Un homme se tenait sur la plage, seul, regardant l'océan au loin. Il portait un pantalon noir, des bottes et une chemise ample qui pendait exposant la moitié supérieure de son torse. Ses bras croisés, tandis qu'une longue épée reposait nonchalamment sur la paume d'une de ses mains. Il semblait attendre quelqu'un. Il ne fallut pas longtemps pour qu'une embarcation isolée s'approche de lui. L'étranger leva la tête pour la regarder approcher, puis s'écarta pour laisser le bateau s'amarrer près de lui. Il tendit un bras tandis que deux personnes débarquèrent. L'un d'eux était grand et musclé, avec une courte barbe et une moustache, et ressemblait à un chevalier, tout d'argent vêtu. Derrière lui se trouvait une femme qui semblait avoir une vingtaine d'années. Elle était vêtue d'une simple robe blanche et portait un châle rouge autour des épaules, qu'elle enleva dès qu'ils furent assez près l'un de l'autre. Elle attrapa la main de l'étranger avec douceur.

L'étranger sourit à la petite femme qui le serra rapidement dans ses bras. « Bienvenue à la maison, ma très chère sœur. »

Elle rit légèrement et répondit de la même manière. « Ça fait du bien d'être enfin de retour à la maison. » La jeune femme tendit la main pour tapoter affectueusement la joue de l'homme plus petit des deux et ajouta : « Vous avez fait des merveilles pour la ville, mon seigneur. » Puis, elle se tourna vers le chevalier à côté d'elle. « Nous devons vous faire part du bon travail que vous accomplissez ici, Monsieur le Chevalier. Nous sommes très reconnaissants que vous puissiez nous aider à reconstruire nos vies après le dernier désastre. Vos efforts ont vraiment contribué à rétablir la prospérité dans notre humble ville. »

Il inclina gracieusement la tête. Le chevalier sourit largement, montrant des rangées de dents blanches et parfaites. « Je suis très heureux d'avoir pu vous aider, ma dame. »

« Ma sœur et moi avons besoin de parler, messire Danhe. » Les interrompit l'autre homme. « Si cela ne vous dérange pas ? »

Le visage du chevalier se décomposa légèrement, mais il acquiesça néanmoins.

Alors qu'ils retournent vers le rivage, la frêle jeune femme jeta un coup d'œil à son compagnon et parla à voix basse. « Tu crois vraiment qu'on peut survivre à cette guerre ? » Demanda-t-elle, un soupçon d'inquiétude dans sa voix. « Je ne sais pas combien de temps nous pourrons encore endurer cela. J'ai l'impression que chaque instant est un combat, et plus vite nous mettrons fin à ce conflit, mieux ce sera. »

Son frère soupira et passa une main dans ses cheveux noirs. « Ils se rapprochent de plus en plus, cela en devient dangereux. C'est pourquoi j'ai été surpris quand j'ai appris que tu venais à Ringan. » Il marque une pause, puis poursuit : « Je n'ai aucune idée de ce qui va se passer, si les choses vont s'améliorer ou empirer. Mais pour l'instant, nous devons aller jusqu'au bout. » Sa voix se fait plus grave qu'elle ne l'était quelques instants auparavant. « Au moins, si ça devient trop difficile... » Il s'arrêta, inspira profondément et se redressa. « Au moins, nous aurons la satisfaction de savoir que nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour que tout le monde soit en sécurité. En attendant, je veux que tu me promettes quelque chose. »

Elle le regarda avec curiosité. « Oui? »

Il lui rendit son regard, ses yeux brillants de détermination, sa mâchoire fermement fixée. « Ne fais rien d'imprudent. Ne pars pas te mettre en danger pour sauver des gens. Quoi qu'il arrive, quelle que soit ta peur ou ta colère, souviens-toi de ceci : ta vie compte autant que celle des autres. Tu as déjà pris beaucoup de risques en venant ici pour nous protéger. S'il t'arrive quelque chose... eh bien, je pense que cela me tuerait. Mais si jamais, promets-moi de t'enfuir et de ne jamais te retourner. » Son ton était ferme, la suppliant d'accepter. Il avait parlé exactement comme leur père la même nuit où il avait découvert son talent, et le souvenir était saisissant, presque douloureux.

