Chapitre 7 - L'échappée (2/2)
Perdue, l'adolescente se mit à pleurer. Elle devait laisser ici son dernier guide. Pour la réconforter, le cerf vint poser sa tête contre son abdomen et se laissa caresser un moment. Puis, il la repoussa gentiment, lui faisant comprendre qu'il était temps qu'elle s'en aille. Alors que le gardien de la forêt de la vie commençait à reculer, Aelis appela Castanha :
- Allez, viens Castanha, il faut y aller...
Mais l'écureuil ne bougea pas. La jeune fille ne comprit pas tout de suite et insista à plusieurs reprises avant de se faire une raison. L'animal de compagnie de Glenn n'avait aucune intention de la suivre. Longuement, elle regarda ses deux amis, refusant d'admettre la réalité. Elle ne pouvait accepter de se retrouver une nouvelle fois complètement seule. Ce monde n'était pas le sien, il lui fallait un guide ! Harassée par la fatigue accumulée et le chagrin, ses pieds se dérobèrent et elle se mit à pleurer. Pathétique... pensa t-elle. Elle était censée être le héros qui aiderait Sérasia à se débarasser de l'ombre de Scur. Il était clair que l'arbre de vie dont elle était sortie devait être issu d'une graine défectueuse. Même les grands magiciens devaient bien commettre des erreurs... Ne pouvant supporter de voir Aelis désemparée, Castanha vint la réconforter. Quelques précieuses minutes s'écoulèrent avant qu'elle ne se calme.
- Alors, on doit vraiment se séparer ? demanda la jeune fille qui commençait à se faire une raison.
L'écureuil, d'un signe de tête, confirma ses pensées. L'adolescente ne dit plus rien. Au fond, elle comprenait. Il restait un espoir que Glenn soit encore vivant. Le petit rongeur ne pouvait abandonner son ami le plus proche. De plus, il était probable que sa vie soit bien moins menacée s'il restait dans cette forêt... Résignée, Aelis enlaça une dernière fois Castanha qui semblait tout aussi malheureux qu'elle de cette séparation.
- Fais attention à toi, lui dit-elle.
Elle n'osait parler de l'ermite, n'étant sûre de rien à son sujet. L'écureuil lui rendit son étreinte avant de repartir agilement dans les ramures de Cèrvi. La jeune humaine se leva et s'adressa une dernière fois à eux :
- Adieu, j'espère que nous nous reverrons... Merci pour tout les amis.
Et, sur ces paroles, le gardien de la forêt ainsi que son passager se retournèrent et prirent le chemin du retour au petit trot. Aelis les regarda jusqu'à ce que leur silhouette ne finisse par être cachée derrière les arbres. Il était temps qu'elle s'en aille elle aussi...
Ne se permettant pas de prendre davantage de retard, l'adolescente suivit le chemin sans s'octroyer de pause. Tout semblait paisible, les oiseaux entonnaient toujours leur étrange mélodie tandis que les arbres demeuraient aussi espacés que de coutume, laissant passer la lumière du jour à foison. Le ciel était d'un bleu clair et la température très agréable. Seule une légère brise venait rafraîchir Aelis de temps à autres. Ayant perdu toute notion de temps depuis plusieurs jours déjà, l'adolescente estima avoir marché approximativement deux heures lorsqu'elle parvint enfin à l'orée de la forêt. Elle y resta un moment, à épier ce qui pouvait bien se passer au dehors mais rien ne semblait bouger. Seule une grande route pavée par des blocs de pierres énormes traversait son champ de vision. Chassée comme elle l'était, elle ne pourrait se permettre de sortir du couvert des arbres comme cela. Elle s'éloigna même du sentier pour s'installer à l'abri d'un petit fourré qui lui permettrait de voir la route tout en grignotant.
Durant sa pause déjeuner, Aelis ne quittait pas les pavés du regard. Il était possible que des éclaireurs y soient postés, même s'ils ne s'attendaient pas vraiment à ce qu'elle sorte si tôt de la forêt de la vie. Quelques heures supplémentaires s'écoulèrent, paisibles. Ne pouvant demeurer là indéfiniment, la jeune fille décida de repartir. Elle réfléchit un instant quant à la direction prendre mais, là non plus, elle ne se souvenait pas avoir reçu une quelconque information de la part de Glenn. Tout ce qu'elle savait, c'était que son ami l'aubergiste devait la retrouver non loin de Sérasia... Si Cèrvi l'avait menée sur ce sentier, il était probable qu'Elric Pintassèra ne passe par là à un moment donné. Du moins, elle l'espérait. Alors qu'elle tergiversait ainsi, un tintement parvint aux oreilles d'Aelis. Comme... le son lointain d'une cloche !
D'après ce qu'elle avait pu comprendre, les alentours de Sérasia avaient été fuis par les populations, seuls quelques habitants y étaient retournés après la venue du premier héros. Il était donc fort probable que les vestiges du royaume qu'elle recherchait ne se trouvent dans la direction des bruits qu'elle entendait. Avant qu'ils ne cessent, l'adolescente se remit en route. Il ne lui restait plus qu'à suivre, de loin, le chemin pavé.
