Le plan de bataille
Je suis parti d’un constat simple : je ne connais pas la sexualité en dehors des films porno et de ma masturbation. Mon éducation sexuelle se limite à un cours datant de l’école obligatoire où l’on nous apprenait, d’une manière détournée mais le message en gros était ça, que le sexe c’est dangereux : grossesse involontaire, IST, MST, dépistage, dépression, capotes, pilule, stérilet, circoncision, couilles non descendues… On nous parlait de tout sauf de plaisir. Le premier point de mon plan de bataille était donc de m’intéresser à la Sexualité, soit aux sexualités.
Pour ce faire, j’ai décidé de m’informer par tous les biais possibles. Mais dans la vraie vie. Je n’en dis pas plus, mais je m’en fais une idée assez précise.
Second point, moi. Qui suis-je moi ? Je veux en apprendre plus sur mon propre plaisir et sur mes propres attirances. Qui suis-je ? Suis-je normal ? Par qui suis-je attiré ? Par quoi ? Autant de questions auxquelles je ne sais répondre sur ma propre sexualité.
Troisième point : Yan tu te toucheras mais tu ne jouiras point. Je ne sais pas réellement pourquoi mais j’ai l’impression que si je ne peux plus éjaculer, alors ça me forcera à me bouger le cul.
Quatrième point : se défaire de la honte du sexe.
Et cinquième point ? Il n’y a pas de cinquième point.
Quand j’ai élaboré ce plan de bataille, je me trouvais dans un auditoire de deux cents places lors d’un cours de développement des organismes. Partout devant moi, des écrans ouverts avec des pastilles Facebook, des gens perdus sur Twitter, des vidéos tournant avec des sous-titres pour ne pas avoir à recourir aux écouteurs, des pintas sur Insta, bref, tout, vraiment tout sauf un pdf de ce fameux développement des organismes.
Et moi, je me suis dit que j’allais mettre à profit ce temps pour débuter mon plan d’action directement. J’suis comme ça moi, quand j’ai une idée, de surcroit une idée qui me parait révolutionnaire et qui me sortirait de ma mouise personnelle, je veux tout mettre en œuvre dans la minute.
Perdu devant toutes ces personnes de dos feignant d’écouter un cours qu’ils étaient à des années-lumière de comprendre, je me dis que c’était l’endroit idéal pour déterminer ce qui me plaisait.
Je laissais mes yeux flotter dans le vague de cet enchevêtrement d’ordinateurs, de corps prostrés et de tablettes jusqu’à tomber sur Anne-Sophie. Jeune étudiante de biologie qui devait bien avoir trois ans et une bonne vingtaine de centimètres de hauteur de moins que moi. Elle avait une longue tignasse blonde indomptée, toute frisottée, coulant sur des robes qu’elle semblait avoir acheté en lot tant elles se ressemblaient toutes les unes les autres. Des habits neufs mais qui pourtant semblait d’un autre temps, ne laissant deviner pas grand-chose d’un corps pourtant parfaitement dessiné. Anne-Sophie. La sagesse. Et peu d’atomes-crochus, faut bien le dire. Je lui ai déjà parlé à cette victime du syndrome première-de-la-classe : une voix posée, relativement grave pour une fille, des yeux verts qui vous scrutent, un nez crochu descendant sur une bouche pulpeuse à souhait et des pommette saillantes.
Imagine-la nue…
Si elle se tenait dessus moi, en position de pompe bras tendus, ses seins me toucheraient la poitrine. Ils étaient énormes. De véritables obus distendus. Je les imagine avec des auréoles assez larges et mal dessinées. Un ventre relativement plat – merci le CAF[1] de fin de semaine – puis une toison pubienne d’un or lustré cachant totalement sa fente intime. Peut-être qu’elle serait bonne au lit, Anne-Sophie. Malgré l’apparence de première de classe bien sage, je l’imagine plutôt comme une tigresse dans la vie privée. Une véritable tigresse, qui vous suce goulument, qui veut se faire prendre violemment, dans toutes les positions. Si mon bassin claquait contre ses fesses, chaque à-coup dessinerait des vaguelettes dans la graisse de ses jambes qui deviendraient, dans quelques années si ce n’est pas encore le cas, gangrénées de cette satanée peau d’orange.
Mais y a pas à dire, Anne-Sophie, je la trouve bonne.
Ces quelques errances imaginaires ont d’ailleurs suffi à me déclencher une érection tenace qui, sous mon petit short en lin blanc, ne se fait pas très discrète. J’appuie bien mon torse contre la tablette qui soutient mon ordi, de sorte à la cacher aux yeux de regards indiscrets, et continue mon exercice mental.
A côté d’Anne-Sophie, il y a Bastien. Un autre blond beau-gosse pas très grand. Comme si tous les aryens s’étaient regroupés naturellement dans ce beau foutoire d’auditoire. Ah, quelle race, ces aryens. Quelle belle putain de race. Ces yeux clairs, ces cheveux couleur de blé mûr, cette peau pâle. Bastien en était le parfait représentant : corps de marbre sculpté par trop d’heures dépensés dans la salle de fitness de l’Université. Des abdominaux en bétons, un sexe petit mais vaillant, pas un poil, des bras larges comme des cuisses et des cuisses larges comme deux cuisses, des fesses carrées avec lesquelles on se casserait volontiers des noix, une voix grave aux accents sculptés par trop de cigarettes regarde-comme-chuis-cool-je-fume tirées devant l’entrée du bâtiment de sciences.
