Chapitre 7

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  • Tu dois vraiment partir ? Demanda Colombe au bord des larmes tandis que les domestiques s’affairaient à charger les bagages de son père dans la voiture.
  • Et oui. Malheureusement, le devoir m’appelle.

Elle s’accrocha obstinément au pantalon en toile grise de son père, les yeux rivés au sol, une petite moue sur le visage.

  • Mais… Tu viens tout juste de rentrer… Je veux pas que tu partes.
  • Je suis vraiment désolé mon poussin, je n’ai pas pu passer beaucoup de temps avec toi ces derniers jours. Je me rattraperai la prochaine fois. Je te le promets.
  • Mais… Et si des méchants monsieurs s’en prennent encore à moi ? Tu pourras pas me protéger…

Un sourire se dessina sur le visage de Monsieur Chatterton qui s’abaissa à la hauteur de la petite fille et lui caressa la tête pour la rassurer.

  • Ne t’inquiète pas mon rouge-gorge. Tant que tu resteras dans l’enceinte du manoir, tu seras en sécurité.
  • Monsieur, annonça alors le majordome derrière lui, nous avons terminé de charger vos affaires. Nous n’attendons plus que vous.
  • Parfait. J’arrive.

Puis, retournant aussitôt son attention sur sa fille :

  • Mon oisillon, ce sera ton anniversaire quand je rentrerai. Je t’organiserai une grande fête avec tous les domestiques.
  • Est-ce qu’il y aura un gros gâteau au chocolat ?
  • Le plus gros que tu n’as jamais vu ! 8 ans, ça se fête !
  • Ouais !
  • Ah ! De quelle couleur voudras-tu ton cadeau cette fois-ci ?
  • Quoi ? Tu vas encore m’acheter une robe ? Tu m’achètes toujours des robes…
  • Ce n'est pas de ma faute si tu es incroyablement adorable dans ces vêtements. Et puis ce n’est pas vrai, je ne t’offre pas toujours des vêtements. Aurais-tu déjà oublié l’oiseau qui se trouve en ce moment même sur ta tête ?
  • Alba c’est juste l’exception qui confirme la règle.
  • Si tu le dis. Mais tu n’as toujours pas répondu à ma question. Quelle couleur te plairait ? Tiens, et pourquoi pas du vert clair ?
  • Moui… Pourquoi pas…
  • Parfait ! Dans ce cas je partirai sur du vert clair ! Bon, il va être temps pour moi d’y aller, ajouta-t-il en jetant un coup d'œil à sa montre.

Il reposa son regard sur la fillette boudeuse qui refusait à présent de le regarder et s’exclama :

  • Mais il est hors de question que je parte sans avoir eu droit à un énorme câlin de la part de mon petit colibri préféré !

Il la serra avec puissance dans ses bras. Elle enfouit sa tête dans son cou, comme pour marquer en elle son odeur, et son père ressera son étreinte. Ils restèrent ainsi de longues minutes, sous le regard toujours attendri des domestiques, avant qu’il ne la lâche finalement. Il posa son chapeau sur sa tête et s’installa dans la voiture avant de s’addreser une dernière fois, non pas à Colombe, mais à la femme qui se tenait juste derrière elle, les yeux modestement rivés au sol.

  • Marie. Je compte sur toi pour veiller sur ma fille. J’ai confiance en toi. Je sais que tu ne me décevras pas.

Sur ces mots, la voiture démarra et s’avança dans l’allée de gravier. Colombe la fixa longuement, jusqu’à ce qu ‘elle disparaisse derrière le lourd portail de fer noir. Les domestiques qui s’étaient tous réunis dans la cour pour accompagner le départ de leur maître se dispersèrent rapidement, retournant à leur travail, et il ne resta bientôt plus que la jeune fille et sa gouvernante. Son père lui manquait déjà… Mais pourquoi avait-elle l’impression d’avoir un poids en moins sur le coeur ?

  • Mademoiselle, si on jouait à chat ? Demanda soudainement Marie, la sortant de ses pensées.
  • Hein ? Mais je ne suis pas censée avoir cours de chant aujourd’hui ?

