La maladie

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On m'a toujours dit de croquer la vie à pleines dents. Mais je m'en suis cassées des dents à vouloir à tout prix la croquer, cette fameuse vie qui m'attirait. Elle faisait frétiller mes papilles lorsque j'étais plus jeune. Mais elle n'est en fait qu'un aphte douloureux dans une bouche gourmande. Aujourd'hui encore, cette vie me fait mal. Rien ne peut guérir cette affreuse douleur au cœur avec laquelle j'ai grandi. Elle était devenue mon âme sœur, elle comblait ma solitude par des cris et des larmes, et je succombais à son charme. Je croque du doliprane pour les migraines comme les antidépresseurs pour la haine de cette vie qui s'égraine. Ces pastilles pour survivre ne sont que pourriture pour les papilles gourmandes qui en redemandent. Ce n'est pas assez ces cinquante cachets dans mon estomac pour me guérir de la maladie de la vie. Les pâtisseries pour le moral, comme ces caries sur les dents abimées, gloutonne que je suis j'avale tout ce qui se trouve sous ma main lourde. Je mange et je mange des antidépresseurs, des antipsychotiques comme des antineuro je ne sais plus quoi d'autre "anti" mais je prend. Je mange par égoïsme des autres tout comme je vis avec ce poids pesant que le monde m'a offert. J'avale sous la lune ce que je pense être mon dernier repas. Mais un lavage d'estomac et me revoilà, encore moins gourmande de l'existence. Minuit, je suis seule, sous les astres lumineux. Je voulais voir le paradis mais à la place je subis cet enfer sur Terre, et j'avale de travers, ce nouveau repas que la vie m'a offert. Il reste dans ma gorge nouée, qui retient la colère et la tristesse.

Je suis encore là, je réfléchis seule, dans la lueur froide de la nuit, je regarde cette Lune pâle et triste. Je regarde en arrière, cette vie tachée de mes fautes, tachées de mon sang coulant le long de mes poignets, et puis j'essaye d'imaginer un futur impossible. Cette promenade autrefois paisible continue d'un pied plus pénible. Si seulement j'étais la reine de mon monde, plutôt que d'en être l'esclave. Si seulement je n'étais pas un individu piégé dans un univers de lave. Je suis un inconnu dans ces muqueuses baveuses et bavardes de méchanceté de la société. Il est triste de nos jours d'être né.

Après minuit, je suis seule dans le noir complet. Mes yeux fatigués voudrait se fermer pour l'éternité. Mais à la place ils regardent avec envie ce plafond étoilé, Cette lueur plus légère qu'un chuchotement caresse la rétine doucement. C'est toujours grand ouvert que mon regard fixe cette lumière. Il est plus de minuit et impossible pour moi de trouver le sommeil. Mes paupières alourdies, j'entends des pas qui brisent le silence de la nuit. J'entends le bruit de jambes fuguasses, qui montent avec audace toutes les marches, jusqu'au son interminable de ma porte qui laisse entrer une âme sombre. Je vois la faux cachée dans le dos, et c'est avec le sourire aux lèvres que la mort est venue me chercher.

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