Je l’imagine volontiers, son petit sexe durci à la vue du corps nu d’Anne-Sophie et de ses seins lourds à vous étouffer un rhinocéros. Il tiendrait droit, à l’horizontale, son sexe. Comme un crochet à habits. Et d’un geste brusque – car Bastien est un homme alpha qui montre sa dominance aux femmes avec de la violence dans le sexe, ça je le vois bien aussi, comme un beau vernis à une confiance en soi faisant parfois défaut[2] – il attirerait le visage doux d’Anne-Sophie vers son pieu érigé. Et son petit gland décalotté, cette frêle framboise de chairs, disparaitrait rapidement entre la pulpe des lèvres de la blonde qui l’avalerait avec volupté. Bastien la tiendrait à l’arrière du crâne, par les cheveux tout pleins de frisottis, et ferait aller et venir sa tête comme dans ces deep-throats pornhubiens qu’on voit sur les internets. Il la tiendrait comme ça, elle à quatre pattes sur la tablette de l’auditoire, lui nu debout devant elle, la tête maintenue par ses bras surmusclés, la bouche bâillonnée par cette petite bite qu’il semble tellement honteux de montrer qu’il la maintenait au fond de la bouche d’Anne-So. Et il aimerait tellement entendre ces bruits de succions si typiques des gorges-profondes pornographiques. Ces bruits qui arrivent lorsque le corps de la femme soumise s’arque boute à cause des réflexes de déglutitions – en gros elle veut dégueuler parce qu’elle a un truc coincé dans la gorge – qui la prennent par surprise lorsque la teub touche la glotte de la pauvre madame. Il les veut. Il les veut si fort. Mais malheureusement, sa bite est trop petite et elle ne risque pas plus d’étouffer Anne-Sophie que de lui toucher la glotte. Et ces clapotis bandant tant attendus n’arrivant jamais, sa queue finit par se ramollir et il rejette la tête d’Anne-So sur le côté, ne lui accorde pas un regard et se remet à sa place, la queue débandée entre ses jambes pendant comme un mollard honteux. Le cours continue, il fait même semblant de prendre des notes pour éviter à tous prix de croiser le regard d’Anne-Sophie, confuse, gênée et se demandant ce qu’elle avait bien pu faire de faux.
– Yan ?
Je sursaute. Un pote me sort de mes rêveries pour me demander une feuille. Je la lui passe. Je me retourne vers le prof qui parle, qui débite son monologue dépressif devant cette cohorte d’adulescents catatoniques. Puis repars dans mes rêveries.
Tout le monde est nu, dans cet auditoire. Et moi, je bande encore. Est-ce encore l’effet d’avoir vu Anne-So à poil ou plutôt est-ce à cause de la bite de Bastien qui pénétrait entre ses lèvres. Ou pis encore, est-ce à cause du corps de Bastien que cette érection ne me quitte pas. Suis-je pédé ?
C’est une question que je me suis déjà posé. Suis-je pédé ?
La première fois qu’elle m’est venue à l’esprit, c’est lorsque mon grand cousin a fait son coming-out. Un médecin, le gars, et il nous annonce qu’il est pédé. J’étais méga fier de lui, faut avoir des balls dans une famille comme la nôtre, de dire ça. Une famille typiquement conservatrice – ça vote à droite depuis aussi loin qu’on peut remonter dans l’arbre généalogique et ça prie Dieu jusqu’à la génération de mes parents, qui commencent à déserter les bénitiers. Et j’ai été aussi un peu triste pour lui en repensant au nombre de repas de famille où l’on a raillé les personnes homosexuelles. Comment devait-il se sentir à ces moments-là ? Ça devait être terrible, pas vrai ? Peut-être s’apprêtait-il à le révéler à ses parents quand il entendit les ricanements de tonton Gaston plein jusqu’à la moelle du pinard bon marché de Dédé lorsqu’il évoque « la lesbos du village » ou « Jaquie de la jaquette ». Comment on se sent, là ? Hein ? Foutrement mal je suppose.
Et la seconde fois où cette question m’est venue en tête, c’est quand j’ai remarqué que je matais toujours des porns où les gars étaient bien foutus. La meuf avait beau être la plus grosse bombasse de la Terre, si le gars était moche, ça ne la faisait pas se lever…
Puis quoi ? Gay, bi, hétéro ? Rien à foutre, pour l’instant. Rien à foutre. Je ne devais qu’être explorateur. C’était ça le plan pas vrai ?
Je relevais le regard devant cet auditoire de jeunes gens nus. M’imaginais une immense orgie lubrique. Souris.
Le plan de bataille avait débuté.
[1] Cuisse-abdos-fessiers aérobic
[2] Oui, oui, je me permets, moi, de parler de la confiance en soi des autres. Comme quoi, les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnait, pas vrai ?
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