médusa. Interpelée par ce cri, elle chuta une nouvelle fois. Reprenant ses esprits, elle tenta d’analyser la situation. Malgré l’obscurité, elle se voyait parfaitement, ses mains, ses pieds, son torse... Elle tapota le sol autour d’elle qui, bien que noir était solide, mais impossible de savoir s’il avait un trou quelque part. Elle se releva et tenta de reprendre une respiration normale pour se calmer. Mais rien à faire, ses jambes tremblaient et sa poitrine se soulevait à une vitesse trop élevée. Elle se sentait opprimé, non pas par l’espace, mais par ce qu’il s’y trouvait : ses sentiments si forts, si malaisant. Comment quelqu’un pouvait-il rester sain d’esprit avec cela ?

  Natasha aperçut une faible lueur non loin d’elle et s’y précipita. Elle arriva devant une petite sphère lumineuse. Elle la toucha. La boule explosa. Un voile blanc enveloppa la gamine.

  Elle apparut allongée dans une petite mare, entourée d’arbres, surplombés d’une chute d’eau qui coulait sur sa tête. Après examen des lieux et d’elle-même, elle remarqua une queue de serpent à la place de ses jambes. Elle voulut se pencher au-dessus de l’eau pour se regarder mais son corps refusa de bouger.

  • Je suis dans le corps de Médusa ?! Que se passe-t-il ? Est-ce un souvenir ? Pourquoi ? Pensa-t-elle.

  Soudain quelque chose sortit des buissons. Elle n’arriva pas à suivre le mouvement. La créature planta un énorme clou au bout de la queue de serpent. La douleur la paralysa. Elle leva la tête mais deux clous traversèrent ses épaules et l’immobilisèrent contre la roche derrière elle. La princesse eut le souffle coupé par le premier, mais le deuxième la fit hurler de tout son être. Ce corps bougeait tout seul. Natasha était comme prisonnier de celui-ci. Son regard se porta sur son agresseur. C'était un homme. Il parla mais elle ne comprit pas. Un autre sortit des buissons. Elle reconnut instantanément Auriel, armé d’une grande lance à la lame noire. Une nuée de sentiment l’envahit. Elle reconnut cette masse d’émotion. Elle l’avait ressenti deux semaines après les événements de l'arène. C'est donc ça qui s’était passé. Perdue dans ses pensées, perturbée par la douleur, elle ne fit pas attention à ce qui se déroulait devant elle.

  Elle entendit une voix dans sa tête, qui prononça d’incompréhensibles paroles. Mais certaines furent très claires :

  • Tuons-les ! ... Tuons-les ! ... Tue-les !!

  Brutalement, son corps bougea, tandis que son adversaire resta figé. Un intense douleur, surplombant tout ce qu’elle avait ressenti jusque-là. Tous ses sentiments négatifs, auxquels se rajoutait la trahison, accentués par une souffrance physique inégalée. Au milieu de tout ça, Natasha réussit à tourner légèrement la tête. Si elle avait pu vomir, elle l’aurait fait. Elle vit la chair de ses épaules s’étirer, se déchirer, dans ce qui lui sembla un vacarme écœurant. Elle fut saisie d’une puissante brulure, dominant totalement celle qu’elle subissait déjà. Ses bras se détachèrent.

  Elle ne pouvait tenir, plus supporter tout cela. C'en était trop. Elle hurla, de toute son âme. Le monde se fissura et explosa, la renvoya dans l’espace sombre. La princesse tomba à genou, tremblante de part en part, les yeux écarquillés, noyés sous les larmes, la respiration totalement anarchique. Son premier réflexe, une fois qu’elle retrouva un peu d’énergie, que la douleur ne la paralysa plus, de toucher ses bras, ses mains, vérifiant qu’ils étaient toujours là. Elle voulait être absolument sûre que ses membres étaient toujours attachés à elle, ses vrais membres. Même la sensation de toucher ne réussit pas la calmer au début. La confirmation visuelle de ses mains se serrant, se déplaçant sur ses bras, la rassura. Elle suivit celles-ci du regard de longues minutes.

  Tout à coup, une douce voix l’interpella :

  • J'ai revécu cette journée un nombre incalculable de fois.

  La princesse se retourna et vit ce qui lui sembla être une créature de cauchemar : une jeune femme, au visage magnifique, mais à la peau grise, des dizaines de serpent noirs au yeux verts remplaçant sa chevelure. L’épiderme de son torse était parsemé de plaque d’écailles ébènes. Une énorme cicatrice en forme d'impact couvrait son foie. Une longue queue de serpent presque aussi sombre que l’endroit remplaçait ses jambes. Ses bras étaient disproportionnés, plus longs, les mains larges, munies d’épaisses griffes.

