Chapitre 49 : réveil mouvementé
Auriel tenta de se retourner, heureux. C'était la princesse qui devait se réveiller.
· Nat...
Mais il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Avec une force prodigieuse, qui surprit le jeune homme. Il se retrouva sans s’en rendre compte allongé dos sur le lit, la princesse à califourchon au-dessus de lui.
· Mais... que...
Encore une fois, il ne put terminer, interrompu par un baiser fougueux. Tellement surpris, il se laissa totalement contrôler, jusqu’à ce qu’elle relève la tête pour respirer. Le garde royal la regarda dans les yeux. Ceux de la jeune femme brillaient d’une lueur blanche envoutante. Ses iris étaient différentes, couleur neige. On y distinguait à peine le bord de celles-ci. On aurait dit qu’elle était aveugle. Elle le dévorait littéralement des yeux, comme si elle était une autre personne. C’était la première fois que le jeune homme voyait, et subissait, un regard si étrange.
· Natalia ? Tu te sens bien ? demanda-t-il perplexe.
Il n’eut pour réponse qu’une tentative d’embrassade. Il la stoppa en attrapant ses épaules. Un instant, il se rappela ses cicatrices et la lâcha, de peur de lui faire mal, et par gêne. La princesse en profita pour lui voler un autre baiser avant de le fixer. Ses pupilles lactés donnaient l’impression qu’un soleil brillait dans son regard. Qu’arrivait-il à la jeune femme ?
· Tu n’as pas envie, Auriel ? Susurra la jeune femme.
· Mais...
· Tu sais, depuis que je t’ai rencontré, je pense souvent à toi. Tu as été le seul ami que j’ai eu. Le seul vrai ami, à travers ce défilé incessant de noble imbus d’eux-mêmes. Tu m’as écouté. Tu m’as aidé. Ces quatre années auront été longues, très longues sans toi.
Elle posa ses lèvres contre les siennes à nouveau. Le jeune homme rompit à nouveau le baiser, apeuré par la situation.
· Mais... on ne peut pas... je ne suis qu’un soldat, fils de forgeron... tu es la princesse... on... bégaya-t-il.
· Est-ce important ? Nous sommes loin de tout. Je n’ai que faire de cela.
La jeune femme attrapa les mains de son garde du corps et les bloqua. Son regard sembla s’enflammer de nouveau. Auriel fut choqué un instant. La poigne de la jeune femme était puissante, au point de totalement l'immobiliser. C’en était effrayant. Maintenant il était sûr que ce qui lui était arrivée dans la forêt, dans cette tente, n’était pas que physique. Que lui arrivait-elle ?
Leurs bouches se joignirent de nouveaux. Natalia était aventureuse, intrépide dans son action, si différente de la princesse d’avant. Elle menait clairement le jeu. Après quelques secondes, le garde royal riposta. Surprise, elle desserra son emprise. Il en profita pour passer au-dessus d’elle, usant de son entrainement. Dans cet état, elle était plus forte que lui, mais son expérience et ses techniques lui firent prendre l’avantage. Leurs regards se croisèrent à nouveau. Les deux humains respiraient fortement. Aucun d’eux ne bougeait, attendant la fin de ce pseudo statu-Co.
Le soleil illumina doucement la chambre. Le garde royal ouvrit les yeux. Natalia était là, au creux de son épaule, la tête posée sur celle-ci, un bras longeant son torse, la main sur son cœur. Ces longs cheveux blancs la couvraient partiellement, et reflétaient les rayons du soleil sur les murs, créant d’innombrable halos, rendant la pièce féérique, presque immatériel.
Auriel n'osait pas bouger. Cette nuit avait été magique, mais le doute embruma son esprit. C'était la princesse. Avaient-ils le droit de faire cela ? Aura-t-elle des problèmes avec sa famille si lors de son mariage, ils découvrent qu’elle n’est pas vierge ? Pourrait-il rester avec elle ? Il la fixa, laissant toutes ces questions à plus tard. Il désirait profiter de l’instant, car il savait que c’était surement la seul et unique fois qu'il pourrait le faire avec elle.
La jeune femme gémit faiblement. Ses yeux s’entrouvrirent lentement et regarda son amant. Ses yeux était redevenu normaux, affichant leur teinte brune habituelle. Qu'est-ce qui les avait changés ? Contrairement à ses cheveux la mutation semblait avoir été temporaire. Le garde royal laissa ses interrogations de côté pour le moment et sourit tendrement à la princesse. A peine eut-il le temps de dire bonjour qu’elle se redressa sur le lit, ne faisant pas attention à sa condition, laissant tomber ses longs cheveux blancs et le drap qui la couvrait contre le lit. Elle écarquilla les yeux, mélangeant surprise, peur et malaise :
· Qu'est-ce que j’ai fait ?! S'écria-t-elle. Je n'aurais jamais dû faire ça ? Par l’héroïne. Qu'est-ce que je vais faire ?
