Chapitre 5

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Le soleil se levait sur le groupe qui avançait sur les sentiers sinueux entre les collines et les montagnes. En tête, derrière Olaf qui chevauchait Sven, Anna discutait vivement avec Kristoff, l’air grave, prenant très au sérieux son rôle de reine. Durant toute la nuit, elle avait à peine adressé la parole à sa sœur, qui marchait légèrement en retrait, accompagnée d’Aodhan.
Elsa était plongée dans ses pensées, les yeux dans le vague et les sourcils froncés. Elle entendait les habitants discuter vivement derrière elle. La rumeur de leur destination leur était parvenue et ils ne pouvaient cacher leur inquiétude. Aodhan s’approcha de la jeune blonde qui laissa échapper un soupir, formant un nuage de condensation dans l’air frais du matin.

— Je ne peux m’empêcher de me sentir responsable de tout cela, commença-t-elle en brisant finalement le silence qui pesait entre eux. J’ai attiré tant d’ennuis à Arendelle en tant que reine. Je pensais que tout irait mieux, maintenant qu’Anna avait pris ma place.

Elle posa les yeux sur sa sœur, qui continuait de discuter avec son fiancé sans qu’elle ne parvienne à comprendre ce qu’ils disaient. Elle reporta finalement son attention sur le jeune homme à côté d’elle, qui la regardait avec peine.

— D’abord, je plonge le royaume dans un hiver éternel, reprit-elle d’une voix tremblante. Puis je réveille les esprits de la Forêt Enchantée, faisant évacuer Arendelle dans le cas où le royaume se ferait engloutir par la destruction du barrage. Et maintenant, même après avoir donné la couronne à ma sœur, un homme démoniaque envahit le royaume avec des créatures de ténèbres, nous poussant à évacuer une nouvelle fois. Tout cela parce que j’ai des pouvoirs.

Elle se tourna pour faire face à Aodhan, le regard embué et un sourire triste sur le visage.

— Je suis une bien piètre reine.
— Ne dis pas ça, répliqua vivement Aodhan. Rien de tout cela n’est ta faute. Aucun de nous ne pouvait prédire ce qui allait arriver. Et c’est grâce à toi et à tes pouvoirs qu’Arendelle est toujours restée saine et sauve.

Il hésita et posa finalement une main sur son épaule avec un sourire encourageant.

— Et tu n’es pas seule. Regarde tous ces gens, derrière nous ! Ils sont tous avec toi, tout comme le seront les Northuldras j’en suis sûr, d’après ce que tu m’as dit d’eux. Sans oublier bien sûr Kristoff, Olaf, et Anna. Une reine est à tes côtés, ce n’est pas rien ! conclut-il avec un petit rire.
— Et toi aussi, Aodhan, ajouta Elsa en posant la main sur la sienne, répondant à son sourire. Ce n’est pas rien non plus.

Il échangea un regard surpris avec elle, laissant un petit silence s’installer entre eux. Puis un grand sourire s’étira sur son visage.

— Et moi aussi, répéta-t-il en hochant la tête. Je ne vis pas à Arendelle depuis très longtemps, je n’y ai pas les mêmes attaches que toi et les autres (il désigna Anna et Kristoff d’un signe de tête), mais ces dernières semaines, pour la première fois, je me suis senti chez moi.

Elsa lui répondit d’un regard empli de gratitude, une lueur de reconnaissance avait remplacé celle de l’accablement dans ses yeux. Ses lèvres tremblèrent légèrement, prêtes à former des remerciements, mais elle se contenta finalement de hocher doucement la tête, laissant le silence exprimer tout ce qu’elle ressentait.

Le lendemain, en début d’après-midi, le groupe arriva finalement à la Forêt Enchantée. Le chant des oiseaux et des créatures de la forêt les enveloppèrent d’une atmosphère paisible et mystique comme si la nature elle-même les accueillait.
L’entrée de la forêt était marquée par une clairière au centre de laquelle se tenaient quatre majestueuses stèles en pierre, chacune représentant les quatre esprits de la Forêt Enchantée : le feu, l’air, l’eau et la terre. Avec soulagement, Elsa et Anna découvrirent les visages familiers des Northuldras, debout en cercle autour des stèles. Vêtus de tenues traditionnelles ornées de motifs inspirés de la nature, ils s’avancèrent en direction des habitants en affichant des sourires accueillants.
À la tête des Northuldras, une vieille femme marcha dans leur direction, la mine inquiète, accompagnée par une jeune brune qui avait au contraire du mal à cacher son sourire. À sa vue, Elsa se précipita à sa rencontre.

