Chapitre 46 : Une araignée intriguée
Auriel resta immobile, figé. C'était... Natalia. Il n'en était pas sûr. Elle était... différente, changé. Que lui avaient-ils donc fait ? Elle semblait inconsciente, ligotée à l’un des pieds de la tente. Ses cheveux avaient perdu leur belle teinte brune. Ils étaient devenus bien plus longs, et blancs, presque transparent, intangible. Il coupa la corde et la libéra. La princesse tomba mollement sur le côté mais il la rattrapa :
- Natalia. Natalia, chuchota-t-il.
Il tapota légèrement son visage pour tenter de la réveiller. C'était incroyable. On aurait dit qu’elle avait vieilli de plusieurs années. Ses traits s’étaient affinés. Son corps avait grandi, à telle point que sa robe avait craqué à plusieurs endroits sur le thorax, la poitrine. Elle était devenue encore plus belle. L'absence de réaction l’inquiéta. Il prit son pouls. Elle était vivante, mais brûlante. Il posa sa main sur son front, bouillant. Elle entrouvrit ses yeux à ce moment-là et tourna la tête pour le regarder, droit dans les yeux. Elle leva avec difficulté le bras et lui caressa la joue. Il serra ses doigts pour répondre.
- Au...riel, souffla-t-elle. Tu... tu es venue... je le savais... que tu...
Elle retomba dans l’inconscience aussi vite qu’elle en était sortie. Le chevalier en était sûr, c’était elle. Il fallait la sortir de là. Il la saisit et la hissa sur son dos
- Je viens voir la prisonnière, annonça une voix, sûrement au garde devant la tente.
Auriel se retourna vers l’entrée de celle-ci. Un homme tira la toila et entra. Il fut surpris de voir quelqu’un avec la princesse. Par reflexe, le garde royal lança son arme dans le torse du brigand. L'impact le projeta en arrière. Le lancier s’élança en dégainant son épée courte. Les deux hommes devant la tente ne comprirent pas ce qui se passait. En sortant, le chevalier planta la gorge de l’un d’eux avant de décapiter le second en tournant sur lui-même. D'un bras, il maintenait Natalia dans son dos. Machinalement elle avait serré bras et jambes autour de son cou et de ses hanches.
Il saisit sa lance au détriment de son glaive et courut vers la forêt. L'un des kidnappeurs apparut devant lui. Il tendit la main vers le lancier et celui-ci fut projeter en arrière par un bourrasque.
- C'est lui qui m’avait bloqué dans la capitale, pensa le jeune homme
- Les gars !! Cria celui-ci.
Tous les bandits arrivèrent en quelques secondes. Il se retrouva totalement encerclé, et les compta rapidement : douze en comptant le manipulateur du vent. À en juger par leur posture, leur attitude, certains étaient plus que de simple voleur.
Auriel déposa délicatement sa princesse contre une tente juste à côté de lui.
- Je reviens vite, murmura-t-il avant de se mettre en position défensive, la lance en avant.
Il observa tous ses adversaires, se demandant qui allait l’attaquer en premier. Et il eut sa réponse. Deux ennemis lui foncèrent dessus, l’un devant, l’autre à l’opposé, armé de sabre typique de l’Endaroen. C'était des lames courbées, avec un seul côté tranchant.
Il planta sa lance dans le sol et l’utilisa comme appuie pour faire face à celui arrivant derrière lui. Il donna un violent coup de pied dans sa mâchoire, l’envoyant au sol, la bouche en sang. Profitant du mouvement, il se jeta sur le second et le planqua par terre. Il libéra une grosse décharge électrique sur le brigand. Celui-ci convulsa avant que la vie ne le quitte. Le chevalier récupéra sa lance et acheva son premier adversaire tentant de se relever. Il se releva et recompta :
- Parfait, plus que neuf... neuf ? Mais c’est impossible. Je n’en ai tué que deux. Où est passé l’autre ?
Il parcourut ses adversaires. Ils étaient bel et bien neuf. Avait-il mal compté la première fois ? Ou le disparu c’était-il caché attendant le bon moment pour attaquer ?
Cette fois, Auriel n’attendit pas. Il s’élança vers l’un des kidnappeurs. Son corps se couvrit d’une aura électrique crépitant comme une nuée d’oiseau. Il lança son arme chargée de courant vers sa cible. L'attaque fut si rapide qu’il ne put esquiver celle-ci. À l’impact, un éclair éphémère frappa le pauvre homme dans un fracas assourdissant. La victime s’écroula, fumante, morte. Alors qu’il ramassait sa lance. Un tourbillon apparu autour de lui et le souleva du sol. Les bourrasques l’écrasaient. Soudain, il fut projeté contre une tente.
