Le départ 2 : Le guet-apens

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 Matéo n'avait ni l'envie ni l'intention de se reposer. Il éprouvait une certaine jubilation à entreprendre ce long voyage et se voyait déjà visiter des contrées sauvages, découvrir d'autres villages, se faire d'autres amis, enfin vivre avec intensité sa jeunesse.

 Cette rêverie l'amena à se tourner vers sa mission de matérialiser les moyens de transports. Il demanda à Esprit de visualiser des flyboards. Il sélectionna un modèle et donna les caractéristiques de celui qui transporterait Baby. Ses doigts manipulèrent l'hologramme, diminuant une largeur, étirant une longueur jusqu'à ce qu'il soit satisfait des transformations. Il visulisa les deux modèles choisis et en fit la checklist : grâce à une simulation, il s'assura que les cinq réacteurs permettaient de s'élever dans les airs et que des chaussures blindés rendaient le pilote solidaire à la planche au-dessus des réacteurs. Il récapitula le mode de pilotage. Ces engins se conduisaient les membres inférieurs légèrement écartés. Il fallait pivoter les pieds sur l'axe central que constituait la colonne vertébrale pour effectuer une rotation ou pencher du côté où on voulait tourner pour un virage. Comme pour la roue, il suffisait de se pencher en avant pour avancer et en arrière pour freiner ou reculer. Pour monter et descendre, le pilote actionnait une manette intégrée à la ceinture pour augmenter ou diminuer les gaz, ce qui permettait de libérer les mains.

 L'appel de Max le sortit de ses réflexions. Il n'avait pas vu le temps passer.

— Mon oncle, tu as besoin de moi ?

 Le vieux soldat avait fait place nette sur la table.

— Par mesure de sécurité, j'aimerai que tu demandes à Esprit d'effectuer un scan de trois cents mètres autour de la maison.

 Gibraltar qui avait entendu l'appel de Max apparut en haut de l'escalier avec Baby. Max posa Esprit sur la table et une modélisation en 3D du quartier apparut. Celui-ci était envahi par les gardes. Sur les toits plus éloignés, Judicaret avait fait installer des batteries anti-aériennes. Des barges en nombre étaient dissimulées entre les habitations, obstruant les rues.

— Mes craintes se sont avérées, nota Max après un premier examen de la situation.

— Ils ont mis le paquet, commenta Gibraltar. Je crois qu'on va avoir toute la smala sur le dos dès qu'on mettra un pied dehors.

— Tu as une suggestion, mon oncle ?

Matéo se rappelait comment son mentor avait faussé compagnie aux Endiku quand ils lui avaient tendu un piège dans la forêt. Il connaissait cette histoire par cœur tant il avait demandé à son oncle de la lui répéter avant de s'endormir. Il comptait sur son expérience et sa sagesse pour se sortir de ce genre de situation sans issue.

— Ils ont bloqué toutes les rues à un pâté de maisons. Leurs dispositifs montrent qu'ils s'attendent à ce que nous empruntions la voie terrestre. Ils surveillent la porte d'entrée.

— Ils font comme si on se doutait de rien, renchérit Gibraltar

— Nous passerons par le toit en terrasse dans ces conditions, décida le vieil homme. Là-haut, il faudra matérialiser la barge avec tout le matériel.

 Avant de grimper sur le toit, Esprit créa des combinaisons noires pour tout le monde. Matéo guidait Baby pour grimper sur le toit. Les quatre fugitifs montèrent dans la chambre de Max. Esprit matérialisa une ouverture dans le plafond ainsi qu'une échelle de meunier. Max grimpa le premier, rampa jusqu'au parapet d'une trentaine de centimètre de haut, jeta un coup d'œil alentour, puis fit signe à ses compagnons de le rejoindre.

— Matéo, approche ! murmura Max. On va sauter ici où l'espace entre les deux maisons est le plus large. Il faudra faire apparaître la barge juste en-dessous. Ecoutez-moi tout le monde ! On recule de quelques mètres. On prend de l'élan et on saute. Vous deux, vous aidez Baby pour le saut. À partir du moment où la barge s'élèvera dans les airs, Ils ne nous lâcheront plus.

 Ils reculèrent de quelques mètres en rampant, Baby entre Gibraltar et Matéo. Tous s'accroupirent. Les deux garçons prirent Baby par le bras et au signal de Max se levèrent, coururent et s'élancèrent dans le vide tandis que Esprit matérialisa la barge sous leurs pieds. Ils atterrirent sur le pont supérieur. Max prit les commandes à l'arrière et l'engin s'éleva dans le ciel nocturne.

— Gibraltar, tu dois avoir des canons devant ! Matéo, occupe-toi de Baby !

Dès que les soldats aperçurent la barge, ils braquèrent leurs canons en direction des fuyards. Les permiers tirs furent amortis par le bouclier mais ébranlèrent néanmoins l'embarcation. Matéo sangla solidement Baby à un siège et matérialisa des grenades explosives. Ils les lança sur les soldats dans la rue et sur les toits en terrasse.

Pendant ce temps, Gibraltar s'était installé dans le cockpit de visée et tirait sur tout ce qui bougeait. Surpris, les soldats courraient dans tous les sens au milieu des flashes électriques et des explosions. Sous les ordres précis de Judicaret, ils reformèrent les rangs et envoyèrent les drones pendant que dix flyboards s'élevaient dans les airs. Les barges de combat décollèrent et commencèrent à bombarder le véhicule piloté par Max.

