Extinction
Depuis cette année 2139, depuis cette triste année où la FKA, la NASA et Steeve Bloomkamp ont abattu les derniers remparts de ma foi, je vis reclus à Nouméa. Je ne sais même pas pourquoi j’ai choisi de continuer à vivre jusque là. Mais s’il y a bien quelque chose dont je suis persuadé, c’est que tout finit aujourd’hui.
Pourquoi vivre, si cela ne mène à rien ? À quoi bon exister, puisque tout retournera au néant ? Pourquoi s’acharner, puisque ma conscience cessera d’exister ?
Vertigineuses questions.
J’y apporte enfin une réponse. Une réponse évidemment toute personnelle. Car c’est à chacun de résoudre cette angoisse métaphysique, cette peur de l’anéantissement.
Ma réponse est simple : puisque je finirai dans l’abîme, autant m’y jeter volontairement, en un ultime doigt d’honneur à cette chienne de vie. De toute façon, je n’ai plus la force de faire autrement. Je n’ai plus la force de faire semblant.
La vie n’a aucun sens.
Je stoppe ma perfusion nutritive, je la débranche et je la balance nonchalamment sur ce qui me sert de canapé. Je m’installe confortablement dans mon lit médicalisé, et je coupe une à une mes alarmes biométriques. Je cherche dans un carton les quelques produits chimiques que j’ai pu me procurer : des dérivés du tiopenthal et du fentanyle, principalement. J’y ajoute des nano-annihilateurs qui s’occuperont de réduire au silence ma nano-garde rapprochée et je mixe le tout dans une solution saline que je branche sur ma perfusion. Je m’installe confortablement dans mon lit. Je ne mets pas de film, pas de musique, aucune ambiance sonore. Je la joue sobre et je laisse la mort venir. Ça ne devrait pas être trop long.
Je me sens à la fois léger et engourdi. Je ne vole pas vraiment, mais ça y ressemble. Oui, c’est ça, je flotte. Je vois mon corps, allongé dans mon lit, et je gesticule au-dessus de moi-même. Enfin, je ne « vois » pas vraiment, mais ce que je ressens en est très proche. C’est très curieux. Je me retourne, vers le ciel. Je vois une grande lumière blanche, étincelante, qui m’enveloppe de tout son amour. J’y suis. En pleine NDE. Mon cerveau ne comprend plus rien à ce qu’il se passe. Sous l’effet du stress, il se monte un film pas croyable. Mais c’est tellement reposant. J’ai beau savoir que tout ça n’est qu’une illusion, je le vis formidablement bien. Je suis en pleine euphorie. Dans quelques instants, tout ça sera fini. Il n’y a rien de l’autre côté, je le sais.
Il n’y a pas de vie après la vie.
Mais je m’en tape.
C’est tellement fantastique et j’ai tellement envie d’y croire que je me laisse aller. Mes neurones s’éteignent les uns après les autres, je fermente et me nécrose de l’intérieur, mais le spectacle est grandiose.
Mon cerveau en désintégration se prend pour un grand explorateur, il s’imagine en train de s’aventurer sur le Continent des Morts, alors qu’il ne fait que s’éteindre et retourner au néant, confondant son extinction chimique avec quelque chose de merveilleusement grand.
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