Le jeune homme se releva difficilement. Même si son armure l’avait bien protégé, son corps le faisait horriblement souffert. L'attaque qu’il avait subie avait été bien plus violente qu’il pensait. Le chef des brigands s’approcha de Natalia et la souleva à bout de bras.
- Tuez-le, ordonna-t-il à ses hommes avant de se retourner.
Il partit vers la forêt.
- Je t’interdis de l’emmener !! Hurla Auriel.
Prêt à en découdre pour la sauver, il se figea. Le kidnappeur portant la princesse disparut brutalement, comme happé par une force invisible. Il regarda frénétiquement autour de lui. Sa protégée s’était volatilisée avec lui.
- Ils... bégaya-t-il.
L'un des malfaiteurs se retourna et vit que son chef avait disparu. En si peu de temps, il n’avait pas pu atteindre. Il interpela ses camarades pour leur signaler. Pendant une seconde, tous s’interrogèrent sur le phénomène. Ils se rendirent compte aussi qu’il manquait certain de leur camarade. Ils étaient douze. Le jeune homme en avait tué trois, le manipulateur du vent avait disparu, mais ils étaient maintenant au nombre de cinq. Trois d’entre eux s’étaient volatilisés.
- Qu’as-tu fait ? Cria l’un kidnappeur au chevalier.
- Dans les arbres, Auriel ! S'époumona Sarah.
Tous levèrent les yeux. Une ombre apparut. Tout se passa en un instant. L'un des brigands fut écrasé par une forme humanoïde tombée les feuillages. Les autres tentèrent de riposter mais la créature arracha le cœur du premier, en décapita deux, broya une tête avant de se jeter au coup du dernier. La chose plaqua sa victime au sol. Chaque attaque
Immobile, il put admirer, si le mot était juste, le monstre. C’était une démone. Elle avait des cheveux courts, les mains et les pieds couverte d’une sorte de chitine lisse. À la base de son dos se trouvait un énorme abdomen d’araignée. De sa colonne vertébrale naissaient quatre pattes, fines, longues qui se plantaient dans le sol autour de sa proie. Le tout aussi noir que la nuit. Son épaule droite portait la marque d’un combat : une grande cicatrice.
Le jeune homme entendit alors un bruit de mastication, de chair déchirée. Elle dévorait sa proie. Brutalement, elle stoppa son repas et se redressa lentement pour faire face au chevalier royal. Elle avait un beau visage gracieux, le menton légèrement pointu et quatre paires d’yeux, formant deux losanges. Sa bouche ensanglantée afficha un grand sourire. Auriel ne réfléchit pas. Il saisit sa lancer et visa la créature. Celle-ci tendait la paume vers lui. Sans qu’il ne puisse réagir, un arbre poussa à ses pieds. Il grandit, le ligota et se figea. Le lancier se retrouva totalement immobilisé, forcé de lâcher son arme.
- Ne sois donc pas si pressé de mourir.
- La veuve noire... articula-t-il.
- Oh ? Tu me connais ? Chantonna-t-elle.
- C’est toi qui as tué les kidnappeurs disparus ?
- Oui. J'ai joué à la pêche. Hihi. C'était très drôle.
- Elle connait la pêche ? Pensa-t-il avant de demander. Qu'as-tu fait de Natalia ?!
- Natalia ? Ohhh !
Une branche descendit des feuillages et posa la jeune femme. Elle était toujours inconsciente. Le chevalier soupira.
- Tu sembles tenir à elle.
- En quoi ça te regarde ?
- Hihi. C'est qu’il est rebelle. Il deviendrait presque appétissant.
- Que fais-tu ici ? L'interrogea-t-il même s’il avait peu d’espoir de réponse.
- Comme tu m’as fait rire, je vais te répondre. Je traque un homme. J'ai ressenti son immonde magie en ces lieux et l’ai suivi. Mais je suis arrivé trop tard. Il était déjà parti.
Sa voix s’était chargée de colère. Au moindre faux pas, mauvaise parole, elle le tuerait sur le champ. Il en était sûr.
- Mais à la place !! Enchaina la démone toute joyeuse. J'ai trouvé deux choses extrêmement intéressantes !!
- Comment ça ?
- La première, c’est cette fille.
Elle exécuta un mouvement de bras dans direction. Deux branches naquirent de son poignet et formèrent une spirale qui s’arrêta juste avant le cou que la demoiselle.
- Non !! Hurla Auriel.
- Tu vas me dire qui elle est.