Colombe la fixait d’un regard étonné, la tête légèrement penchée sur le côté, une mimique qu’elle tenait de son père.

  • Transgresser quelques règles une fois de temps en temps pour s’amuser ne fait pas de mal, non ? Surtout lorsqu’il s’agit de remonter le moral de notre chipie favorite. Profitons de l’absence de Votre Père pour jouer un peu.

Marie sourit. Mais son sourire était… Étrange… Juste étrange… Elle n’aurait su dire pourquoi, mais… Il la mettait mal à l’aise… Elle n’aimait pas ce sourire.

  • Mais Papa va se mettre en colère s’il apprend que je ne suis pas allée en cours aujourd’hui, et je serai encore privée de dîner…

Le sourire de Marie s’élargit, le sentiment de malaise s’agrandit. Elle saisit ses mains et, d’un ton de connivence, insista :

  • Ne t’inquiète pas, il n’en saura rien. J’ai déjà prévenu Madame Farenbourg, elle ne viendra pas, elle croit que vous êtes malade.
  • Mais… Je ne suis pas malade… Papa dit toujours que ce n’est pas bien de mentir.
  • Le mensonge en soi n’est pas un mal, c’est la manière dont on s’en sert qui l’est. Tout le monde ment au moins une fois dans sa vie, et ça ne fait pas d’eux de mauvaises personnes.
  • Même mon père ?
  • Même Votre Père, même s’il fait un peu exception à cette règle…
  • Ah bon ? Pourquoi ?
  • Tu comprendras quand tu seras plus grande… En tout cas, je me croyais plus aventureuse Mademoiselle. N’est-ce pas vous qui, la dernière fois, avez menti à Monsieur Votre Père sur votre petite escapade nocturne ?
  • Oui, c’est vrai… Mais j’ai pas envie d’être punie à nouveau…
  • De toute façon, Madame de Farenbourg ne viendra pas, et il est trop tard pour changer ça. Et puis il ne reviendra pas avant plusieurs mois. D’ici-là personne ne s’en souviendra. Allez… Ce sera notre petit secret… En puis

Colombe hésita un instant, mais finit par hocher la tête face à l’inhabituelle insistance de sa gouvernante. Elle ne savait pas si c’était une bonne idée. Non, elle en était même certaine. Si son père l’apprenait, et elle savait qu’il finirait par l’apprendre, rien de ce qui se passait dans ce manoir ne lui échappait, il ne manquerait pas de la punir, une punition bien pire que de simplement être privée de dîner. Lui qui avait toujours été si stricte avec ses études, en particulier ses cours de musique et de chant, il ne laisserait jamais passer ça. Et après ce qu’il s’était passé au parc, elle ne voulait surtout pas le voir s’énerver.

Le comportement de Marie était vraiment étrange aujourd’hui. Elle qui ne jurait d’habitude que par les règles et les conventions, comment pouvait-elle la pousser avec tant d’insistance à les enfreindre ? Surtout après ce que son père venait de lui dire…

Elle n’aimait vraiment pas ça… Mais on lui avait toujours dit de sagement écouter sa gouvernante lorsque son père n’était pas là.

L’expression figée de la gouvernante se détendit, et elle s’exclama :

  • Vous êtes d’accord ? Parfait ! On va prendre les mêmes règles que ce matin. Je vous donne un temps imparti, hum… Disons… Cinq secondes, pour vous enfuir, avant que je ne commence à vous poursuivre, cela vous convient ? Et votre objectif est d’atteindre… Tiens, pourquoi pas le portail des domestiques ? Si vous parvenez à l’atteindre avant que je ne vous attrape, vous aurez une petite récompense.

La fillette hocha de nouveau la tête. Un sourire vainqueur se forma sur le visage de Marie. Elle se retourna, plaqua ses mains contre un arbre non loin de l’allée et à peine commença-t-elle à compter que Colombe détalait déjà dans le manoir, Alba à sa suite.

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