Dimanche
Valentin écrit. Sur des morceaux de papier, sur les pages d’un bloc-notes, à longueur de journée. Il se déplace de classe en classe, un stylo dans la main, son carnet dans l’autre tandis que son sac pend à son épaule. Il y inscrit les conversations qu’il partage avec son ami. Le seul. Que les élèves ne connaissent pas. Pas plus que les professeurs ou ses parents. Que personne ne voit. Il y raconte des histoires aussi, celle de la vie future qu’il prévoie, celle dont il rêve, celle qui l’enverra dans l’espace ou qui lui permettra de gravir des montagnes. Il explique comment il résoudra le mystère des sept vaches.
Il a appris il y a bien longtemps à se cacher des autres et de leurs moqueries. La solitude ne l’angoisse pas, elle le protège. Elle lui permet de rester égal à lui-même.
Jusqu’à ce jour où le Bad boy du collège, le tombeur, s’empare de son unique qui virevolte au-dessus des doigts tendu tel un bouquet de mariée, tombe dans les paumes d’Untel, dont le rire sardonique vrille les tympans de Valentin. Le malheureux essaie tant bien que mal de récupérer ses écrits, retenu par la horde qui s’est formée.
Quand enfin le professeur de français se décide à intervenir, interpellé par le chahut et le brouhaha, l’irremplaçable lui est restitué. Souillé. Chaque page recouverte de dessins grossiers. L’enseignant, qui a pris la peine de feuilleter rapidement le calepin, ouvre une porte au jeune étudiant :
— Permettrais-tu à un auteur en herbe de lire tes œuvres et de te donner son avis ?
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