Elle s'éloigna de lui de quelques pas, détournant la tête comme si elle tentait de le fuir. Lorsqu'elle lui fit à nouveau face, elle se força à parler calmement. « Il n'y a pas d'autre solution. Laisse-moi essayer. Si je peux arrêter cette guerre, alors... »

« Mais si tu n'es pas capable de sauver le monde? » protesta-t-il rapidement. « As-tu seulement conscience des conséquences ? »

Elle n'a pas pu lui répondre. Au lieu de cela, elle se contenta de le regarder tristement. Ses yeux se rétrécirent, reflétant l'eau sous eux. Pendant plusieurs minutes, aucun des deux ne parla. Le bruit des vagues s'échouant sur la jetée en bois emplissait l'air, ponctué de temps à autre par une explosion provenant de quelque part au sud.

Enfin, sa sœur prit la parole. « J'aimerais savoir quoi te dire. » Il ouvrit la bouche pour répondre, mais elle se précipita. « Mais ce n'est pas le cas, alors n'essaie pas de me convaincre du contraire. Je ne veux plus me disputer. Laisse moi croire qu'il n'y a pas de rêve inutile. »

Elle tendit la main pour lui caresser l'épaule. Il se laissa toucher sans protester. Après plusieurs secondes de silence, il murmura : « Je t'aime. »

La jeune femme posa une main sur sa poitrine et appuya légèrement, essayant de lui faire comprendre qu'elle comprenait à quel point il devait être difficile pour lui de l'accepter.

« Ce n'est pas un jeu, Maven, il n'y a pas de prophétie ou de dieux qui veillent sur toi. Tu ne peux pas arrêter une guerre avec ton seul talent, aussi magique soit-il. » Il lui dit en lui serrant les épaules, l'air sérieux, mais doux. « Ce ne sont que des sottises et des contes pour enfants. »

« Si la déesse existe vraiment, si elle veille sur le royaume, alors elle est capable de faire la différence. Je sais qu'elle en est capable. » Malgré ses réticences, elle acquiesça et serra son frère dans ses bras avant de le relâcher.

« Il s'agit d'un conflit politique, pas d'une décision divine. »

« Il ne faut pas perdre espoir. » Elle lui sourit d'un air rassurant en prononçant ces mots. Ses paroles le firent froncer les sourcils.

« Aucune prière ne les ramènera. » Il répliqua d'un ton amer. « Elles ne peuvent pas le garantir. Ce qui est fait est fait. » Son sourire disparut complètement.

Il se détourna, son expression se durcissant. Elle plongea ses doigts dans ses poches pour attraper son collier. Elle serra le poing autour, voulant que la magie qu'il contenait réchauffe son cœur froid et soulage l'oppression de ses poumons, et souhaita ardemment la paix de son âme. La jeune femme secoua la tête avec force, déterminée à continuer à se battre malgré le désespoir qui l'accablait. Lentement mais prudemment, Maven tend une lettre à son frère. Scellée à la cire, elle portait l'insigne royal de la maison Rensselaer. L'écusson représentait un dragon enroulé autour d'une flamme, tandis qu'un grand soleil brillait derrière lui.

« Cela pourrait tout arrêter. » Elle chuchota, sentant son corps trembler d'émotion tandis qu'elle serrait le petit parchemin usé entre ses doigts. Il acquiesça sans mot dire et détourna le regard, refusant de croiser le sien. « Kylen... Je t'en prie. Je peux arrêter cette guerre. Je peux arrêter l'invasion. »

Ses mains se serrèrent en poings. « Comment ? » Chuchota-t-il. « Pourquoi insistes-tu sur le fait que tu peux mettre fin à la guerre ? Tu ne peux pas le faire seule. Tu te bats contre un royaume entier, pas contre une simple poignée de mercenaires ! » Il s'approcha d'elle d'un pas et tendit les mains pour saisir les siennes. « Regarde où cela nous a menés ! Regarde ce que cela nous a coûté ! Tout ce que nous avons récupéré, c'est un roi mort, un trône vide et une patrie brisée. » Il secoua lentement la tête. « Cela ne suffira pas à mettre fin à cette situation. »

Elle baissa les yeux pour fixer le papier qu'elle tenait dans sa main. « Je ne sais pas si tu t'en rends compte, Kylen, mais j'ai donné ma vie pour cela; pour le peuple de Ringan. Ils croient que la déesse existe et qu'un jour elle reviendra. Je le crois aussi, et je n'ai pas l'intention d'abandonner avant qu'elle ne revienne. »

