Chapitre 4 - Promenade et repas chaud (1/2)
En chemin, Aelis et Glenn parlèrent avant tout de la vie de la jeune fille. Il se montrait curieux à son sujet, ne connaissant rien des autres planètes où une vie avait pris forme. Visiblement, l'adolescente et le premier héros n'étaient pas issus du même monde et lorsqu'elle lui avoua que jamais elle n'aurait pensé que des hommes puissent être apparus ailleurs que sur Terre, il lui répondit de façon évasive :
- Des hommes ? Non... Il semblerait plutôt que Sérasia soit une sorte de monde carrefour. Plusieurs espèces dominantes y résident et vivent ensemble, de façon plus ou moins cordiale. D'après de vieilles croyances, toutes les populations présentes au sein de ces terres auraient aussi, quelque part, parmi les étoiles, une planète où des membres d'une seule et même espèce résideraient. Visiblement, toi, tu es issue de celle des hommes...
L'ermite sembla alors se murer dans le silence, mais Aelis ne comptait pas en rester là.
- La planète des hommes. Oui, la Terre... Si je comprends bien, il y a plusieurs espèces sur ce que vous appelez Sérasia, c'est ça ?
- Oui.
- Et chaque forme de vie présente ici possèderait sa propre planète ?
- Exact, tu as tout compris. Ainsi, les arbres de vie peuvent relier des corps de différentes espèces.
- Mais de quelles formes de vie parlez-vous ? Je ne vois pas ce que vous sous-entendez quand vous parlez d'espèces dominantes.
- Eh bien, toute forme de vie qui possède une intelligence suffisante pour former des groupes, créer des choses, avoir une notion de territoire ou encore écrire, est considérée comme dominante. Sur Sérasia, le monde originel, tu seras sûrement amenée à rencontrer des lutins, des elfes, des géants, des nains... Et tant d'autres. Toutefois, la répartition de ces groupes n'est pas uniforme, certains sont très minoritaires, voire en voie d'extinction...
Aelis ouvrit de grands yeux ronds. Elle avait l'impression d'être rentrée comme par magie dans l'univers d'un livre contant l'histoire d'une princesse qu'il fallait sauver des dragons. Quel était ce monde où elle venait d'atterrir ? L'adolescente essaya de ne pas montrer qu'elle prenait le vieux Glenn pour un fou. Elle demanda du ton le plus neutre possible :
- Et... Euh... Du coup... Le héros, là. Il venait de quelle planète si c'était pas la Terre ?
- Ah ! répondit l'ermite d'un air concentré. Il venait de la planète Herum, celle des selkies.
- Des quoi ?
- Des selkies. Ce sont des êtres semblables aux hommes mais qui ont des caractéristiques animales. Des personnes très vives et assez sauvages devrais-je dire. Bien que leur peuple fasse partie de ceux qui sont assez minoritaires maintenant...
La jeune fille tenta de s'imaginer à quoi pourraient ressembler ces selkies mais ne parvint qu'à avoir une image mentale de loup-garou ou de centaure. Ce peuple était assez curieux pour elle qui n'en avait jamais entendu parler. Le soleil s'était levé haut dans le ciel. Les deux compagnons pouvaient le voir rayonner au-dessus de la voûte feuillue de la forêt. La plupart du temps, Castanha s'amusait à passer d'une épaule à l'autre de son maître. Aelis le trouvait mignon à se déplacer ainsi à une vitesse folle. De plus, il s'avérait être un animal très intelligent car, dès qu'il sentait ou voyait un quelconque danger planer sur son maître, il descendait et courait jusqu'au lieu de ses craintes avant de bondir en criant de sa petite voix. La plupart du temps, il ne signalait que des trous ou des pierres bancales mais il lui arriva de ramener une touffe de poils rêches. Des sangliers avaient dû passer par là. Glenn s'amusait des excès sentimentaux de son animal de compagnie et il le remerciait à chaque fois avant de le rassurer d'une caresse. Il vantait même ses mérites car apparemment, le petit rongeur lui avait sauvé plusieurs fois la mise.
