Ressenti du lecteur / Intention de l'auteur
Dans un texte, j'ai utilisé la forme (absence de ponctuation) pour créer une confusion au lecteur, afin qu'il ressente la même confusion que ma narratrice/personnage, Malala, une enfant de 8 ans. C'était une très mauvaise idée et voici pourquoi :
Explication d'Isabelle : "Attention au ressenti que tu veux imprimer au lecteur. Le lecteur n'est pas une petite fille de 8 ans, tu ne peux donc pas le placer dans le ressenti d'une fillette, tu ne peux pas imposer un ressenti au lecteur, tu ne peux que laisser de la place à ses propres émotions.
Tu peux plonger le lecteur dans le ressenti d'un personnage qui lui est éloigné (exemple, le début magistral des Fleurs pour Algernon) mais pas le forcer à ressentir la même chose. En gros, si le lecteur plonge dans les pensées de Malala, il va voir les choses à travers ses yeux mais pas comme elle, car il n'a pas 8 ans, il est adulte et va projeter dans ce regard son regard d'adulte mêlé à ce qu'il comprends du regard d'enfant. Il se met à la place de l'enfant mais ne peut être à la place de l'enfant. Tu saisis la petite nuance ? Ça aide au phénomène d'empathie mais ça garde le phénomène de distanciation.
Si je prend l'exemple de mes patients. Je connais leur histoire et je me mets à leur place. Mais en fait je ne peux pas comprendre parce que je ne suis pas à leur place, je projette mes fantasmes sur comment moi je vivrais ce qu'ils vivent (car en fait j'en sais rien de comment je le vivrais). Par contre, si j'écoute leur ressenti au lieu de projeter le mien, je laisse de la place à mon empathie et ma compréhension d'aspects que je ne percevais pas, voire des choses positives que je n'imaginais pas. Et là je développe mes émotions. Tu vois l'idée des émotions forcées par rapport aux émotions induites ?"
En effet, j'ai voulu que le lecteur ressente de l'empathie au point non de se mettre à la place de Malala, mais de carrément prendre sa place. Je pensais recréer la confusion artificiellement avec la forme en supprimant la ponctuation, mais vous avez pu constater que ça ne fonctionnait pas car j'imposais presque une "souffrance" au lecteur : Malala ne comprend pas, alors le lecteur ne doit pas comprendre non plus. Le résultat est forcé. Je pense que j'ai voulu en "faire trop" parce que je n'avais pas confiance en ma capacité à transmettre une émotion à ce moment là, et c'est pour ça que j'avais essayé de combler par la forme.
Imaginons qu'une personne A a été frappée par une personne B et que la personne A gueule à des personnes C, D et E : "regardez regardez j'ai été frappé, regardez là, vous avez vu, vous avez vu hein ce que B a fait !"
Il est possible que ça decridibilise A qui a effectivement été frappé. C'est ça l'équilibre que je dois trouver dans mon texte, montrer que A a été frappé par B et laisser C, D et E se faire leur propre opinion sans être parasités par la parole de A.
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