Les flyboards se tenaient à l'écart, à une hauteur d'environ quinze mètres, laissant pour le moment les drones harceler le véhicule des fuyards. Quand l'engin dépassa les dernières lignes de soldats, Gibraltar sortit du cockpit de visée, ne pouvant tirer sur les cibles situés à l'arrière. Il se précipita sur le pont supérieur.

— Hé ! Matéo ! Tu n'as rien d'autres que des grenades ?

— Tu veux quoi ?

— Tu as des fusils mitrailleurs en boutique ? proposa Gibraltar avec un sourire.

— Je peux t'arranger ça !

Matéo demanda à Esprit de matérialiser les armes demandées. Les deux garçons s'en emparèrent. Des rais trouèrent l'ombre de la nuit, formant des processions lumineuses dignes des feux d'artifice offerts par sa Seigneurie pour l'anniversaire de son règne, et explosèrent en touchant le sol.

— Matéo, vise les drones ! s'écria Gibraltar.

Les tirs anti-aériens secouaient l'embarcation, déséquilibrant ses passagers à l'exception de Baby qui était attaché. Max s'efforçait de suivre une route hiératique pour éviter leurs tirs tandis que les garçons se concentraient sur les drones. Lorsque le dernier finit en gerbes incandescentes, Matéo s'empressa de créer des lance-grenades et des grenades incendiaires pour riposter aux attaques des barges de combat qui les harcelaient de tous côtés.

Max eut un sourire de satisfaction quand les tirs nourris de ces deux poulains obligèrent le véhicules ennemis à prendre leur distance. Certains, en flamme, voyaient leurs occupants sauter par dessus bord.

— Bonne idée les lance-grenades, Matéo ! s'écria l'ancien militaire.

— J'suis d'accord, renchérit Gibraltar. Je me demandais si les boucliers allaient tenir encore longtemps. Vous voyez ce que je vois ?

Il courut à la proue, suivi par Matéo.

— Tu vois ces lumières ? C'est le camp Ouest. C'est là qu'ils ont déporté mon village. On ne va pas passer à côté sans leur faire un petit coucou, ce serait mal poli !

Il visa les deux portails électrifiés qui furent projetés dans les airs. Aussitôt, des tirs se firent entendre et des dizaines de silhouettes pénétrèrent dans le camp. Quelques grenades incendiaires au bon endroit et les pignons côté cour des dortoirs volèrent en éclat. Les prisonniers, réveillés en sursaut, se précipitèrent à l'extérieur afin d'échapper aux flammes. Pendant que Matéo visait les casernements et les immeubles d'habitation des civils, Gibraltar se pencha pour examiner l'effervescence qui secouait le camp.

— On dirait qu'on arrive au bon moment, remarqua Gibraltar. Il me semble apercevoir des uniformes rebelles et des membres du Réseau. Tu savais, toi, qu'ils préparaient un coup ?

Des soldats, ayant tout juste eu le temps d'enfiler un pantalon et de prendre une arme, arrivèrent sur la grande place où les accueillirent les tirs luminescents des pistolets électromagnétiques. La Rébellion protégeait l'évacuation des prisonniers dirigée par les responsables du Réseau. Pendant que la barge passait au-dessus du camp, leurs poursuivants furent accueillis par les feux de barrage des rebelles postés à l'extérieur du camp, ce qui les retarda de façon non négligeable.

Mis au courant de la situation, Judicaret ordonna aux barges d'arrêter la poursuite et de venir en renfort au camp Ouest. Il décida l'envoi d'une escouade de drones de combat pouvant contenir chacun un pilote. Beaucoup plus rapides que la plupart des engins de la flotte, ils rattrapèrent facilement la barge en fuite. Les deux garçons tiraient des grenades incendiaires que leurs blindages amortirent sans difficulté. Les flammes aveuglèrent un court moment les pilotes. Les drones répondirent coup pour coup. Leurs armes puissantes ne tardèrent pas à endommager gravement le système de sustention de la barge qui chuta lentement mais surement dans un nuage de fumée noire.

Max se démenait pour stabiliser l'engin.

— Matéo, je te laisse la barre, s'écria son oncle. Gibraltar, prends un flyboard et viens avec moi. On se retrouve sur les rives de l'Étang salé !

Les drones de combat, ayant rempli leur mission, sur ordre firent demi tour pendant que des flyboarders reprenaient la poursuite. Six d'entre eux prirent en chasse Max et Gibraltar.

Les quatre autres restaient à l'écart et observaient le combat aérien qui se préparait. À leur tête, Mahoré Elyas maintint l'ordre de ne pas bouger. Il observait avec l'assurance d'un prédateur le véhicule entamer sa descente. Il s'était juré de retrouver Baby et l'occasion était trop belle lorsque Judicaret lui avait proposé de participer à cette opération. Il voyait le camp B dévoré par les flammes et les prisonniers en échapper, mais n'en avait cure. Son objectif, ou plutôt son obsession, était de retrouver Baby ainsi que ceux qui avaient osé lui venir en aide.

La barge, une épaisse fumée dans son sillage, étêta la canopée. Avant de disparaître dans l'épaisse forêt au nord du palais ducal, un flyboard s'éjecta, s'immobilisa un instant puis se laissa happer par la végétation. Mahoré attendit. Laisser un peu d'avance à la proie permettait de pimenter la traque. L'aurore colorait de bruns, d'orange et de rouge l'horizon tandis qu'à l'ouest, quelques étoiles, noyées dans l'éclat du levant, jetaient leurs derniers scintillements. L'ancien capitaine observa d'un oeil tranquille la valse des flyboarders qui se battaient dans les airs et les traînées électriques de leurs armes, puis d'un signe il s'élança comme un oiseau de mauvais augure sur les traces de ses proies.

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