— Honeymaren ! s’exclama-t-elle avec un large sourire. Vous nous attendiez ?
— Elsa ! Il était difficile d’ignorer le boucan que vous faisiez en approchant. Au début, nous pensions que c’était les géants de pierre qui faisaient trembler le sol !

La dénommée Honeymaren gloussa avec Elsa, mais elles s’interrompirent lorsque Anna et Yelena, la cheffe des Northuldras les rejoignirent.

— Que se passe-t-il ? demanda la vieille femme. Qui sont tous ces gens ?

Elle désigna le peuple d’Arendelle autour duquel les Northuldras s’étaient regroupés, s’efforçant déjà de les aider du mieux qu’ils le pouvaient.

— Arendelle a été envahie, déclara Anna. Un homme vêtu de noir, nommé Roderick, a utilisé une sorte de brouillard sombre d’où sont sorties des créatures étranges. L’une d’elle a attaqué ma sœur ! S’il n’y avait pas eu Aodhan…

Elle lança un regard au jeune homme, qui tentait d’aider son peuple du mieux qu’il le pouvait aux côtés des Northuldras.

— Roderick ? répéta Yelena. Un brouillard sombre et des créatures ? C’est à n’y rien comprendre…
— Nous avons été forcés d’évacuer la ville, poursuivis Anna. Les Northuldras sont nos alliés les plus proches, alors je me disais… Enfin je me demandais si vous ac­cepteriez de…

Anna se tortilla les mains, de moins en moins à l’aise. C’était la première fois qu’elle se retrouvait dans une situation de négociation aussi directe en tant que reine d’Arendelle. Soudain, elle sentit une main prendre la sienne. Elle se tourna pour découvrir Elsa qui s’approcha à côté d’elle, resserrant son étreinte doucement en lui adressant un sourire encourageant.

— Arendelle demande l’asile aux Northuldras, compléta-t-elle pour elle.

Anna répondit à son sourire avec soulagement et se tourna de nouveau vers Yelena. Leur dispute semblait bien lointaine et futile à ses yeux désormais.
La vieille dame haussa les sourcils, mais un léger sourire vint éclairer son visage sévère alors qu’elle parcourait le peuple d’Arendelle du regard.

— Je ne sais pas si nous pourrons venir en aide à tout le monde, déclara-t-elle. Mais nous ferons de notre mieux.
— Nous vous aiderons aussi à découvrir qui est Roderick et comment reprendre votre royaume, ajouta Honeymaren.

Yelena s’avança pour faire face au peuple d’Arendelle, qui se tut rapidement en l’observant.

— Peuple d’Arendelle, les Northuldras vous offrent l’asile, déclara-t-elle d’une voix forte. Ne laissons pas nos différends passés interférer avec le présent. Nous allons aider à monter un campement pour tout le monde. Les familles avec de jeunes enfants s’installeront dans des tentes au plus proche des feux de camp, pour plus de sécurité. Quant aux autres, vous pouvez choisir un emplacement où vous vous sentez à l’aise. Mais ne vous éloignez pas trop du campement des Northuldras.

Des murmures d’approbation s’élevèrent parmi les réfugiés, qui s’enfoncèrent dans la forêt à la suite des locaux en direction de leur campement. Puis, Yelena se tourna vers Elsa et Anna, qui se tenaient côte-à-côte là où elle les avait laissées.

— Quant à la famille royale et ses amis, poursuivit-elle en regardant Olaf et Kristoff, je vous suggère de vous installer près de ma tente, un peu plus à l’écart du campement.

Anna se confondit en remerciements, mais Elsa l’interrompit en faisant un pas en avant.

— Je vous remercie, Yelena. Mais il y a quelqu’un d’autre avec nous.
— Le dénommé Aodhan ? demanda Honeymaren.
— Précisément.

Elle chercha le jeune homme quelques secondes avant de le trouver. Il s’apprêtait à suivre les réfugiés dans la forêt.

— Aodhan ! l’appela-t-elle. Viens par ici, s’il te plaît !

L’intéressé obéit et les rejoignit, visiblement confus. Il salua Yelena et Honeymaren avec respect en se présen­tant.

— Aodhan est avec nous, poursuivit Elsa. Il m’a sauvé la vie lors de l’invasion du royaume, et… (elle hésita) Et il a des pouvoirs, tout comme moi, ajouta-t-elle finalement en baissant la voix.

Les deux Northuldras eurent du mal à cacher leur stupéfaction. Ce qui, une nouvelle fois, ne manqua pas de faire sourire Elsa. Anna, cependant, fronçait les sourcils, les yeux rivés sur le jeune homme. Fort heureusement, Yelena et Honeymaren ne le remar­quèrent pas, pas plus que le discret coup de coude que lui fit Kristoff pour l’avertir que ses yeux lançaient des éclairs.

