Tao Min
Une immense porte me fait face et à en juger par sa couleur, elle semble faite de bronze. Deux mains y sont gravées. Cette gravure me rappelle l’un des tableaux de la création. Je n’ai pas le temps de la détailler qu’elle s’ouvre. Un halo de lumière m’aveugle, je passe une main devant mes yeux pour mieux y voir et trois silhouettes se dessinent. Sans aucune maîtrise sur mon corps, j’avance. Quand l’une d’elle m’interpelle. Trait pour trait, l’un de ces trois personnages ressemble à ce marginal, il tend sa main à un autre homme. Non, je n’y crois pas.
— Papa, prononcée-je à demi-voix. C’est toi ?
Tao Min me regarde et me sourit jusqu’aux oreilles.
— Fille du vent, il est temps !
Ensuite, il prend la poigne de cet homme et la serre chaleureusement. Cette scène est accompagnée par les applaudissements du troisième individu dont le visage m’est inconnu.
— Parfait ! À présent, nous allons pouvoir signer le traité d’Ambers ! conclut cet homme.
Ambers ? Quel étrange nom. Puis en regardant ces deux hommes, un souvenir me revient alors. Or, avant d’en avoir pleinement conscience. Tao Min me regarde et d’un ton vif, il m’ordonne :
— Fais ton devoir, Bao. Et emporte-les avec toi !
Je ne comprends pas ce qu’il veut me dire. J’incline la tête et entre mes mains, une dague en cristal d’Héliophasite est apparue. Sans avoir le contrôle de mon corps, je m’élance vers mon paternel et d’un geste sec, j'enfonce l'arme dans son abdomen et mon père s’effondre contre mon épaule :
— Maintenant, tu sais tout… mais il va te falloir beaucoup plus de courage ! Va, Fille du V... murmure-t-il dans un dernier souffle avant de s’écroule contre le sol.
La dague a disparu, sur mes doigts un liquide bleu et visqueux dégouline. Cet homme n’est pas mon père ! Malgré moi, je me mets à crier comme si je l’avais perdu une seconde fois.
— Bienvenue dans notre monde, Bao Min ! déclare le troisième personnage en applaudissant.
Son regard est hors du commun et sa peau change soudain jusqu’à devenir translucide. Enfin, au niveau de sa tête, j’aperçois un cristal scintiller. La peur au ventre, je me mets à courir à grandes enjambées, comme si ma vie en dépendait, une baie vitrée s’impose, mais en cet instant, je me sens si forte que je m’élance au travers. Le carreau se brise en mille. Durant de ma chute, la vue est incroyable ! On se croirait dans l’espace. Mon ventre se soulève. Plus bas, le monde s’étend à perte de vue.
Avant de m’écraser face contre terre, je reviens à moi et me redresse en hurlant.
— Mon Dieu, quel horrible cauchemar, dis-je d’une voix faible et saccadée en regardant autour de moi.
Je décrispe mes doigts du drap pour m’essuyer le visage. Panoplies
— Mais où suis-je encore tombée ?!
Un flash me le rappelle. Je me suis évanouie dans le garage de monsieur Jong. J’émerge lentement de mon sommeil. Tout prenant note de l'étrange songe en rapprochant mon poignet de ma bouche.
— Opérateur. Prend note.
En prenant la parole, je remarque que cette pièce ne ressemble en rien aux appartements que j’ai l’habitude de voir. J’observe les lieux, c’est plutôt petit et l’odeur laisse à désirer. Je poursuis la dictée du rêve, tout en prenant soin de ne pas oublier de détails.
— Opérateur. Terminée.
Dès que je rentre. Je l’enverrais à un spécialiste de l’onirisme. Mais l’urgence du moment est de savoir qui sont mes agresseurs et, pourquoi il visait. Après tout, je n’étais pas seul dans le taxi, peut-être qu’il en voulait à monsieur Jong. Et d’ailleurs, s’il faut je fais partie d’une manipulation à grande échelle. Va savoir. J’ai beaucoup d’ennemis. C’est indéniable ! Puis un élément me revient. Les derniers mots de mon père. "Plus de courage !" Que voulait-il dire par là.
Ce songe est unique et ne ressemble en rien, à un rêve. Et qu’est-ce que ce traité d’Ambers. Il me semble pourtant connaitre le nom, mais je ne me rappelle plus où. Il va falloir que je fasse une recherche approfondie sur cela. Enfin, je décrispe ma main droite et je pose mes talons au sol. C’est bien. Monsieur Jong n’a pas abusé de moi. Finalement, je peux peut-être lui faire confiance. En même ai-je vraiment le choix ?
Je me lève, fais quelques pas en esquivant les détritus et autres vêtements sales lorsque soudain, un écran de TV s’allume et me fait tressaillir.