Le lancier n’osait pas dire un mot, et n’en avait guère le temps d’ailleurs. Son flot de parole le lui interdisait. Cela lui rappelait leur première rencontre, il y a cinq ans maintenant, lors de ses douze ans. Elle répétait les mêmes phrases en boucle, fixant le vide de la pièce.
· Oh non… qu’est ce que je vais faire ? Père va…
· Je suis désolé, réussit-il à prononcer enfin. C'est ma faute. J'aurais dû résister. Je connaissais ton statut, les conséquences et problèmes que ça pouvait...
Il arrêta son excuse lorsqu’il vit qu’elle le dévisageait. La panique de son regard avait laissé place à un mélange de sévérité et de détermination. La surprise envahit l’esprit du jeune homme, ne comprenant pas son changement soudain d’attitude.
· J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ?
· Ne t’excuse pas !
Son ton était sec, brutal, ne laissant que peut de possibilité de réponse.
· Mais...
· Ce n'est pas ta faute. C'est moi. C'est juste qu’hier soir... je ne sais même pas comment l’expliquer... je n’ai pas réussi à me contrôler. C’est… C’est moi... J’avais…
Son visage reprit cette expression enfantine qu’Auriel aimait tant. Il la trouvait si belle, encore plus qu’avant. Mais il se sentait coupable pour cette nuit. « J’aurais dû résister… » pensa-t-il alors.
· Donc...
· Donc... même si je... fit-elle avant de s’interrompre.
L'une de ses mèches de cheveux était tombée devant son visage.
· Mes...mes cheveux ?
Natalia saisit délicatement la boucle devant ses yeux. Elle passa les bras vers l’arrière de sa tête et ramena sa chevelure devant elle. Son expression se décomposa lorsqu’elle constata l’état de celle-ci.
· Mes... mes... que m’est-il arrivé ?
· J'avais espéré que tu me le dises. Tu étais dans cet état-là quand je t’ai trouvé.
La princesse se leva et s’examina. Ses cheveux atteignaient ses genoux. Elle était plus grande qu’avant, avec plus de forme. Ses cicatrices aux épaules et chevilles étaient toujours présentes cependant. On aurait dit qu’elle avait vieilli de quelques années. Remarquant enfin sa nudité, par reflexe, elle se cacha avec le drap.
· Je... je ne me souviens pas de grand-chose, reprit-elle en s’asseyant près d’Auriel. Un homme est venu me voir. Il portait…
Elle sembla chercher ses mots, ou se souvenir plus en détail de l’inconnu.
· … une robe multicolore très étrange.
· Multicolore ?! S'écria le jeune homme qui s’était redressé. Tu es sûre ?
· Oui, pourquoi ? Tu le connais ?
· Je pense, si c’est bien lui. Ça ne peut pas être un simple coïncidence. Je l’ai croisé par deux fois : dans le désert d’Otto, quand je poursuivais Médusa, puis dans la capitale. C'est lui qui m’a montré l’histoire de la reine. Que t’a-t-il fait ?
· Je ne sais pas. Il a posé sa main sur ma tête et... j’ai ressenti une douleur intense. C'était insupportable... j’avais l’impression que mon corps brûlait, que mon sang bouillait...
Elle se tut, ses mains serrant ses bras, tremblante légèrement. Le garde royal rejoignit sa protégée sur le bord du lit.
· Ne t’en fais pas. On va rentrer à la capitale, et maître Firma t’aidera à trouver une solution pour redevenir comme avant, pour te libérer de ce sortilège.
Sans prévenir, elle engloba le cou de son garde du corps et l’embrassa, laissant tomber la couverture, le poussant contre le lit, encore.
· Mais... bégaya-t-il une fois qu’elle le laissa parler.
· Tu es si mignon, c’est dur de résister. Puis pour maintenant, autant profiter tant qu’on le peut encore.
Son caractère semblait encore avoir changé. Mais sans qu’il ne comprenne pourquoi, Auriel était encore plus charmé par cela. Elle l’envoutait. Ses sublimes yeux châtains l’hypnotisaient. Elle était si différente d’avant.
· Mais... tu es sûre ?
Il n’eut pour seule réponse que le regard insistant de la jeune femme. Cette expérience l’avait changée, bien plus mentalement que physiquement. Elle paraissait si semblable mais en même temps si différente d’avant. Elle faisait preuve de plus d’assurance, plus de confiance. Cela se sentait dans sa voix, dans son attitude. Avant, elle n’aurait jamais agi de la sorte. La princesse peu sûre d’elle avait laissé place à celle-ci. Et cela ne déplaisait pas au jeune homme, bien au contraire, malgré l’incertitude qui régnait en lui.
Au zénith, après quelques longs instants de repos qui suivait toutes ses émotions et sensations nouvelles, une fois présentable ; enfin habillée car la tenue partiellement déchirée de Natalia ne l’était guère en réalité ; elle fut amenée par son chevalier auprès de Vell et Sarah. Il ne cacha pas son identité et misa sur l’honnêteté de l’endaroenien. Il ne parut pas surpris et salua la fille du monarque. La petite démone fit un faible bonjour mais se fit totalement accepté par Natalia. Celle-ci semblait totalement conquise par la fillette et même elle assura qu’elle sera tout pour la protéger. La jeune femme n’était en aucun cas rebuté par l’apparence de la fillette, son armure de cuir couvrant bras, tête et épaules. Natalia s’assit prêt d’elle alors que son protecteur commençait à parler.