— Aurais-tu quelque chose à voir avec le fait qu’Elsa ait disparu de la forêt pendant deux semaines sans nous prévenir ? demanda Honeymaren à Aodhan avec un sourire taquin.
— En toute vérité, oui, avoua Elsa avant qu’Aodhan n’ait eu le temps de répondre. Mais nous en discuterons une fois que tout le monde sera installé.

Tout le monde approuva et le groupe suivit les réfugiés en direction du campement Northuldra, au cœur de la Forêt Enchantée.

La nuit était tombée depuis une bonne heure alors que les réfugiés avaient fini de monter leur campement avec l’aide des Northuldras. Des tentes de fortunes avaient été rapidement dressées grâce au savoir-faire du peuple de la forêt, tandis que des feux de camp crépitaient çà et là, jetant une lueur chaleureuse sur le bosquet qui les abritait. Épuisés mais reconnaissants d’être enfin à l’abri, les réfugiés se rassemblèrent autour des feux, trouvant un réconfort bienvenu dans la nuit obscure.
Pendant ce temps, Mattias s’approcha d’Aodhan et l’emmena à l’écart. La fatigue laissait son empreinte sur les traits du capitaine, mais un léger sourire éclairait son visage à la peau sombre. Dans sa main, il tenait une épée dans un fourreau de cuir sombre.

— Petit, commença-t-il. Tu as été courageux en af­frontant cette créature.
— Je n’ai pas vraiment réfléchi, avoua Aodhan avec un petit rire. Je ne pensais qu’à protéger Elsa.
— Et grâce à toi, notre ancienne reine a la vie sauve. Tu as l’air de savoir manier une épée, mais la prochaine fois, évite de prendre la mienne, ajouta Mattias en riant à son tour.
— Je n’avais pas d’autre choix, s’excusa le blond.
— C’est pour cela que j’ai décidé de te donner celle-ci.

Il tendit l’épée qu’il tenait dans sa main et l’offrit au jeune homme.

— C’est l’épée donnée à tous les membres de la garde royale d’Arendelle. Tu n’en fais pas officiellement partie, mais je te fais confiance pour protéger la reine, sa sœur et leurs amis, déclara-t-il solennellement.
— Je ferais tout pour les protéger, vous avez ma parole, répondit Aodhan sur un ton encore plus grave.

Il accrocha l’arme à sa propre ceinture, l’ajusta un peu, et remercia Mattias. Il s’apprêtait à prendre congé lorsque le capitaine posa la main sur son épaule.

— Attends, Aodhan. Je crois qu’Elsa et Anna te cherchaient tout à l’heure. Elles doivent t’attendre devant la tente de Yelena.

À la mention de la cheffe des Northuldras, Aodhan cru voir passer un éclat de malice dans les yeux du capitaine, si rapidement qu’il pensa l’avoir rêvé. Il le remercia de nouveau et se dirigea dans la direction qu’il lui avait indiquée.
Au détour d’un feu de camp, autour duquel courait un Olaf poursuivit par des enfants riant aux éclats, qui manquèrent bien de le bousculer, Aodhan déboucha sur un campement plus petit. La tente de Yelena se dressait majestueusement, encadrée par celles de Honeymaren et d’Anna et Kristoff sur sa gauche, et celles d’Elsa et d’Aodhan sur sa droite. Toutes s’alignaient en arc de cercle autour d’un autre feu de camp qui brûlait pares­seusement au milieu de la nuit. Assis tout autour du feu, les propriétaires desdites tentes attendaient Aodhan et levèrent les yeux vers lui lorsqu’il entra dans la lueur vacillante des flammes.

— Voici donc ton protégé, Elsa, sourit Yelena. Assieds-toi je te prie.

Intimidé, Aodhan hocha la tête et s’assit timidement sur le tronc d’arbre, à côté d’Elsa. Cette dernière avait dû leur raconter leur rencontre et son entraînement ces deux dernières semaines, à en juger par la façon dont les deux femmes le regardaient. La jeune blonde lui adressa pourtant un sourire rassurant.

— Elsa nous a tout raconté, poursuivit Yelena, confirmant ses soupçons. Nous avons beaucoup discuté et nous sommes arrivés à la conclusion que tu ne représentais pas un danger. Les Northuldras t’aideront à t’entraîner à la magie aux côtés d’Elsa. Nous nous sommes aussi mis d’accord avec Mattias pour qu’il t’entraîne à l’épée, si tu n’as pas d’objection. Nous avons pris ces décisions… À la majorité.

