Chapitre 40 :  le temple

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  Le soleil se levait sur la forêt. Les rayons caressèrent le visage de Médusa qui s’étira, mais oublia qu’elle s’était perchée dans un arbre et tomba la tête la première. Sa chevelure siffla de douleur et s’agita dans tous les sens. La démone caressa ses serpents pour les calmer et se releva. Elle frotta ses jambes, fit quelques pas avant de trébucher et de se cogner le nez contre une racine. Heureusement que son corps était résistant. Elle jura en se redressant. “Cette apparence est plus discret et plus efficace dans les petits espaces... mais qu’est-ce qu’elle est peu pratique ! Avoir deux jambes... je préfère ma queue” Elle soupira et repartit à l’exploration de ce bois. 

 Les arbres étaient très serrés, laissant peu de place pour se déplacer. C'est pour ça que la dardéone avait revêtu cette forme. Elle avait beaucoup grandi en quatre ans et à moins de déraciner toute la forêt, elle n’aurait pas pu s’y balader. Comme cela, elle était plus libre de ses mouvements. Mais il était impossible de la confondre avec un humain. Elle possédait toujours sa chevelure vivante, ses précieux serpents noirs aux yeux verts. Sa peau était gris foncé, simplement dépourvu des plaques d’écailles qui parsèment son torse sous sa véritable apparence. Et elle se mouvait sur deux jambes au lieu de sa queue, ce qui ne lui plaisait pas. Elle tombait continuellement, s’emmêlant les guiboles. 

 Médusa avait passé la plus grande partit de ces quatre ans à maitriser cette forme. Après le combat de Drace contre Minos, elle avait demandé qu’il lui apprenne. Ce besoin s’était accentué avec sa fulgurante croissance, mais aussi avec la découverte d’une tablette ancienne. Celle-ci indiquait un temple enfoui sous une forêt dans ce qui est aujourd'hui le pays d’Ismar, son pays d’origine. Le dragon blanc avait tenté un bon nombre de fois de la retenir mais elle voulait en apprendre plus sur celle-ci qui avait porté son prénom avant elle. Le démon avait compris que c’était surement pour le moment la seule chose qui lui permettait de rester saine d’esprit, enfin consciente. Après quelques mois, elle s’était ouverte à lui et lui avait raconté son histoire. Après cela, ils s’étaient beaucoup rapprochés, au point de devenir presque intime, poussés par Mooniras. 

 Donc il avait cédé à la demande de la démone, mais avait imposé qu’elle maîtrise cette forme, qu’elle arrive à la maintenir. Ce qu’elle avait réussi, un mois auparavant. Elle était ensuite partie et avait mis trois semaines à atteindre son ancien pays. La côte d’Ismar était parsemé de tour de surveillance, tous les dix lieux. Elle avait cherché un endroit où elle aurait pu entrer sans être vu et avait fini par trouver. L'une des tours était détruite. Un arbre serpentait autour de de celle-ci et l’écrasait. La démone s’était demandé qui avait pu faire ça. Elle avait examiné les lieux. Les hommes en poste sur place étaient tous mort, une branche dans le cœur. Ils n’avaient même pas eu le temps de réagir. Mais ça ne l’intéressait pas. Elle était rapidement partie à la recherche du temple.

 Cela faisait maintenant cinq jours qu’elle fouillait cette forêt. Sa patience atteignait ses limites, elle qui n’aimait pas attendre. Par chance, elle trouva enfin. L'entrée du temple se trouvait dans une petite butte de terre, sous un impressionnant chêne, scellée par une épaisse dalle de granite.

 Médusa l’arracha sans problème et entra. Ses yeux lui permettaient de voir parfaitement bien dans le noir après un petit temps d’adaptation. Le début du sanctuaire souterrain était un escalier. Elle dut s’agripper au mur sur toute la descente afin de ne pas tomber. Une fois en bas, elle arriva dans un long couloir. Les murs était gravé d’immenses fresques, mais la plupart étaient peu intéressantes. Elles représentaient des humains, comme une histoire. Au début, il y avait juste des hommes, vivant dans des villages, vaquant à leurs activités : la chasse, l’agriculture... puis des monstres apparurent sur les gravures, à moitié animal pour certains “Les démons” déduisit la dardéones “Mais comment ? D’où viennent-ils ?” Elle regarda à côté, espérant trouver la réponse mais le mur était abîmé. On aurait dit que la fresque avait été volontairement rendu illisible.