 Natasha tenta de reculer, de fuir, mais ses chevilles furent comme trouées au moment où elle se leva. Elle retomba sur les fesses, essayant de ramper en arrière.

  • Qui es-tu ? Demanda le monstre en face d’elle.
  • Mé... Mé...
  • Que fais-tu dans mon cauchemar ?
  • Je...
  • Ce n’est pas la première fois que tu t'immisces dans ma tête. Je t’ai déjà sentie plusieurs fois
  • Je...
  • Tu es dans cet état après seulement l’un de mes souvenirs récents ? C’est à mourir de rire. Haha !
  • Tue-la ! Fit une voix grave et résonnante.

  La respiration de la fillette se bloqua. La peur la paralysa à nouveau.

  • Non, reprit Médusa, le ton fuyant. De toute manière, mes cauchemars continuent.
  • Non... non...
  • Quoi ? Qui y a-t-il ? Mes souvenirs te font peur ? Demanda la démone. Sache que c’est le quotidien de mes nuits...

  Sur ses derniers mots, la voix de la dardéone s’étouffa dans sa gorge. Un immense flash lumineux les engloba. La princesse apparut encore une fois dans le corps de la démone, positionné sur le toit d’une maison devant la place remplie d’un petit village. Elle comprit ce que la dardéone voulait lui montrer. L'attaque du village dont son père avait parlé. Non. Elle ne voulait pas revivre ça une nouvelle fois. Elle tenta de se battre, de fuir. Cette unique pensée la submergea, mais son corps, si l’on pouvait dire ça. “Non non non non non !” se répéta-t-elle dans ton esprit “Je ne veux pas !” Ce dernier mot résonna dans ce rêve. Comme soumis à l’impact d’une explosion, il se brisa en mille morceaux.

  Natasha ouvrit les yeux, la tête posée sur les genoux de sa mère lui caressant les cheveux. Elle se redressa brusquement, sans laisser le temps à la reine de réagir et saisit la première personne à sa portée. Le sort désigna Auriel, qui était assis juste à sa droite. Elle serra ses bras autour de son cou et plongea son visage dans le creux de celui-ci.

  Interdit par la situation, l’adolescent n’osait plus bouger, les bras écartés, les yeux écarquillés. Il entendit les gémissements et pleurs de la petite fille dans sa nuque. Il sentit aussi quelques gouttes couler le long de celle-ci. Il regarda la reine, espérant obtenir de l’aide. Il ne savait pas quoi faire. Tous les invités de l’anniversaires étaient regroupés. La mère de la princesse comprit son désarroi et s’approcha de sa fille. Elle posa doucement la main sur son épaule. Mais la princesse hurla de douleur au contact de sa génitrice. Elle lâcha le jeune homme et tomba dans l’inconscience.

  L’adolescent souleva la fillette et demanda à toutes les personnes présentes :

  • Où se trouve le mage médecin ?
  • Suivez-moi ! Réagit Thomas.

  Après une course rapide dans les escaliers du château, Auriel, le mage et la reine atteignirent le bureau de Mincora Solyne, une vielle sorcière comme certains la surnommait, devenue experte dans les soins et l’étude du corps humain. Son visage était marqué par le temps, surplombé par un long chapeau pointu blanc, dont le bout penchait en arrière. Elle portait une longue robe ivoire, semblable à celle de Thomas. Elle était assise à son bureau, face à la fenêtre de la pièce, dos à la porte. De chaque côté de la table, deux grandes armoires fermées et pour finir, deux lits servant surement à accueillir les malades.

  Lorsque sa porte s’ouvrit la vieille femme se leva et se retourna en râlant :

  • Mais c’est quoi ce vacarme à cette heure ?

  En effet, il faisait nuit depuis un moment déjà.

  • Ma fille ne va pas bien ! reprit la reine.
  • Posez-la sur le lit, fit-elle.

  Auriel s’exécuta. La magicienne examina la fillette. Elle plaça ses mains au-dessus d’elle et l’engloba un mince filament brillant. Après un court instant, elle écarquilla les yeux et commença à enlever le haut de la robe de la princesse, et dévoila deux énormes cicatrices, passant sous l’aisselle pour finalement faire le tour de ses épaules,

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