Elle jeta un regard à Anna, qui rougit légèrement lorsque l’attention du groupe se porta soudain sur elle. Elle croisa les bras sur sa poitrine en se renfrognant.

— Je maintiens que ce n’est pas une coïncidence. Elsa trouve un inconnu qui sait faire de la magie, et soudai­nement, Arendelle se fait attaquer deux semaines plus tard ? s’exclama-t-elle en posant les mains sur les hanches.

Elle fixait Aodhan comme si elle attendait des confessions de sa part. Le jeune homme se contenta de se frotter la nuque, mal à l’aise, mais soutint son regard. Un silence lourd s’installa, seulement perturbé par le crépitement du feu qui dansait entre eux.

— Je ne sais pas comment vous prouver mon innocence, reine Anna, déclara-t-il finalement. Je sais que rien de ce que je pourrais dire ne changera quoi que ce soit, et je n’aime pas faire de promesses. Il est bien trop facile de prononcer des paroles vides de sens. Mais à la place d’une promesse, j’aimerais plutôt vous demander de m’accorder du temps pour vous montrer que vous pouvez me faire confiance.

Anna le regarda, les yeux écarquillés de surprise. Apparemment, elle ne s’attendait pas à cette réponse. Après un nouveau silence, plus court que le précédent, elle croisa de nouveau les bras, la mine toujours boudeuse.

— Soit, répondit-elle sobrement, sa voix moins acerbe qu’auparavant.

Il ne put s’empêcher de constater que ses épaules semblèrent se détendre, comme si un poids venait de s’en envoler.
L’atmosphère autour du feu de camp sembla se détendre, et Yelena poursuivit :

— Bien, puisque tout semble réglé, nous pouvons passer au sujet principal, c’est-à-dire, comme l’a si bien dit Anna, l’invasion d’Arendelle.
— J’ai d’abord vu un étrange brouillard noir flotter au-dessus de la mer, au sud, expliqua Anna. La manière qu’il avait de se déplacer était étrange, il avait presque l’air vivant.
— Je pense que c’était ce Roderick qui le contrôlait, réfléchit Elsa à voix haute. Il nous a poussé à évacuer la ville avec ce brouillard, et lorsqu’il était installé dans Arendelle, il y a créé ces créatures. Qui sait ce qu’elles sont en train d’infliger à la ville pendant que nous parlons ?
— Et il vous connaissait, c’est cela ? demanda Honey­maren qui prit la parole pour la première fois. Vous l’avez déjà vu quelque part ?
— Il ne connaissait qu’Elsa, répondit Anna, la mine sombre. Et d’après la façon qu’il avait d’émerger du brouillard et de flotter dans les airs…
— Tu penses qu’il possède aussi des pouvoirs magiques ? lui demanda Kristoff d’un air inquiet.
— Précisément.

Tout le monde échangea des regards graves. Si cet homme possédait bien des pouvoirs, Aodhan comprenait mieux les doutes d’Anna à son égard. Ce qui n’était qu’un maigre réconfort. Elle semblait s’imaginer qu’il était complice de Roderick et aspirait à la destruction d’Arendelle, ce qui était évidemment bien loin de la vérité.

— Roderick, murmura Yelena, brisant le silence. Ce nom me dit quelque chose.

Tout le monde leva les yeux vers elle, surpris.

— Ne me regardez pas ainsi, ma mémoire n’est plus très claire. Mais ce nom résonne comme une histoire que l’on m’aurait raconté il y a bien longtemps. Une histoire que j’aurais oubliée, et qui vient de refaire surface. J’en ignore cependant tous les détails.

Les autres poussèrent un soupir, les yeux perdus dans les flammes vacillantes du feu de camp. Ils n’avaient aucune piste, aucun moyen de savoir d’où venait Roderick, qui il était vraiment, ni comment le vaincre. La situation semblait perdue, et chacun se sentait déses­péré.
Chacun, sauf Elsa, qui arborait un petit sourire.

— Tu as une idée, Elsa ? lui demanda sa sœur.
— Peut-être, en effet, répondit l’intéressée. Si même les Northuldras ont entendu parler de Roderick, cela signifie qu’il y a une chance qu’il se soit rendu ici, dans la Forêt Enchantée, par le passé.

Ils échangèrent des regards dubitatifs, sans trop comprendre où elle voulait en venir. Puis Anna sauta soudain sur ses pieds en poussant une exclamation de surprise, faisant sursauter tout le monde.

— Ne me dis pas que tu penses à ce que je pense que tu penses ? demanda-t-elle, la voix aiguë d’excitation.

Elsa échangea un regard complice avec sa sœur.

— Si Roderick s’est bien rendu ici à un moment de sa vie, alors Ahtohallan détient les réponses à nos questions.

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