 Médusa continua, espérant avoir la suite et arriva devant une salle. Elle n’était pas très grande. Les murs était gravé. Au centre se trouvait un imposant autel en pierre, composé d’un seul bloc, vierge à par un symbole que la démone ne reconnut pas. Elle entra et observa les dessins. Derriere l’autel, face à la porte, la plus grosse gravure représentait un enfant, tenant dans ses mains un soleil et une lune. 

Soudain la femme-serpent fut interrompu dans ses pensées. Quelqu’un était entré dans le temple. Une, deux, trois personne, en armure. Elle entendait leur bruit de pas et les claquements, même faible, de leur armure. À leur manière de se déplacer, ils essayaient d’être discret. L'odeur de l’acier se rependit dans le souterrain. Dommage que la démone possédait une ouïe fine et un odorat surdéveloppé, sinon ils auraient plus la surprendre. Les sons s’intensifiaient. Les intrus se rapprochaient. Les serpents de Médusa se plaquèrent contre sa peau et fermèrent les yeux. Elle voulait paraître le plus humaine possible dans cette pénombre. Les sons s’arrêtèrent. Ils étaient juste au bord de la salle. La démone resta de marbre, observant la fresque. Le métal résonna. Les invités indésirables avaient dégainé leurs armes. La dardéone tenta de garder son calme, l’envie de se retourner et les tuer la titillait. Elle inspira profondément, se remémorant la promesse de ne pas tuer sans raison à Natalia. Quelques minutes passèrent. Elle perdit patience :

  • Bon... vous comptez rester cacher longtemps ? 

 Auriel se figea, même s’il était dans la tête de quelqu’un d’autre. Cette voix, il la reconnaitrait entre mille, ce timbre, cette air joueur. C'était sa sœur. Sa colère grimpa. Il aurait voulu lui sauter dessus et lui hurler dessus : savoir pourquoi elle avait fait tout ça il y a quatre ans. Mais cela lui était impossible. La voie de Thomas retentit :

  • Attendez ! Nous...
  • C’est Médusa, fit le jeune homme.
  • Comment ?! 
  • J’en suis sûr. Je reconnaîtrais sa voix entre mille. 
  • Que se passe-t-il, conseiller ? Demanda le commandant.
  • D'après Auriel, il pourrait s’agir de la gorgone.
  • D’après ce que vois, elle ne semble pas avoir des serpents sur la tête, comme le mentionnaient les rapports.

 En effet, d’ici, on aurait dit une humaine normale. Dans l’ombre, il était impossible d’avoir plus de détail. 

  • Que faisons-nous ? 
  • Je ne sais pas. Si c’est vraiment elle, on ne sait pas ce qu’elle pourrait faire, dans un cas ou dans l’autre.
  • Alors !? Cria la supposée démone. Vous sortez ou je vous sors ?!

 Là, plus de doute possible, c'était elle. Le lancier se remémora une partie de cache-cache avec elle lorsqu’ils était encore enfant. Il s’était caché dans l’armoire de ses parents, les mains sur la bouche pour étouffer ses rires et observait par un petit trou. Elle était rentrée dans la pièce, rampant à ras du sol, chantonnant, puis avait dit cette phrase, à l’intention de son frère, fixant sa cachette. 

  • Allez-y, ordonna le mage. Si on arrive à avoir quelques informations. Dans tous les cas, si elle décide d’attaquer...
  • Nous savons. Quelle garantie avons-nous si nous sortons ?!
  • Les mêmes que vous m’accordez. J’ai promis de ne pas tuer sans raison. Mais si je me sens menacer, je n’hésiterai pas à attaquer.

 Leur interlocutrice se retourna et sauta par-dessus d’autel au centre de la pièce pour s’assoir dessus, les jambes croisées. Ses yeux brillant d’une inquiétante lueur verte. Auriel fut surprise. Elle avait des jambes. Ou était passée sa queue de serpent ?

 Les soldats s’approchèrent. Au fur et à mesure de leur avancé, la chevelure de Médusa se réveillait et leurs yeux s’allumaient comme ceux de leur maitresse. La torche du commandant éclaira la pièce et ils purent tous observer la démone.

