Dès ma naissance, je me suis recroquevillée sur moi-même. Fille unique, je vis seule avec une mère fantasque. Un père absent, une grand-mère disparue trop tôt, ma vie s’écoulait un peu solitaire en fonction des choix de Daphné, ma mère.

Quand nous nous sommes retrouvées seules, elle a fermé l'appartement et nous avons fui le quartier comme s’il n'était plus capable de nous rendre heureuses, de nous protéger, de nous abriter. Nous sommes parties pour Londres. C'était le premier départ et le premier déracinement de mon port d'attache.

Pour vivre Daphné écrire une encyclopédie de l'astrologie, sa célébrité en tant qu’astrologue a convaincu son éditeur de lui faire une avance, avant même d'avoir lu une page de son travail. Nous vivons donc sans soucis d'argent.

Nous déménageons au gré des passions de Daphné et de ses aventures car femme enfant, elle a perpétuellement besoin que l'on s'occupe d'elle. Dès qu'elle ne se sent plus protégée, le centre de la vie de l'autre, elle fuit, m’emmenant dans son sillage. Je suis des cours par correspondance, je n'ai pas le choix.

Ce fut ma vie jusqu'au collège. Des voyages sur tous les continents, les bateaux, les trains, les avions et les hôtels furent souvent ma seule maison. Je me réfugie dans la musique et dans les livres, Daphné s'arrange pour que je ne manque jamais de ce qui constitue mon monde, mon stabilisateur, mon point à l'horizon, mon cap dans cette vie mouvementée. C'était un voyage sans fin.

Puis Daphné a pris conscience que je grandissais. Nous sommes rentées dans le Marais. Je refis connaissance avec mon quartier. Le collège, puis le lycée et le conservatoire me tiennent, une partie de la journée, hors de ses bras trop protecteurs.

L'astrologie dirigeait ma vie. Entant qu'astrologue, maman étudie mon thème astral, à la recherche de mon âme sœur. Elle a promis d'honorer la promesse qu'elle a faite à sa propre mère, trouver cette âme sœur pour me sauver.

Moi, je ne veux pas adhérer à ses croyances. Je ne veux pas croire que ma vie est toute tracée et que j'irais vers le point qui m'attire comme un aimant, vers la vie qui m'attend, vers une soi-disant âme sœur que je ne peux éviter.

Maman dit souvent que j'ai déjà commencé ma quête même si je la refuse. Selon elle, quand je sonde une personne, éventuellement compatible, mes yeux noisette deviennent sombres, les paillettes d'or de mon iris s'éteignent pour laisser place à un regard qui pénètrent les âmes au plus profond de chaque être.

Au lieu de me rassurer cela me fait peur, je vis avec ça.