Il fallait avouer que les chaussures qu'elle portait n'étaient pas de première qualité et les longues heures de marche qui s'ensuivirent finirent par lui causer des douleurs aux pieds. Afin de pallier à ce problème, elle s'accorda de nombreuses pauses, il n'y avait pas un chat à l'horizon et, elle avait beau avancer, aucune bâtisse, même en ruine, ne se laissait entrevoir. C'était assez désespérant et ce fut ainsi que passa l'après-midi. Par deux fois, l'adolescente dut se cacher en entendant un étrange cri approcher, mais elle ne vit rien sur la route. Ce bruit ne semblait pas à appartenir à un bayard, du peu qu'elle en connaissait, mais il n'était pas vraiment rassurant non plus.
Ce n'est qu'au moment où le soleil commençait à disparaître que la route s'anima. L'adolescente se terra davantage dans la forêt lorsque le son d'une corne de brume retentit au loin. Il fut aussitôt suivi d'un hurlement qu'Aelis crut reconnaître. Un bayard. Ses poursuivants, ou du moins certains d'entre eux rentraient à Sérasia. Peu de temps après le signal, elle vit passer deux de ces animaux effrayants, montés par des personnes aux aspects très différents. L'un, était minuscule comparé à l'autre. Certainement un nain... pensa la jeune fille qui se souvenait des dires de Glenn au sujet de la mixité des races. Cette vision fugace l'effraya grandement et elle n'osa avancer davantage, de peur de se faire repérer. Avant que la nuit ne tombe complètement, l'adolescente s'empressa tout de même de trouver une cachette. Elle s'installa finalement à l'abri de deux grosses pierres qui se chevauchaient. De là, si elle sortait sa tête, elle pouvait apercevoir une bonne partie de la route.
L'astre diurne avait emporté avec lui toute la chaleur de l'après-midi, Aelis frissonnait. La peur qui lui rongeait les entrailles l'empêchait de dormir. Cependant, l'épuisement des derniers jours finit par la faire somnoler. Sa vigilance baissa quelque peu car aucun bruit suspect ne faisait surface. Tout était calme et silencieux... Doucement, la jeune fille glissa dans un sommeil léger.
Cataclop, cataclop... Non, pas déjà... Cataclop, cataclop... La fuyarde ouvrit enfin un œil. Cataclop, cataclop... Quelqu'un, ou quelque chose, approchait lentement. Aelis s'étira afin de mieux voir la route. Une lueur se déplaçait non loin et allait bientôt passer devant sa cachette. Elle finit par apercevoir une paire de poneys, attelés à une charrette. Derrière, un homme d'assez petite taille, recouvert d'une cape, balançait une perche d'un côté à l'autre de l'axe pavé. Il était debout et son corps accompagnait chacun de ses mouvements. Il semblait chercher quelque chose. Ou quelqu'un... pensa l'adolescente. Elle trouvait qu'il n'avait rien à voir avec ceux qui la traquaient, cependant, elle ne pouvait être certaine que cette personne ne soit pas de leur côté. Elle se demandait vraiment si ce voyageur n'était pas Elric, l'ami de Glenn, mais comment en être certaine ? Son cerveau chauffait, tant elle réfléchissait, essayant de trouver une solution avant que l'inconnu ne passe devant son abri. Enfin, elle eut une idée. Elle n'était pas sûre que cela réussisse mais c'était la seule chose qu'elle avait trouvé.
Aelis s'empressa de se retirer de sa cachette, de fouiller dans son sac et d'en retirer... le pot de confiture aux mûres. Elle s'approcha alors de la lisière, ne pouvant empêcher quelques branches de craquer. Le conducteur de la charrette ne s'en avisa pas, certainement perturbé par le bruit de sabots de ses bêtes. Alors que la lueur approchait peu à peu, la jeune fille se prostra sur le bord du chemin et d'un geste vif, fit rouler la conserve. Le pavage de la route perturba quelque peu son avancée et elle finit par s'arrêter au milieu de la route. Zut ! jura t-elle intérieurement. Elle aurait préféré que le pot atteigne l'autre côté de l'allée, histoire de brouiller les pistes en cas de besoin. Tant pis. Par prudence, elle rejoignit sa cache et épia les faits et gestes du nouvel arrivant.
Ce dernier avançait toujours à faible allure, balançant sa perche lumineuse. Il passa devant le pot. Sur le moment, il ne sembla pas le voir, continuant son chemin. Puis, alors qu'Aelis soupirait de désespoir, le petit homme déposa sa lanterne derrière lui, s'assit et tira sur les rênes des poneys. Enfin, il s'arrêta. La jeune fille n'osait plus respirer lorsqu'elle le vit descendre pour revenir un peu en arrière. Elle fut d'ailleurs déçue de constater que l'inconnu était caché derrière sa carriole. Elle ne pourrait pas appréhender ses réactions... Au bout d'un moment, il finit par revenir d'un pas lent et assuré. Il grimpa de nouveau à sa place, agrippa sa lanterne et balaya les alentours à la recherche de quelque chose. Ne voyant rien de plus, il finit par ouvrir la bouche.
- Lutz ? Lutz, tu es là ? dit-il doucement.
Lutz... Le mot salvateur. Sans réfléchir plus longtemps, Aelis sortit enfin de sa cachette.
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