Chapitre 2

4 minutes de lecture

Trois coups frappés à la porte s’immiscent dans mon sommeil. L’espace d’un instant, je me crois encore dans ma chambre, à Springfield, avant de réaliser la présence de mon père, à la porte.

- Ca va, ma puce ?

- Mmm.

- Je m’absente faire des courses. Ca va aller ?

- Christine veut qu’on sorte ce soir, réponds-je encore à moitié endormie.

- C’est d’accord, mais pas plus tard que 22h. Compris ?

- 23h ?

- 22h30. Les clés sont sur la table de la cuisine.

- Merci P’pa !

Je saute du lit et défais ma valise. J’en oublie presque les pancakes, absorbée par le choix de ma tenue de soirée. J’opte pour un débardeur et un jean avant de filer à la cuisine. Dix-huit heure trente. Confiture, sirop d’érable, je me sers généreusement en attendant Christine.

Puis on sonne à la porte. M’attendant à retrouver Christine, je file ouvrir.

- Emma ! lance-t-elle en me serrant dans ses bras. J’avais tellement hâte de te voir que Julian a dû m’empêcher de débarquer directement chez toi dès que j’ai su que tu arrivais.

Derrière elle, Julian m’adresse un signe de tête du siège conducteur de sa décapotable. Son frère et moi n’avons jamais partagé plus d’affinités que ça, même si avec son air de garçon sage, un brun préoccupé, je comprends que la moitié des filles de la ville craquent sur lui.

- Dépêche, on va être en retard !

A peine la porte fermée, Christine m’attrape le bras et me pousse dans notre carrosse, puis monte à l’arrière avec moi.

- Je crois que j’aurais dû attacher mes cheveux, s’inquiète-t-elle en attrapant un miroir. Tu crois que ça se remarque ?

- De quoi ? réponds-je abasourdie par la tournure de nos retrouvailles.

- Mes cheveux.

Oh oui, ils se remarquent. Et crois-moi, si la moitié des hommes que l’on croise ce soir ne se retournent pas pour te regarder, c’est qu’ils ne savent pas ce qu’ils manquent.

- Tu es très bien comme ça. On va où ? m’encquis-je, curieuse.

- A une réception que donne mon père.

- Ton…

La fin de ma phrase reste coincée dans ma gorge. Christine doit remarquer mon soudain malaise car elle s’empresse de préciser, une main posée sur mon avant-bras :

- Ne t’inquiète pas, ce n’est rien d’officiel. Juste une réception dont les fonds seront reversés à une association caritative. Pas besoin d’invitation. J’ai pensé que ce serait un bon moyen de fêter ton retour !

Elle à beau me rassurer, mon cœur fait des bonds dans ma poitrine. Je connais son père pour l’avoir déjà croisé par le passé ; un visage fermé, une expression sévère, du genre à vous faire tressaillir de tous les crimes que vous n’avez pas encore commis d’un simple regard. Et j’ai soudain la sensation de dénoter bien plus que je ne l’aurais souhaité du paysage. Ma tenue semble ringarde. Et mes chaussures, bien plus sales qu’elles ne le sont probablement. Même le costume de Julian me parait trop impeccable pour que je parvienne à me détendre.

- Combien de temps comptes-tu rester ? demande Christine, changeant subitement de sujet.

- Jusqu’à mi-août. Ma mère souhaite que je ne reste pas trop longtemps pour avoir le temps de préparer la rentrée.

- Ce qui nous laisse un mois… calcule Christine, pensive.

Julian jette brièvement un œil à son rétroviseur, et je devine au silence qui s’immisce soudain dans l’habitacle que ma présence à Springfield semble la perturber. Mais l’impression est fugace, et très vite, Christine retrouve son sourire habituel.

Le coupé sport parcourt les cinq kilomètres qui nous séparent du domaine des Howell en moins de dix minutes. Christine, qui n’a pas cessé de parler de tout le trajet, m’indique que nous arrivons en pointant du doigt la maison qui se dessine au bout de l’allée.

Le soleil a disparu et les premiers moustiques entament leur danse nocturne à la lueur des lampadaires. Julian gare le coupé entre une Mercedes et un Pick Up noir. Puis en homme de bonne éducation, vient m’ouvrir la porte.

- Merci, bredouillé-je, non habituée à une telle marque d’attention.

Nos regards se croisent à peine, mais pendant un cours instant, je l’aurais juré, il avait souris.

La réception brille comme un îlot au sein même du domaine. Les convives boivent et échangent sur la terrasse, dégustent et s’émoustillent sur des airs de jazz. Christine se fraye un chemin entre les invités :

- Par là, dit-elle en désignant l’arrière de la maison.

Elle attrape au passage champagne et petits fours, qu’elle s’empresse de partager avec moi. Je la suis, un peu perdue, soulagée de constater que ma tenue n’ait pas l’air de déranger, mal à l’aise à l’idée que je ne connais personne, ou presque. Je relativise : il ne s’agit que d’une soirée Emma. Une soirée et tu retrouveras le confort de ta chambre très rapidement, tenté-je de me convaincre.

Eh puis je suis plutôt heureuse de ne pas avoir à passer ma première soirée seule. Emily aurait probablement sauté de joie à l’idée de se rendre à une telle fête…

Intérieurement, je me fais la promesse de tout lui raconter quand je rentrerai.

- Alors, quoi de prévu au programme, cet été ? me demande-t-elle en tirant deux chaises.

Elle s’assoit, tandis que je m’affale en soupirant.

- J’avais prévu d’aider mon père à la clinique.

- A la clin… Oh.

Christine ouvre de grands yeux, surprise, avant de masquer son étonnement.

- C’est vrai que ton père est vétérinaire…

Je ris doucement.

- C’est toujours l’effet que ça fait quand les gens apprennent sa profession. Je crois qu’il est plus bavard avec les animaux qu’avec les humains.

Christine glousse.

- En même temps, je le comprends, dit-elle en désignant du menton la fête qui bat son plein de l’autre côté de la maison. Les humains sont trop… Trop. Il faudra qu’on se fasse un cinéma pendant que tu es là. Et Julian a prévu de partir randonner. Je dois voir avec mes parents mais…

- Tu penses que ton père acceptera ? demandé-je stressée.

- J’en fais mon affaire. Comme ça j’en profiterai pour te montrer la région et qui sait, peut-être finiras-tu par ne plus avoir envie de repartir ?

- Défi accepté. Christine Howell, vous avez pour mission de sauver la jeune demoiselle que je suis d’une vie terriblement ennuyeuse.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Gwenouille Bouh ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0