Le Paris merveilleux

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Sifflement du vent. Bruit des autos. Vacarme des travaux.

Malgré tout ce bruit, je survole sans répit ce lieu intriguant. Je remarque, en bas, un kiosque qui se détache au milieu d’arbres aux feuillages peu volumineux. Sur le bord de celui-ci domine une gouttière. L’eau qui s’en échappe marque une tâche mystérieuse sur le sol bétonné de la place de la Nation. Je regarde ce ruisseau s’élancer vers un petit marronnier dont quelques marrons jonchent le sol. Son parcours est digne d’un parcours du combattant. Il passe sous un banc squatté par quelques jeunes, contourne une grille posée au sol, s’engouffre dans une crevasse, crée un petit lac, ressort et se jette enfin sur le bord d’une route piétonne. Lorsque quelques passant l'écrasent sans y prêter attention, une partie de lui s’accroche à leurs chaussures.

Je suis son mouvement jusqu’à être interpellé par un objet jaune près d’une des 5 bouches de métro. Je déploie mes ailes et m’envole en direction de cette boîte aux lettres. Alors que je suis en plein vol, le bruit des marteaux piqueurs capte mon attention. Je détourne la tête un instant. C’est alors que je ressens un choc brutal. Le lampadaire dominant cet espace où s’éparpillent plusieurs bancs venait de faire obstacle à mon élan. Je m’écrase, lentement, vers ce sol trempé par la pluie. En tombant j’aperçois deux grandes statues de part et d’autre d’une grande avenue. On pourrait croire qu’elles forment une porte gigantesque permettant l’accès à ce lieu particulier. Sur cette avenue je remarque quelques feux rouges stoppant l'ardeur de nombreuses voitures. S'empressant de traverser, des piétons passent devant cette magnifique porte sans y prêter attention.

Les bruits incessants de l’environnement me rappellent la chute que je suis en train de subir. Je me redresse alors, et je m’envole vers une poubelle grise isolée. C’est alors que je l’aperçois, assis sur un siège. Il regarde au loin, rêveur. Je me dirige vers cette personne et m’assied sur le tabouret à côté. Je contemple avec lui les grands espaces verts, les grandes rues piétonnes et j’admire, au loin, une grande sculpture située au centre de la place.

Je m’élance vers ce point intriguant où arpentent quelques chemins terreux. Là, de petits espaces verts, coupés par ces sentiers, dorment paisiblement. C’est comme un cocon au milieu d’une fourmilière d’individus et de véhicules. Un cocon au milieu d’un rondpoint. Tranquilles, assis au pied de la grande statue, deux amoureux s’embrassent. J’observe, j’écoute, je sens cette ambiance aussi paisible que bruyante.

Au loin, une sirène d’ambulance se fait entendre.

Le véhicule se précipite, contourne des interdits, alerte quelques automobilistes trop pressés pour penser aux autres. Une petite fenêtre de toit est ouverte et j'en profite alors pour y jeter un coup d'œil. Plus j'approche de l'habitacle, plus des cris parviennent à mes oreilles. Plus je m'approche, plus je veux m'éloigner. Un homme est allongé, maintenue par des blouses blanches. Il a un couteau planté dans le ventre. Les hommes et femmes autour sont tâchés de rouge et du sang gicle de la gorge du malheureux. Et c'est alors qu'il me voit. Il me regarde et devient fou. Il hurle à la mort, appelle ses ancêtres, crache ses boyaux, repeint l'ambulance, se meurt tranquillement. Les voitures klaxonnent, incapable de patienter, une foule se fait entendre dehors et des petites explosions secouent la voiture. Je me dirige alors vers l'extérieur.

Une foule en délire, des blindés sur une route rouge, des bâtiments en ruines. C’est alors que je l’aperçois, assis sur un siège. Il regarde au loin, rêveur, l'œil droit manquant. Un homme non loin de là glisse, se brise la nuque. Le sol trempé explore diverses teintes de rouge. Et, miracle, le voilà ! Je l'ai retrouvé, cet œil. Il est là, au bord du caniveau, attendant que le temps se calme. Il regarde comme moi ces petites scènes parisiennes, ces journées divertissantes, enrichissantes. Je m'approche de lui mais il s'éloigne, il s'engouffre dans le sol. Je le rattrape avec justesse avant qu'il ne sombre. Ma tête est plongée dans le noir, là où s'écoule la mer de sang. Là où sont stockés d'autres petits yeux, d'autres petites jambes, d'autres petits oiseaux. Rien ne bouge, tout est inerte.

J'entends toujours la rue, un homme crier de douleur, une femme hurler de colère, des bruits de verre brisé. J'entends des membres se disloquer, des os se briser. Ah ! Celui-là c'est un tibia. Bruit typique d'un tibia. En plus d’entendre, l’odeur des égouts arrive à moi. Mélange de pourriture, d'animaux morts et de chair en décomposition, de déjections et de parfums jetés on ne sait pourquoi. À croire que les morts veuillent sentir bon.

Mais pas d'inquiétude, au loin l'on entend le début de la Marseillaise, l'arrivée d'un sauveur sur un cheval tricolore.

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