Le Réseau 2 : Avis de recherche
Le Prince Slau Wayward éprouvait une fureur difficile à contenir. Il devait se rendre à l'évidence : ses attaques contre Matéo n'avaient pas donné les résultats escomptés. Bien au contraire, elles s'étaient retournées contre lui en renforçant les liens existant entre Matéo, Gilbraltar et Max. Il dut reconnaître que le jeune homme avait du caractère, à son grand dam. Jamais aucun humain ne lui avait résisté et encore moins remporté une victoire sur lui. S'il avait cette puissance à dix-sept ans, qu'en serait-il à vingt-cinq ? Matéo devenait de plus en plus dangereux. Il l'avait humilié devant les autres messagers, ce qui le rendait insupportable.
Slau prit une décision : puisqu'il ne parvenait pas à le corrompre, il devait l'éliminer. En effet, ses pouvoirs avaient baissé et ne lui pemettait plus de localiser Matéo et toute sa bande, ce qui lui imposait de recourir aux méthodes utilisées par les hommes comme les enquêtes ou la surveillance par les drones. Et le pire de tout, il était prisonnier depuis trois cents ans de cet habitat de chair avec ses faiblesses et ses limites, ne pouvant plus reprendre son corps messager fait d'énergie pure. En conséquence, son corps de chair commençait à subir les ravages du temps et sa jeunesse à se flétrir de façon tangible.
Toutes ces humiliations ! La faute en incombait à ce messager arrogant et stupide qui refusait de reconnaître sa valeur, celui-là même qui protégeait Matéo. Il conçut le plan de rallier tous les humains sous sa bannière. Ceux-ci éprouvaient une certaine crainte naturelle des messagers, ce qui pourrait être détourné à son profit. En effet, tous étaient corrompus et facilement manipulables.
Il convoqua Judicaret au poste de commandement ainsi que les généraux à la tête de l'une des quatre colonnes.
— Messieurs, je veux un rapport sur la mobilisation des quarante mille hommes que je vous avais demandée.
— Nous en sommes à la moitié pour la première colonne, répondit Judicaret. La ville n'est pas suffisamment peuplée pour trouver les contingents restant.
— Vous lancerez la mobilisation dans les villages de la jungle, vous y prélèverez un dixième des hommes de vingt à trente ans. Vous mobiliserez également les jeunes de l'aristocratie : ils seront vos officiers et commanderont chacun une centurie. Judicaret, il me faut une colonne complète de dix mille hommes dès que possible afin de commencer la conquête des territoires du nord. Quand pensez-vous être prêt ?
— Il me faut quinze jours pour la mobilisation générale et trois mois pour former les nouvelles recrues. La fabrication des armes, des matériels de transports et de siège a démarré.
— Parfait Amiral ! Vous avez à votre disposition les gardes noirs qui connaissent bien la jungle et les villages éloignés. Ils vous serviront de guides. Je vous informe que j'ai l'intention d'envahir le labyrinthe. Convoquez les gardes rouges. Nous ferons une descente dans trois jours. J'ai besoin de parler aux chefs du Réseau. Enfin, je veux un avis de recherche pour Matéo, Gibraltar et Max, morts ou vifs avec une prime de dix mille ducats pour le premier et de cinq mille pour les deux autres.
— À vos ordres Monseigneur !
Ce jour-là, Gibraltar venait d'achever sa tournée en livrant le courrier à Rudolfplatz. Comme il ne connaissait personne dans ce village, il se hâta de rejoindre son banga pour déguster un bon repas. À mesure qu'il s'approchait de Hauptbahnhof, le bruit d'une effervescence inhabituelle lui parvint. Des cris et des coups de feu l'amenèrent à rouler avec prudence, s'arrêtant à chaque virage pour examiner la configuration des lieux avant de s'engager plus avant. Caché derrière une colonne de béton qui soutenait la voûte, il vit les habitants regroupés sur la place centrale. Les gardes rouges les maintenaient sous la menace de leurs armes. Les chefs de quartier, Montparnasse et le Messager étaient réunis dans la salle de délibération. Une dizaine de gardes rouges étaient au garde à vous de part et d'autre de la table. Autant étaient postés à l'extérieur, prêts à tirer.
Gibraltar était trop loin pour distinguer autre chose que des silhouettes, mais il devinait que la présence de Slau n'annonçait pas de bonnes nouvelles.
En effet, le messager leur imposa la conscription à raison d'un homme valide sur dix.
— Pardonnez-moi Monseigneur, objecta un responsable de village. Cela ne va pas être possible. Nous sommes des gens paisibles et pacifiques. Nous sommes peu nombreux et en aucun cas une menace ni pour le Duc ni pour vous.
Le Messager sortit Esprit. Un flash se produit et un serpent à plumes en jaillit. Il déploya de longues rémiges colorées et se déplaça en ondulant avec une vivacité extraordinaire. Une crinière formée de duvets ornait l'arrière de sa tête et une panache terminait la queue. Il atteignit sa cible et injecta son venin avec une violence inouïe. En quelques secondes, le corps de sa victime entra en putréfaction et chuta dans une répugnante éclaboussure gluante.
— Y-a-t-il d'autres qui pensent que cela ne va pas être possible ? conclut Slau en rangeant Esprit. Personne ? Nous sommes donc tous d'accord.
Quetzalcoatl entama des allers-retours au-dessus de la tête des assistants sous leurs regards médusés et anxieux, telle une épée de Damoclès aux couleurs chatoyantes prête à fondre sur eux au moindre faux pas.
— Puisque le problème de la mobilisation est réglé, passons à l'autre raison qui m'amène, poursuivit Slau.
Montparnasse et ses acolytes s'attendaient au pire compte tenu de la scène à laquelle ils venaient d'assister.
— Vous avez en votre sein un certain Gibraltar, je me trompe ?
— Il faut que nous fassions des recherches, se hasarda Montparnasse.
Quetzalcoatl s'immobilisa à son niveau, telle une menace prête à fondre sur lui.
— Ne jouez pas à ce jeu avec moi, coupa le Messager. Ce n'était pas une question. Je sais qu'il est ami avec Matéo et son mentor Max. Je veux que vous les attiriez dans le labyrinthe. Informez-moi dès que ce sera fait. Si vous me trahissez, si vous désobéissez ou si vous les informez de mes intentions, sachez que je dératiserai le labyrinthe en le passant au lance-flamme. Vous avez une semaine pour exécuter mes ordres.
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