Je déteste regarder les écrans. Ensuite, je me dirige vers la cuisine, si on peut appeler ce lieu une cuisine. J'ai soif. Je fais couler l’eau. Elle est jaunâtre. Je grimace. Un « dégueu » sort de ma bouche. Mais, j'ai vraiment, vraiment trop soif. Je la laisse couler encore, mais elle demeure ocre. J'essaye de renoncer ne me dites pas que je vais devoir la boire. Allez, je me lance, je suis à deux doigts de dégobiller. J’entends soudain, le radiateur du frigo s’enclencher. Sauvée par le gong.
Quelque instant après, je vois le frigo. Je l'ouvre, c'est vide. Enfin presque car il n'y a que des bières, très peu pour moi. Mince, quelle conne je suis ! Je ne l’avais même pas vue. En même temps, pour moi, cette chose ne ressemble en rien à un frigo si ce n'est à une armoire de métal.
Je sais, c’est une excuse de bourgeoise. Qu'importe ! À croire que nous ne vivons pas à la même époque. Quand, je vois la crasse sur l’évier, je me mets à angoisser. L’idée de tomber malade commence à me faire peur. Puis, je repense à mon retard et ma colère balaye d'un revers cette émotion en même temps que je ferme la porte. Un mot est accroché dessus.
C’est Ja Jong, je reviens vite. Faites comme chez vous
Facile à dire, murmuré-je. Cela dit, je reste agréablement surprise par cette manière d’accueillir ces invités. Pas d’hôte, rien. Je suis seule et l'eau est crade. Franchement, cet homme doit être fou ou peut-être qu’il n’a rien à perdre. Cela, me fait penser que nous sommes bien moins aimables nous autres notables, que le reste de la population. En observant les affaires ainsi qu'une panoplie d'objets inconnus et qui sentent fort le cambouis, j'en déduis qu'il doit être célibataire depuis longtemps.
Une envie soudaine me prend de faire le ménage, mais à la place, je me dirige vers la sortie, avec des questionnements sur le pourquoi de cette agression. Je regarde mon cyber passe. 11h 30.
Agacée, je me tourne la poignée, quand elle s’ouvre brutalement. Je tombe à la renverse pour éviter de me la prendre en pleine face. Je gémis de douleur, mes fesses même si elles sont plates ne méritent pas un tel châtiment. Je relève la tête et vois monsieur Jong. Il tient dans ses mains deux gobelets comme ceux que l’on trouve dans les fastfoods. Il les pose sur une commode près de l’entrée et s’approche de moi.
— Navré, je ne voulais pas vous effrayer, dit-il en me tendant la main.
Je refuse son aide et me relève et d’un ton sec, je lui réponds.
— Je suis certes délicate, mais pas faible à ce point. Je sais me redresser seule, je suis une Min, non une Qiù dont les filles terminent souvent enrôlées dans la mafia et j’en passe.
À cet instant, Ja me regarde, d’un air désolé.
— Pourquoi, me regarder de la sorte ?
Puis il fixe la TV et prend un café à en juger par son odeur, il trempe les lèvres dessus et l’aspire comme de la soupe. Il me fait sourire. De nouveau, je repense aux motards. Qui étaient-ils ? Il avait l’air d’être machine, étrange. Je sors de mes pensées. J’aperçois que Ja observe toujours les infos. J’hésite à lui demander des explications, se pourrait-il qu’il soit lui aussi impliqué. Je vais le tester pour voir.
— Vous êtes toujours à l’affut des écrans ! Perso, j’ai arrêté de les regarder depuis un moment. Disons que je n’ai pas de temps à perdre pour cela, conclus-je en ricanant.
— À votre place, je ne rigolerais pas trop, lance-t-il sans détourner ses yeux de l'écran.
Je souffle et me tourne. Je manque presque de sombrer de nouveau dans les pommes quand je me vois mon visage affiché à l’écran et c’est pire encore quand je lis le titre du journal. Je m’assois sur le bord du lit. Je me soutiens la tête. Désemparée par la situation. Soudain, j’entends monsieur cracher son café.
Je jette un regard sur l’information et ce qui est affiché me sidère. Tandis qu'une angoisse me prend par les tripes, Ja ouvre le frigo revient avec une bière et affirme avec sérieux :
— Je vais tout arranger. Tenez !
Je la saisis et la bois cul sec.
Du plat de la main, je nettoie la mousse qui a coulé :
— J’espère bien. Parce que vous êtes censé être mon assassin.
Cette info efface tous mes doutes et on passe un moment dans l’appartement pour trouver une solution. Ce n’est qu’un fois qu’on se soit mis d’accord que l’on finit par sortir. Direction, les bas-fonds de Calandra. Ce type de quartier que m’on père n’a pas su faire monter dans la classe sociale. La porte se referme et cette fois-ci, nous descendons par un ascenseur jusqu’au niveau zéro.
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