Le garde royal leur expliqua aussi son projet. Celui-ci était simple à la base : former une équipe dont le but serait de combattre les Dardéons, non pas pour les tuer, mais pour protéger. Il ne cacha pas son envie de retrouver sa sœur, et leur avoua son lien avec elle. La princesse sembla perplexe. Elle réfléchissait à toute allure : devait-elle le soutenir ? l’encourager ? l’accompagner ? Cela, elle ne le pourrait pas. Après cette aventure, ses parents ne la laisseraient plus sortir du château. Comment devait-elle réagir par rapport à son lien avec Médusa ? Devait-elle en parler, enfin, devait-elle révéler la profondeur de ce lien ? Cette idée la terrorisait. Comment son père réagirait ? Comment Auriel supporterait la nouvelle ?
Perdu dans ses pensées, elle ne faisait plus attention au reste, même plus à son chevalier qui l’appelait :
- Natalia ? Natalia ?
- Oui, excusez-moi.
- Ça va aller ?
- Oui, ne t’en fais pas pour moi. Je peux te demander pourquoi tu veux faire cela ? Pourquoi ce changement ?
- Au début, je t’avoue, je vous avoue, insista-t-il en s’adressant aussi a Vell et Sarah. C’était de me venger, de retrouver Médusa et savoir pourquoi, et donc de rendre justice à ma famille. Mais mon point de vue a commencé à changer depuis quelques temps.
Il marqua une pause, cherchant ses mots, ou plutôt comment organiser sa pensé.
- Disons que je me suis mis à douter de la nature maléfique des démons.
- Tu plaisantes ?! s’écria l’endaroennien.
- Non.
- Mais t’es pas bien ?! Je n’avais pas compris ça quand tu me l’as expliqué ! s’énerva-t-il.
- Attends, laisse-moi expliquer…
- J’attends que ça ?!
- Récemment j’ai croisé la route de deux démons, deux dardeons ou dardéones plutôt. Médusa…
« Alors je ne délirais pas ! » s’exclama mentalement la princesse. « Elle est venue. Je me rappelle l’avoir appelée, et elle est venue. » Une vague de joie l’envahit. Elle sourit mais lutta contre elle-même pour ne pas sautiller sur place. Cependant ses mimiques n’échappèrent pas au mage d’eau, qu’il l’avait observée du coin de l’œil.
- … que nous avons combattu, continuait le jeune homme.
- Certes oui, cracha Vell toujours en colère.
- Et la veuve n..
- Comment ?! Tu as vu la veuve noire ?! Hurla l’endaroennien qui se leva sous la surprise.
- Oui. Mais…
- Mais quoi ?
- Elle m’a sauvé la vie ! A moi et à Natalia ! Et après c’est ma sœur qui nous a portés assistance. Je ne sais pas comment, ni pourquoi, mais j’ai besoin de savoir. Je veux des réponses !
Il affichait une détermination sens faille à cet instant, imposant le respect. Vell sembla se calmer légèrement.
- Donc je comprends bien. Tu veux combattre les démons, mais sans les tuer ?
- Oui. Comprendre pourquoi, pourquoi tout cela a commencé ! On pourrait même réussi à briser ce cercle infernal ! Briser cette boucle ininterrompue de mort. Tu n’as envie de savoir pourquoi la veuve noire a détruit ton village, avoir les réponses au lieu de juste la tuer.
Natalia était abasourdie par ce qu’elle entendait, la bouche ouverte. Auriel avait tant changé par rapport à avant. Son irréductible colère s’apaisait petit à petit. Elle rougit en le fixant alors Sarah l’observait, intriguée.
- En effet, je voudrais savoir…
- Alors ? qu’en penses-tu ?
Il s’approcha de l’endaroennien et lui tendit la main. Celui le dévisagea un instant.
- Mais ton pays va-t-il accepter un étranger comme moi ?
Le jeune homme n’avait pas pensé à cela. En effet, c’était un point important, même si de son point de vu, c’était futile. Il ne fallait pas se battre entre humains mais se liguer contre leur ennemi commun. Tout cela à cause de vieilles rivalités. Mais lui s’en fichait. Il resta déterminer, le regard fixe.
- Je m’y engage.
Vell soupira. Décidément il était tombé sur un drôle de spécimen. Mais le combat contre Médusa lui avait fait comprendre que les Dardéons étaient à un tout autre niveau. Il avait besoin d’aide pour accomplir sa vengeance.
- Alors j’accepte, termina-t-il en serra la main tendue du garde royal.
Peu de temps après, ils prirent le chemin de la capitale, faisant leur adieu au fermier qui les avait accueillis. Celui-ci leur donna quelques rations pour tenir sans avoir besoin de chasser. Malgré les tentatives de refus du petit groupe, ils finirent par accepter, remerciant la gentillesse du vieil homme.
Annotations