 Natalia fut surprise par sa beauté. Elle l’était bien plus que l’image à la queue de serpent qu’elle voyait de temps en temps : les traits fin, le visage angélique, le corps gracieux. Elle était nue. Mais elle s’interrogea aussi sur cette apparence. À part sa couleur de peau et ses cheveux, elle ressemblait beaucoup à une humaine. S'en était inquiétant.

 Auriel se demanda qui était cette femme. Elle ressemblait certes à sa sœur mais en même temps, elle était totalement différente. C'était la même voix pourtant. Il était perdu.

 Le commandant arriva devant la dardéone. Celle-ci affichait un large sourire et attendait en balançant ses jambes.

  • Dis-nous ce que tu fais ici, démon ! Exigea-t-il.
  • Tu crois être en position d’exiger, peut-être ?! Riposta-t-elle.

 Il recula d’un pas, et tendit l’épée vers elle.

  • Je te conseille de ranger ça. Tu pourrais te blesser ou blesser tes camarades.
  • Rangez votre arme, fit Thomas.
  • Mais...
  • Rangez-là ! S'il elle considère ça comme une menace, elle risque de vous tuer et de détruire le temple !

 Il s’exécuta. Ravi, la démone reprit : 

  • Merci. Pour vous répondre, je cherchais des informations sur l’héroïne.

 Natalia repensa à sa conversation avec la démone. Elle était là à cause de son prénom. Elle cherchait à en apprendre plus sur la magicienne de la lumière et de l’ombre.

  • Pourquoi ? 
  • Juste intriguer car on m’a donné le même nom qu’elle.
  • C’est mes parents qui te l’ont donné ! Ceux que tu as tué ! S'énerva le jeune homme.
  • Et vous ? Demanda-t-elle. 
  • En quoi ça te regarde, lâcha l’un des soldat accompagnant le commandant.
  • Ça me regarde que si l’envie m’en prend, je vous tue sur-le-champ ! 

 Le cri de Médusa résonna dans la petite salle. Les murs tremblèrent. L'air devint oppressant. Cette sensation rappela à Auriel l’histoire de la reine et son aura quand elle déchainait sa magie.

  • Tais-toi, ordonna le commandant à son homme de troupe. Nous avons récemment appris l’existence de ce souterrain. Nous avons donc décidé de venir l’explorer.

 “Donc ils ne me poursuivaient pas. Bonne nouvelle. On est juste au même endroit au même moment” réfléchit la dardéone “Il faut que je m’en aille” Elle passa en revue les fresques de la salle. Un dessin revenait sans cesse : une enfant avec un soleil dans une main, une lune dans l’autre. Mais à chaque fois, elle apparaissait de nulle part. Impossible de savoir d’où elle venait.

 Les soldats s’impatientaient. Depuis plusieurs minutes, le silence régnait. Leur interlocutrice s’était désintéressée d’eux, comme si elle ne les considérait même pas comme une menace. Le commandant ne bougeait pas. Malgré cette situation, il avait remarqué que plusieurs serpents sur la tête de la démone les fixaient en permanence. Impossible de la prendre par surprise. Même son attitude ne laissait aucune ouverture, malgré cette impression de négligence. Elle les testait. Il finit par briser ce calme oppressant :

  • Que faisons-nous ?
  • Très bonne question ! S'exclama-t-elle au sautant de l’autel pour se mettre debout. Je vais partir, à moins que vous vouliez m’en empêcher.
  • Laissez-la partir, ordonna Thomas.
  • Quoi ?! Fit Auriel. Mais... mais on ne peut pas la laisser partir comme ça !
  • Et tu veux qu’on fasse quoi ?! 
  • La capturer !
  • Et comment ? L'expédition que j’ai envoyée n’est pas assez forte pour ça. On manque d’hommes et surtout de puissance.
  • Il doit y avoir un moyen.
  • Ne t’inquiète pas, Auriel. Tu auras d’autres occasions. 
  • Non, reprit le commandant. Quittez notre pays.
  • Si j’en ai envie. 

 Elle se mit à marcher vers la sortie. Debout, elle était grande, presque sept pieds à vue d’œil. Les hommes de l’expédition s’écartèrent. Médusa fixa l’un d’eux. Il tremblait, sa main sur le pommeau de son arme. Au moment où elle arriva près de lui, il dégaina, espérant frapper la démone dans le mouvement.

