Slau 2 : Le choix de Matéo
Lorsque Matéo rejoignit ses compagnons, son visage pensif n'avait pas échappé à Gibraltar.
— Hé bien ! On dirait que ça ne s'est pas très bien passé.
— Ça s'est très bien passé. Je suis très content d'avoir discuté avec mon père.
— C'est une évidence ! Ne cache pas trop ta joie quand même ! On dirait que tu portes tous les malheurs du monde sur le dos.
Matéo admira la perspicacité et l'esprit d'analyse de son ami.
— Tu n'es pas très loin de la vérité.
— Bon, on fait une pause. On se décontracte et on en discute. On t'a préparé une petite réception pour ton retour : quelques fruits bien juteux pour fêter nos retrouvailles. C'est Baby qui assure le service, n'est-ce pas Baby ?
— À vos ordres chef !
— S'il continue à me prendre pour modèle, on va en faire quelque chose de ce petit bonhomme.
La désinvolture de son ami dessina un sourire sur les lèvres de Matéo.
Le petit garçon apporta des jus d'orange dans des récipients fabriqués à partir de feuille de bananier ainsi qu'un plateau composé de baies, d'ananas, de bananes, mangues, raisins et de litchis.
— Merci pour toutes ces attentions. C'est bon de vous retrouver.
— C'est une idée de Baby...
Matéo ébourriffa la chevelure de l'enfant, satisfait de l'effet de sa petite surprise.
— ...Maintenant, reprit Gibraltar, raconte.
— Mon père m'a appris une chose sur toi.
Son interlocuteur écarquilla les yeux dans une attente impatiente de la révélation.
— Il m'a dit que tu avais un petit frère. Tu te souviens de lui ?
Une ombre passa sur son visage. Il avait relégué ce souvenir dans les tréfonds de sa mémoire, se sentant coupable d'avoir tiré un trait trop rapide sur l'existence de frère inopiné.
— Bien sûr que je m'en souviens. Quand les gardes sont venus au palais, tout était confus avec de la fumée, de l'agitation et des cris : j'avais sept ans et trop épouvanté pour m'inquiéter de son sort. J'ai un pincement à chaque fois que je pense à lui.
— Ne sois pas triste. J'ai une bonne nouvelle pour toi : il est toujours vivant.
Ce fut comme un électrochoc qui raviva un espoir impossible.
— Les gardes en voulaient à cet enfant. Quelques jours avant leur descente, il a été confié à sa nourrice qui l'a caché chez elle. Mais Slau l'a su. Mon père a demandé à Max, le chef de la garde de ton père, de le prendre avec lui.
Le visage de Gibraltar se transforma à mesure qu'il comprit l'incroyable vérité.
— Cet enfant... c'est... toi ?! Tu es mon petit frère !
Il sauta sur Matéo pour l'étreindre, le renversant sur le dos.
— Doucement.
— Tu te rends compte Baby, c'est mon frère.
Matéo se releva, tout chiffonné.
— Tu ne veux pas connaître ce que mon père m'a appris d'autre ?
— Mais si ! Mais je suis content... au-delà de... tout ce que je peux imaginer.
Matéo raconta dans le menu détail toute la conversation qu'il eut avec son père. Gibraltar écoutait sans l'interrompre. De la même manière, Baby fixait toute son attention sur les paroles du fils du messager, tournant la tête de temps à autre vers Gibraltar en fonction de l'expression de son visage, parfois stupéfait ou grave, d'autre fois indigné ou troublé.
Quand son ami eut fini de parler, il resta pensif un moment, une ombre sur le visage.
— Comment ma mère a-t-elle pu tomber enceinte de toi ? Je ne peux pas penser qu'elle ait trompé mon père.
— Non, ne t'inquiète pas. Ce ne fut pas le cas. Avec l'accord de tes parents, le messager mon père a transféré ma vie dans le ventre de ta mère. C'est ainsi qu'elle est devenue enceinte de moi. En fait, nous sommes demi-frères. Nous avons la même mère mais pas le même père. Les ancêtres appelaient cette opération insémination artificielle.
— Comment tu sais tout ça ?
— N'oublie pas. Avant de naître sur la terre, j'étais un messager qui a vécu déjà plusieurs milliers d'années.
— Ah oui, c'est vrai. Je ne m'y habituerais jamais. Tu es mon petit frère mais tu es âgé de plusieurs milliers d'années. Il y a de quoi devenir fou.
— Pense à moi comme étant ton petit frère si ça peut t'aider.
— Et maintenant, tu fais quoi ? Je veux dire en rapport avec Slau.
— Mon père m'a demandé de prendre sa place et de le mettre hors d'état de nuire.
— Il a raison mais je sens que ça va être festif, soupira Gibraltar. Comment tu comptes t'y prendre ?
— Je n'en sais rien. Mais je suis certain d'une chose : il faut que je retourne chez les humains. C'est la mission du Shiloh et ils comptent sur moi.
— Et Slau, tu vas le dégommer ou pas ?
— C'est mon frère. Si les hommes peuvent changer, pourquoi pas lui ?
— Lui changer ? Tu vis dans une saloperie de rêve idéaliste...
— On ne le saura pas tant qu'on n'aura pas essayé, coupa Matéo. Vous êtes d'accord tous les deux pour qu'on y retourne ?...
— On est bien obligé, hein Baby ? Sans nous, il ne fera trois pas sans trébucher sur le premier obstacle qui se présente.
— Alors topez là !
FIN
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