Ombre
Imaginez un monde sans couleurs ; un monde noyé dans une nuit intempestive. Regardez bien. Peu à peu, des formes se dessinent ; elles longent le bord d’un abîme, se frayent un chemin parmi les ombres sans un mot ; elles ne se touchent jamais, jamais ne se regardent.
Formes évanescentes qui s’ignorent. Imaginez maintenant ces figures flottant dans le clair obscur d’un univers sans fin. Parfois l’une d’elles s’arrête net ; les autres errent sans autre dessein que celui d’errer ; elles vont sans but, imperturbables.
Dans un monde sans couleurs, une lumière se faufile, rebelle, jusqu’au centre de cette spirale qui s’enroule à l’infini. Puis une ombre solitaire se fige, comme lacérée par les lames acerbes et glacées d’un hiver sans fin. Sans un mot, elle cherche ces gouttes d’or qui ont jailli de nulle part.
Immobile, tel un pantin désarticulé, elle lève les yeux vers l'infime percée de lumière. Regargez bien. Les jambes raidies, la voilà porte qui la main au front, le regard perdu dans le vide, puis la retire. C'est aussi soudain qu'inattendu.
Elle reste figée là comme une statue de sel, tandis que par une faible lumière point sur ses lèvres l’esquisse, à peine visible, d’un sourire.
Puis, plus rien.
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