Le jeune homme serra les dents. C'était la fille du roi. Révélé son identité à un démon était dangereux. Mais s’il ne faisait rien, elle la tuerait.
- C'est une noble dont...
- Ne me mens pas !
Chaque syllabe de cette phrase résonna dans la clairière et coupèrent le souffle du chevalier. Il déglutit, de peur, puis rectifia :
- C'est la fille du roi. Je suis chargé de sa protection.
- Pas très efficace. Tu vois quand tu veux, dit-elle après s’être approcher pour lui saisir le menton.
Aussi proche, le lancier se rendit compte qu’elle était très grande, d’au moins une tête par rapport à lui. Le nombre de ressemblance avec la précédant reine ne faisait qu’augmenter dans son esprit.
- C'est donc la princesse de ce pays. Alphonse s’est donc remarié.
Pendant un instant, Auriel perçut de la tristesse dans sa voix, mais qui s’envola aussitôt. Elle semblait en connaitre beaucoup sur le monde des Hommes : certaines activités humaines, le nom du Roi...
- Pourquoi tu trouvais Natalia intrigante ? Et tu as dit deux ?
- Beaucoup de question. Ça faisait longtemps que je n’avais pas autant parler avec quelqu’un. Profitions, tu veux bien ? Car sa vibration était ressemblante à celle de son père. J'ai pu le rencontrer quand j’ai dévoré sa précédente femme. Du coup, aurais-je un nouveau repas en perspective ?
- Je t’interdis de toucher la toucher !!
- Tu crois peut-être pouvoir m’en empêcher ?
Elle avait raison. Sa puissance était colossale. Il ne pouvait strictement rien faire.
- Tu es courageux. L'un des choses qui me fascine chez toi.
- Comment ?
- Ton... aura si on peut appeler ça comme ça, porte les traces d’une autre. Signe que tu as vécu avec elle, et même... que vous étiez très proche. Cette autre personne m’intéresse.
Le garde royal comprit tout de suite de qui elle parlait :
- Médusa ?
- Médusa ? C'est comme ça que vous l’appelez. Je n’aurais pas trouvé mieux.
- Quoi ?
- Tssss, fit-elle en le forçant à la regarder droit dans yeux. C'est moi qui pose les questions. Que sais-tu de cette démone ?
- Pourquoi …
- Qu'est-ce que je viens de dire ?!
Son ton laissait transpirer son impatience. Il sentit la magie écrasante de femme araignée l’étouffer. Comme résister à une telle entité, prête à céder à tous ces caprices pour arriver à ses fins.
- C'était ma sœur.
- Intéressant. Ou est-elle ?
- Si je le savais. J'irais la tuer. Elle a assassiné mes parents qui l’avait recueillie et élevée comme leur propre fille.
La démone resta sans rien dire à le fixer pendant de longues minutes, puis finis par le lâcher. Elle s’éloigna et Auriel put profiter d’un spectacle incroyable. Sous ses yeux, son corps grandit. Ses bras et jambes s’allongèrent, ainsi que ses quatre autres pattes. Son corps se tinta de noir, tout en grandissant lui aussi. En un instant, le jeune homme se retrouva face à une araignée plus sombre que la nuit. Gigantesque. Dont les pattes atteignaient les bordures de la clairière.
Sans se retourner, le monstre grimpa aux arbres et disparut au-dessus des feuillages. Le son du vent résonna, comme pour annoncer que le danger était parti. Les branches restreignant le lancier s'enfoncèrent dans le sol après l’avoir libéré. Il tomba à genou au bout de quelques secondes, le souffle court. Son cœur battait la chamade. Tentant de reprendre son calme, il se jeta vers Natalia. Elle respirait toujours. Il lâcha un soupir de soulagement. Pendant un instant, la peur lui avait faire croire le contraire.
Le jeune homme se releva difficilement. Tout son corps tremblait encore de cette rencontre. Il hissa la princesse sur ses épaules et marcha. Il appela sa nouvelle amie mais n’eut aucune réponse autre que des pleurs étouffés. Il s’approcha de leur source. Sarah était recroquevillée sur elle-même, tremblante de tout son corps.
- Eh, ça va ? Demanda-t-il doucement.
Au moment où il effleura son épaule, elle sursauta en hurlant.
- Calme-toi. Ça va aller.
- Elle... elle est partie ?
- Oui. Tu n’as pu rien à craindre...
- C'est... c’est la première fois que... je ressentais ça.
- Que veux-tu dire ?
- Cette démone... elle est... elle est... sa force est... et elle sait se dissimuler. Je ne l’avais pas senti... elle...
- Ça va aller. Ne t’en fais pas.
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