« Ils ne le croiront qu'à son retour. » Il grogna, la regardant avec colère alors que des larmes commençaient à perler dans ses yeux. « Elle les a laissés dans le chaos, la peur et la confusion. Il est peu probable qu'ils acceptent un jour son retour. » Maven assiste, impuissante, à la frustration croissante du jeune homme à son égard. « Et puis, tu as déjà beaucoup trop donné. » Elle tressaille lorsqu'il parle durement. « Je ne sais pas combien de fois nous nous sommes battus au cours des années écoulée, ni combien de nuits tu as dormi par terre à côté de moi dans le froid, sans couverture. Combien de fois t'ai-je vu t'asseoir, bien réveillée, avec ce même regard inquiet et suppliant que tu portes toujours lorsque nous nous disputons ? Parfois, je ne te comprends pas. » Kylen prit une grande inspiration et la relâcha lourdement. « Nous avons tellement perdu au cours des trois dernières années. Même moi, je commence à douter de notre cause. Penses-tu que quelqu'un croit vraiment qu'une vieille légende comme celle-ci nous mènera à la victoire ? » Il s'arrêta pour jeter un coup d'œil vers l'horizon lointain, fixant pensivement la mer. Au bout d'une minute, sa voix s'adoucit, mais ne changea pas. « Si tu te donnes, que se passera-t-il ensuite ? Est-ce vraiment ce que tu veux ? Es-tu prête à gâcher ta vie comme ça ? Mourir juste pour une histoire et un dieu que tu n'as jamais rencontré ? »

« J'ai déjà accepté mon destin. Je ne peux rien faire d'autre que de prendre ce que la déesse considère comme mien. Je suivrai son chemin s'il me mène à la liberté. Je me sacrifie volontiers pour aider à gagner cette guerre et mettre fin à ses souffrances. »

Les mots quittèrent sa bouche avant qu'elle ne réalise pleinement qu'ils s'étaient échappés de ses lèvres. Elle observa le choc qui traversa son visage avant de se transformer en une expression de pure colère.

« Va au diable ! » cria-t-il furieusement en lui attrapant brutalement le bras. « J'en ai assez, Maven ! Fatigué d'avoir à me demander à chaque instant si tu vivras ou non un jour de plus ! Pourquoi t'obstines-tu à te pousser si loin, à prendre tant de risques pour un mensonge ? Tu as tout donné ! Tout ! » Elle ne répondit rien. Maven se contenta de le regarder en silence, les yeux pleins de larmes. « Pourquoi ne vois-tu pas ça ?! »

Elle n'a pas répondu. La jeune femme se contenta de le fixer, essayant désespérément de cacher l'agonie dans ses yeux alors qu'elle le suppliait silencieusement de comprendre. Finalement, Maven ne put supporter le silence plus longtemps. Les doigts tremblants, elle tendit la main pour saisir la sienne, la serrant pour la réconforter alors que des larmes coulaient sur ses joues.

« J'ai toujours été différente et tu le sais, Kylen. » Elle chuchota. « J'ai toujours pensé que mes capacités me rendaient indésirable, peu aimable. C'est pourquoi j'ai essayé si fort de m'échapper de chez nous, de m'enfuir, de tout laisser derrière moi. Mais j'ai compris que j'avais tort. J'ai trouvé l'amour, j'ai des gens à protéger et je suis prête à risquer n'importe quoi pour les garder en sécurité. » Ses yeux rencontrèrent les siens avec sérieux, comme si elle le suppliait de ne pas discuter. « Tout ce que je demande, » ajouta-t-elle doucement, « c'est que tu n'essaies pas de m'obliger à rester ici. Promets-moi simplement de ne pas essayer de m'en empêcher. »

Il hésite brièvement, comme s'il se demandait s'il devait céder à sa demande ou s'y opposer davantage, mais il finit par céder, lâchant sa main.

