CHAPITRE I : Vengeance (1/3)
Assise sur l’herbe, Yuki contemplait le paysage qui se profilait à l’horizon. Au milieu d’une plaine, elle pouvait apercevoir d’immenses montagnes au loin, ainsi qu’une ville d’où s’échappait du bruit et des cris de personnes sûrement en train de travailler. Elle ne portait qu’un vieux kimono beige avec des fleurs roses dessinées dessus, à peine à sa taille. Ses sandales étant trouées, elle marchait plus souvent pieds-nue. Son visage fin témoignait de la jeune fille fatiguée. Ses yeux bleus en amande et les rides qui se dessinaient autour, la vieillissait. Sa petite taille et ses longs cheveux noirs passaient devant son visage sale, qui faisait fuir toutes les personnes avec qui elle tentait d’adresser la parole. Malgré ses quinze ans, elle savait pourtant se débrouiller pour vivre seule. Alors qu’elle regardait la rivière couler à côté d’elle, elle sortit de sa poche un petit bouton d’une veste. Il était gravé dessus « Raito » à savoir lumière. La jeune fille le fixa un moment. Joyeux anniversaire, grand frère, pensa-t-elle. Elle se leva, et ramassa ses affaires étalées sur le sol. Le chemin de terre était totalement désert et seuls quelques personnes passaient par là. Alors que la jeune avançait, elle passa devant une petite maison en bois. De la fumée s’échapper de la cuisine et l’adolescente sentit une odeur de pain frais que son estomac ne manqua pas de sentir aussi dans un gargouillement qui fit trembler la jeune fille. Son regard se posa donc sur l’entrée de l’habitation et un vieillard en sortit, lui jetant un regard noir, qui lui fit détourner les yeux immédiatement. J’ai faim, pensa-t-elle, cela fait bien trop longtemps que je n’ai rien manger de consistant, il va falloir remédier à cela. Yuki continua d’avancer malgré tout, essayant de ne pas penser à son ventre et elle croisa deux jeunes enfants qui s’amusaient avec des bâtons. L’un d’eux frappa violemment l’adolescente en hurlant :
— Je t’ai tué ! Ahahah, je suis trop fort !
— C’est de la triche, elle ne joue pas, et en plus c’est une fille ! protesta le deuxième enfant.
Alors qu’ils se disputaient pour savoir s’il l’avait tué ou non, le vieillard arriva et engueula les deux gosses :
— Les enfants ! Eloignez-vous d’elle ! Elle doit être pleine de poux ! À la voir comme ça, je suis sûr qu’elle doit traîner dans des endroits sordides ! Ne restez pas avec elle ou vous aurez des ennuis !
— On arrive grand-père !
— Désolé grand père !
Sans quitter la jeune fille des yeux, le vieux s’éloigna avec ses deux petits-fils. Yuki regarda toute la scène, comme absente, puis reprit sa marche en direction des montagnes. Elle avait l’habitude de ce genre de remarque et cela ne l’affectée plus. Le plus souvent, elle se contentait de subir et lorsque les gens se lassaient, ils la laissaient tranquille. Le vent qui faisait flotter ses cheveux révéla enfin son visage et elle s’arrêta près d’un panneau où plusieurs tracts étaient accrochés. Elle parcourut rapidement les différentes affiches, dont la plupart n’étaient plus lisible. Ses yeux s’arrêtèrent sur l’une d’elle où un visage avait été dessiné :
— Re… Cherche… Recherche personne… Nom… Ariyama… Oto… Otoko… Récom… Pense… Récompense de… Trente milles… Pièces… D’or. Trente mille pièces d’or ?! s’écria-t-elle. Wow ! C’est énorme ! Je pourrais manger plusieurs mois avec une somme pareille… Il est recherché pour… ajouta-t-elle en continuant sa lecture. Meurtre… L’homme se trou… Trouve aux alentours de… Haru… Haruki.