- Un jour, je suis tombé dans une crevasse alors que je cherchais des mûres dans les buissons pour en faire de la confiture. On ne dirait pas comme ça, mais cette forêt s'avère parfois traître, même pour quelqu'un comme moi qui y vit depuis des années. Heureusement pour ma vie, Castanha est allé chercher de l'aide, profitant du fait que mon ami l'aubergiste vienne me voir une fois par mois et que cet accident tomba la veille de sa visite. Ce petit fûté l'aurait trouvé avant même qu'il ne pénètre dans la forêt pour le mener jusqu'à moi et me faire sortir de là.
- Votre ami l'aubergiste ? Il y a donc un village non loin ?
- Je ne sais pas vraiment si l'on peut appeler cela un village... Ce lieu, qui fait face à la forêt de la vie, est désormais majoritairement occupé par des gens malveillants. Ce sont en réalité les ruines de l'ancien royaume de Sérasia. Quelques villageois y sont restés pourtant, trop attachés à cet endroit historique ou vivant dans l'espoir de revoir un jour ces lieux prospérer...
Glenn, à la suite de ses propos, sembla se plonger dans de tristes pensées. Il continuait de marcher, les yeux rivés sur le sol, l'air triste. Aelis n'osa le presser d'autres questions et attendit, se demandant dans quel monde chaotique elle avait bien pu atterrir, elle que l'ermite avait définie comme étant la réincarnation d'un ancien héros. Au bout d'un moment, le vieillard à la longue barbe reprit :
- Toujours est-il que ce qu'il reste de Sérasia se trouve à trois jours de marche d'ici... Cette forêt est immense et s'est grandement développée depuis la chute du royaume. Les lieux ont été considérés comme maudits après le grand massacre et personne n'osa retourner y vivre à la fin de la guerre. Ceux qui demeurent actuellement au sein de ces ruines sont ceux qui vinrent là après l'apparition du premier héros réincarné.
- Qui sont les gens que vous considérez comme malveillants ? demanda Aelis, curieuse d'en savoir plus.
- Eh bien vois-tu, le mal ne s'incarne pas dans une seule espèce et il se trouve que les espions à la solde de Scur, le destructeur du royaume, sont particulièrement présents à Sérasia... Personne n'y est vraiment en sécurité...
"Le destructeur du royaume" ? Glenn en parlait comme s'il était encore vivant alors que cela faisait apparemment plusieurs siècles que la grande bataille avait eu lieu. Tout cela était étrange. Aelis avait du mal à tout comprendre, ses méconnaissances quant au monde dans lequel elle venait d'atterrir ne lui permettaient pas de faire les liens logiques entre les évènements. Les sourcils froncés, elle s'apprêtait à en demander plus lorsque l'ermite s'exclama, un sourire sur son visage aux pommettes rouges :
- Eh bien nous y voilà, voici ma chère demeure !
Aelis releva la tête et aperçut, au milieu des arbres épars, une vieille cabane de bois. Elle semblait très petite et la jeune fille se demanda comment l'on pouvait bien passer plusieurs années de sa vie cloîtré dans un lieu pareil. De plus, le lichen qui recouvrait les planches de bois ne donnait pas vraiment envie d'y pénétrer, donnant l'impression d'un manque d'entretien évident. Au fur et à mesure qu'ils approchaient, des détails continuaient d'apparaître. La maison de l'ermite se trouvait à l'orée d'une clairière de large superficie. Ce lieu était très lumineux et les rayons en profitaient pour s'engouffrer allègrement au sein de la forêt. Lorsqu'ils ne furent plus qu'à quelques mètres, l'adolescente put entrevoir, dans l'espace déforesté, un potager bordé d'une haie fruitière. Elle en déduisit que le vieil homme devait être assez indépendant en ce qui concernait la nourriture. Surtout qu'elle entendit, sans les voir, les gloussements de poules et autres volatiles de ferme.
Jouant le majordome, Glenn se précipita sur le perron de la porte. Il ouvrit cette dernière, ne faisant pas cas du long grincement qu'elle produisit. Elle n'était pas fermée à clef et aucune serrure ne se laissait entrevoir. D'un geste d'une galanterie exagérée, il invita la nouvelle venue à rentrer :
- Après vous mademoiselle !
Aelis sourit, cet ermite semblait déborder d'une joie qu'elle ne savait expliquer mais cela lui changeait les idées et l'empêchait d'avoir de sombres pensées. Suivant les pas du petit écureuil qui sautillait de plus belle à l'idée de rentrer chez lui, l'adolescente pénétra dans la cahute. Son ventre criait famine.
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