 Le jeune homme et la princesse eurent l’impression de voir la scène au ralenti. Les bras de Médusa s’allongèrent jusqu’à atteindre ses genoux, ses mains triplèrent de volume, ses doigts crurent et se munirent d’énormes griffes noires acérées. Pendant ce temps, le soldat avait à peine sorti la moitié de son arme. La démone commença à tourner sur elle-même. D'un revers du bras, l’un de ses serres décapita son agresseur. Dans le mouvement, ses autres griffes foncèrent donner la même fin aux deux autres. La portée supplémentaire de ses membres lui fit arracher l’un des coins de l’autel. Le commandant eut le réflexe de fléchir les jambes, ce qui le sauva, le soldat n’eut pas cette chance. Sa tête vola contre le mur du couloir. La dardéone stoppa sa rotation face au survivant, et avec sa paume, le plaqua contre le sol. Elle leva son bras libre, serra les doigts comme pour en faire une lance, et visa le cœur de sa victime. Elle allait frapper mais une voix retentit dans son esprit :

  • Non !!!

 La femme serpent se figea.

  • Natalia ?
  • Ne le tue pas ! S'il-te-plait, demanda-t-elle comme si elle pleurait.
  • Tu... tu as vu ?
  • Oui... mais pas depuis toi. Avec l’un des mages de la ville, nous testions un sort de télépathie à distance avec l’homme que tu tiens.
  • Nous ?
  • Oui... Auriel et moi ?
  • Donc il a tout vu aussi ?
  • Oui...
  • Je suis désolé. Je t’avais promis de ne pas tuer, mais il a essayé de me blesser.
  • S'il-te-plait. Ne le tue pas.
  • Très bien.

 Elle serra sa poigne sur sa victime ; le métal de son armure grinça sous ses doigts ; et prit la direction de la sortie. 

  • Que fais-tu ?
  • Je m’assure qu’il n’y a pas plus de mort. Je tiens à ma promesse. Excuse-moi.

 Natalia était surprise par ces mots. Elle considérait son serment comme très important. Elle tenait à cette amitié. Comment la princesse allait avouer ce secret à Auriel. Elle avait voulu lui dire, mais elle avait eu peur, peur qu’il se servent d’elle pour la trouver. Et ses réactions aujourd’hui lui avait confirmé ses craintes. Il était toujours en colère contre elle. Le chemin de leur réconciliation était encore long. 

 Thomas, le commandant et le jeune restaient interdit. Qu'est-ce qui l’avait arrêtée ? Elle les avait tués sans le moindre remord. Et maintenant la démone le tirait vers l’extérieur. Qu'allait-elle faire ? 

 Ils atteignirent l’extérieur. Médusa plissa les yeux sous la lumière, puis elle entendit des cris :

  • Un démon... Elle tient le commandant... aux armes !
  • Ne bougez pas ! Hurla celui-ci.

 Ils s’immobilisèrent. La démone leva le bras et dressa son prisonnier devant elle, avant de compter : cinq hommes.

  • Je vais être honnête, clama-t-elle. J’ai tué vos deux camarades. L'un d’eux a tenté de m’attaquer. J'ai donc riposté. Cependant je ne souhaite pas qu’il y ait plus de mort. Donc je vous laisse le choix, je vous rends votre chef, et vous me laissez partir... ou alors, vous m’attaquez, et je vous tue tous. 

 Personne n’osait parler. Les soldats étaient figés. Certains tremblaient de toute leur âme. D'autres observait cette beauté nue à la peau grise. Le commandant prit la parole :

  • Laissez-la partir. Ça ne vaut pas le coup de mourir pour ça. On aura notre chance une autre fois.
  • Bien parlé, ricana la femme serpent.

 Ils s’échangèrent quelques regards, puis s’écartèrent. Contente d’elle, Médusa déposa délicatement son otage et avança vers la forêt, entre-les humains. Elle voulait les tester encore une fois, voir si l’un d’eux attaquerait mais non. Ceux-là étaient soit trop terrorisés, soit en train de se rincer l’œil. Cela l’énervait mais elle avait promis. Elle avança donc et disparut dans la forêt. 

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