Elle s’arrêta un instant. L’homme sur l’affiche était chauve et son visage faisait peur à voir. Il paraissait méchant et surtout très dangereux. Après une courte hésitation, elle arracha néanmoins l’avis de recherche. J’espère qu’il n’est pas réellement comme ça… pensa-t-elle. Se tournant de nouveau vers les montagnes, l’adolescente reprit sa route. Deux hommes passèrent près de la jeune fille qui écouta brièvement leur conversation :
— Il paraît qu’Ukyo Tsuruki marche sur Nishijiki. Il aurait avec lui une immense armée de plus de vingt mille hommes ! dit l’un.
— Quoi ? Moi, j’ai entendu dire qu’il comptait attaquer Sakura Mitsu. Il aurait confié à son meilleur général la tâche de faire une alliance avec Yoshino Masaki, répondit l’autre.
— Peu importe où il est, le plus rassurant, c’est qu’il est loin d’ici !
— Ça tu l’as dit ! Je n’aimerais pas le croiser… Surtout maintenant qu’on sait de quoi il est capable…
— Tu parles de Shimikuchi ?
— Oui… Plus de quinze mille civils tués… C’est vraiment un monstre. Et encore, apparemment il reste des survivants et il les poursuit sans relâche afin d’éliminer tout le monde sans exception. Ils ont vraiment dû lui faire du tort.
— Tu l’as dit ! Je n’aimerais pas être à leurs places… Cette guerre civile n’a que trop durée. Il faudrait que quelqu’un prenne le dessus parce que sinon, je ne donne pas cher de notre peau. Les récoltes se font détruire un peu partout et bientôt, nous serons tous affamés.
— Attends… coupa soudainement l’homme en regardant Yuki. Viens, allons-nous-en d’ici.
La jeune fille les regarda s’enfuir et continua son chemin. Ses pieds lui faisaient mal depuis un certain temps et sa démarche était devenue maladroite, elle boitait presque. Elle s’arrêta à nouveau près d’un banc, afin de se reposer. Soudain, plusieurs cavaliers s’arrêtèrent près d’elle. Ils portaient tous des d’épaisses armures et avaient tous une lance ainsi que deux sabres à leur ceinture. L’un d’eux prit la parole :
— Que fais-tu ici, seule ? Qui es-tu ?
— Je m’appelle Yuki. Je cherche une personne.
— Seulement Yuki ? Tu n’as pas de nom de famille ?* Qui recherches-tu ?
— Non, je n’en ai pas. Je suis à la poursuite de… Euh…
Elle sortit l’avis de sa poche :
— Ariyama… Ot… Otoko. Je suis chasseuse de prime.
— Quoi ? Ahahah ! s’esclaffa un homme derrière.
— Elle est drôle cette gamine ! s’écria un autre.
— Tu n’aurais pas dû décrocher cette affiche, on ne rigole pas avec ce genre de chose, continua l’homme. C’est sûrement une personne très dangereuse.
— Mais je suis vraiment une chasseuse de prime ! protesta Yuki.
— N’importe quoi ! Bon, les gars, on ne peut pas la laisser ici, le général ne veut pas qu’on laisse des civils interférer avec l’armée, ordonna le chef. Ecoutes, gamine, d’après des éclaireurs, il semblerait qu’un petit contingent ennemi soit dans les environs. Il est hors de question de te laisser ici toute seule. Vu ta tenue, tu ne viens pas de la ville, je me trompe ?
— Euh… Non mais…
— Alors tu ne dois pas rester ici. Si tu continues d’errer sans but et que tu te fais cueillir par les soldats d’Ukyo, je ne donne pas cher de ta peau. Avec nous, tu auras au moins un logement. Et si tu ne peux pas travailler pour te payer à manger, tu n’auras qu’à réconforter les soldats dans le besoin pour te faire un peu d’argent. Mais on ne peut décemment pas te laisser ici au vu des risques.
— Non ! Je ne veux pas ! Laissez-moi ! cria Yuki avant de se retourner pour fuir.
— Attrapez-la ! ordonna l’homme.
En un instant, tous les cavaliers encerclèrent la jeune fille, ne lui laissant aucun moyen de s’échapper.
— Akira ! Prends-la et emmène-la ! Prend un des hommes dans le contingent d’Higa et dit lui de s’en occuper.
— Bien !
* Les personnes ne portant pas de nom de famille à Miranishi sont considérés comme des parias et des moins que rien.
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