« L'amour ? » Il marmonne au bout d'un moment. « Tu aimes quelqu'un ? » Elle acquiesça, essuyant les larmes sur sa joue. « Qui ? » Une autre pause. « Depuis combien de temps connais-tu cette personne ? » Devant le silence de Maven, son frère soupira. « Que s'est-il passé entre vous deux ? S'agissait-il d'un mariage arrangé ? Des fiançailles ? » Il secoua la tête, la regardant attentivement. « Ou s'est-il passé quelque chose d'autre ? Quelqu'un d'autre... »

Il s'arrêta soudain, se rendant compte de la façon dont il parlait. Il se racla rapidement la gorge et continua, évitant de la regarder. « Qui que ce soit, j'espère que tu es heureuse. » Sa voix était tendue et ses mains se crispent sur ses flancs. Il recula d'un pas, se détournant légèrement d'elle, les épaules tendues. Son regard se baissa pour fixer ses pieds. Il resta ainsi pendant plusieurs secondes avant de la regarder à nouveau à travers ses cils. « Je ne peux rien dire qui puisse te décourager de te sacrifier, n'est-ce pas ? » demanda-t-il, plein d'espoir, le ton dégoulinant d'un faux optimisme. Mais lorsqu'elle ne répondit pas, la déception et la culpabilité qui se lisaient sur ses traits se transformèrent rapidement en frustration et en colère. « Bon sang, Maven. Pourquoi t'infliges-tu cela ?! »

Maven ne répondit pas, elle se tourna vers l'océan où les vagues s'écrasaient contre le rivage à leur rythme chaotique habituel, s'éclaboussaient les unes les autres tandis que le vent soufflait en rafales autour d'elles. Le ciel était rempli de couleurs brillantes et la lune, suspendue au-dessus de l'eau, projetait des ombres sombres tout le long du rivage. L'océan s'étendait sur des kilomètres à l'infini, parsemé de petites vagues blanches, tandis que le ciel nocturne s'assombrissait lentement, les nuages s'amoncellent au-dessus de la tête et menacent de pleuvoir. Le soleil se couchait à l'horizon, baignant tout dans l'obscurité, et semblait presque sinistre comparé au calme de la soirée. Maven fronça les sourcils et secoua la tête.

« Il va y avoir de l'orage. » Son frère dit simplement, en remarquant la façon dont elle tenait ses bras près de son corps et la façon dont ses cheveux étaient ébouriffés. « Je ferais peut-être mieux de... » Avant qu'il n'ait pu terminer sa phrase, des éclairs traversèrent le ciel nocturne avant que le tonnerre ne gronde dans le ciel, étouffant toute protestation potentielle.

Elle fut surprise par l'intensité de l'orage. Maven regarda avec stupéfaction quelques éclairs passer au-dessus de sa tête et frapper l'eau près de la plage. Les vagues montaient de plus en plus haut lorsqu'elles atteignaient le sable, projetant des embruns lorsqu'elles se heurtaient aux rochers. Une imposante vague s'écrasa sur le rivage, emportant avec elle des morceaux de bois flotté et des algues.

Kylen l'attrapa par les épaules, la rapprocha de lui et l'entoura de ses bras. Il la serra fort, enfouissant son visage dans son cou. Maven ne lutta pas contre son étreinte. Elle ferma les yeux et se laissa aller à la détente. Alors que le tonnerre grondait au-dessus de sa tête, elle sentit les battements de son cœur ralentir et sa respiration redevenir régulière. Au bout de quelques minutes, son frère lâcha prise, l'air embarrassé.

« Je suis désolé, je... » commença-t-il maladroitement.

Elle secoua la tête, souriant légèrement. « Ce n'est pas grave. »

« Je sais qu'il est tard et que tu as sûrement des choses à faire, mais... » hésita-t-il.

« Tu devrais dormir un peu. » Elle l'interrompit, faisant un pas en avant et posant une main sur sa joue.

« Toi aussi, tu devrais te reposer. Tu as voyagé sans relâche pendant quelques jours, et tu as besoin de te reposer. Et je resterai avec toi, je ne laisserai rien t'arriver. »

Ils restèrent là, silencieux, sans échanger un mot pendant plusieurs instants avant de commencer à marcher vers la maison. Leurs pas résonnaient dans la rue déserte, presque trop fort pour le calme de la mer. Quelques chats errants s'enfuirent, effrayés par leur approche. Alors que le vent se lève et que les nuages s'assombrissent, la jeune femme frissonne involontairement. Son frère s'arrêta et la regarda avec inquiétude.

« Tu vas bien ? Tu as l'air fatiguée. »

« Ce n'est rien. » Maven le rassura. « C'est juste la pluie. »

Elle jeta un coup d'œil à son frère, qui regardait devant lui sans croiser son regard. Son visage était pâle sous son bronzage, faisant ressortir ses taches de rousseur. Les muscles de sa mâchoire étaient contractés et il arborait une expression soucieuse.