4. Être ou ne pas être dresseur.

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  Vald vient de quitter le jardin et tourne la tête vers le dernier endroit où il se souvient avoir vu David pour la dernière fois, avant qu'une vitre sans teint ne les sépare. Voyant qu'il n'a pas bougé de son emplacement, le jeune garçon se met à marcher vers lui. L'adrénaline ne s'est pas encore entièrement dissipée et, même s'il ne ressent aucune honte, une certaine gêne envahit Vald. Il sent les regards posés sur lui. Cependant, il ne veut ni les regarder ni savoir ce qu'ils se disent. Pleinement conscient qu'il est inutile de se cacher, le garçon décide de réduire sa vitesse pour marcher de la façon la plus naturelle possible en se dirigeant vers David.

  En passant à côté des parents, sa température corporelle remonte légèrement. Vald remarque le père de Kad, qui est de marbre. En arrivant à sa hauteur, il ne sait juste pas quoi dire. « Désolé » ou « Il l'a mérité » ? Ou les deux ? N'ayant pas ralenti sa marche, il décide de laisser tomber et s'éloigne des parents pour s'arrêter devant David.

  — Je donnerai mon jugement plus tard, dit le professeur à David.

  Ils semblent avoir terminé une longue discussion et se tournent à présent vers Vald. David, légèrement incommodé, prend la parole avant que le garçon n’ait le temps de dire quoi que ce soit.

  — Je crois que tu as besoin de souffler, tu m'expliqueras plus tard. Je vais reprendre le flambeau. Espérons juste que son père n'en prenne pas trop rigueur.

  David se dirige vers les parents tandis que le professeur Aulne reste à l'écart près de Vald. D’un geste de la main, il propose à Vald de s’asseoir. Ce que fait le jeune garçon.

  — C'est ce qui s'appelle mettre un froid. C'est dommage, vous aviez si bien brisé la glace. Plutôt ironique quand on voit comment tu avais l'air de bouillonner lors de ce dernier échange, dit le professeur avec un air amusé.

  En réaction à cette suite de jeu de mot, le garçon ferme les yeux et expire longuement.

  — Vois le bon côté des choses, il n'y a eu de friction qu'avec lui, relativise Aulne.

  — C'est la réaction du père qui m'inquiète, répond Vald.

  — Dans ce cas, je dirais que tu t'inquiètes trop. Concentre-toi d'abord sur tes propres affaires, car quelque chose me dit que David aura 2-3 trucs à te dire avant la fin de cette journée. En attendant, stand-by. Peu importe dans quel sens tu le comprend.

  Ce sont les dernières paroles que le professeur échange avec Vald avant de se diriger à son tour vers les parents en discussion avec David.

  Le reste de la journée n'aura pas été particulièrement longue, mais le garçon en sera sorti plus éreinté que d'habitude. L'activité terminée, les invités sont retournés chez eux et les Pokémons ont été déplacés pour le transfert au labo du professeur Aulne, à Bourg-sablé.

  De retour à la maison, une autre histoire commence. Vald s’est expliqué avec son tuteur au sujet de Kad, et même si tout se passe bien dans leur entente, Vald sent que David a également besoin de parler de quelque chose. Ce n'est qu'au souper qu'il se décide enfin à parler.

  — Je me doute que tu aurais préféré que je te donne plus de détails sur le départ des Pokémons. Si cela t’as affecté, j’en suis désolé. Je voulais surtout montrer à Aulne qu’il n’y avait aucune raison de te sous-estimer.

  D’abord silencieux, la dernière phrase de David aura rendu Vald perplexe.

  — Comment ça ? demande-t-il.

  Après une bouchée, David reprend.

  — J’ai eu plusieurs discussions avec le professeur. Mais, avant de te donner les détails, je voudrais que tu me répondes franchement. Que signifie être dresseur à tes yeux ?

  David a posé sa fourchette et regarde à présent Vald dans les yeux. Après quelques secondes, le garçon baisse son regard vers son assiette, le regard vague. À moitié perdu dans ses pensées, il répond :

  — À mes yeux, c'est le Pokémon qui fait le dresseur. Sans ses compagnons, il n'est rien. Dans un duel, les dresseurs ne font que donner des ordres tandis que les Pokémons attendent patiemment qu'on leur en donne. Ce sont ses derniers qui se battent, qui s'entrainent, qui deviennent plus fort, qui gagnent et qui perdent. Pas les dresseurs. À l'état sauvage, ils sont capables d'agir par eux-mêmes, alors pourquoi pas les nôtres. Même si je veux avoir mes propres Pokémons, si être dresseur signifie avoir des esclaves, alors je ne veux pas être considéré comme tel.

  — Tu es au courant que ce n'est pas comme cela que ça se passe ? Beaucoup chérissent leur amitié, commence David.

  — Dans ce cas, à quoi sert le dresseur ? demande Vald en relevant la tête.

  Sortant de ses pensées, il renvoie son regard à David. Après une légère pause de réflexion, le tuteur prend la parole.

  — Que voudrais-tu devenir ?

  — Je ne veux pas être un boulet qui se contente de juste leur dire quoi faire, répond Vald. Je veux me sentir plus utile, je veux avoir cette sensation de réellement leur apprendre des choses et de me battre à leur côté plutôt que de rester à l'arrière à brailler. Je sais que nous n'avons pas leurs pouvoirs, mais nous avons cette intelligence qui nous permet d'inventer et de créer.

  — Dans ce cas, tu serais un excellent dresseur, ajoute David en reprenant sa fourchette.

  — Pourquoi tu voulais savoir ça ? questionne Vald.

  — Par ce que j'avais proposé ton nom au professeur.

  — Quoi ?

  — Tu m'as bien entendu.

  La stupeur est la seule réaction de Vald.

  — Il y avait plus d'une raison derrière l'organisation de la séance d'aujourd'hui. La rencontre Pokémon-Dresseur était un prétexte. Nous espérions attirer l'attention des hauts fonctionnaires, comme M. Vonkrieg, pour obtenir davantage de financements. De plus, ta participation à l'activité a permis au professeur Aulne de te voir en interaction avec les Pokémon, tout comme les autres jeunes.

  — D'accord, dit Vald en se remettant de ses émotions. Pourquoi ne pas me l'avoir dit ?

  — Parce que je ne voulais pas créer de fausses joies. Ce n'était pas dit que le Professeur accepte, surtout compte tenu de tes antécédents. Le fait que tu sois amnésique n'a pas aidé à trouver la moindre information à ton sujet, d'ailleurs nous n'avons toujours rien trouvé. À défaut, on a eu trois ans pour te créer une identité, mais le fait que tout sois factice jusqu'à ton acte de naissance...

  — Alors pourquoi avoir proposé mon nom ? interrompt Vald.

  — Car je sais que tu as les capacités. Tu connais la stratégie Pokémon comme peu sont capables de faire. Ce n'est pas donné à tout le monde d'apprendre tout ce que tu as appris en 3 ans, surtout si on prend en compte ton apprentissage de la langue, autant à l'oral qu'à l'écrit. Tes capacités de réflexion, ta sagesse et ta serviabilité sont également de bon points. De plus, ce n'est pas toi qui m'avait raconter vouloir partir en voyage pour retourner sur les lieux où on t'a trouvé, et espérer trouver quelque chose sur ton passé ?

  — Et ma dispute avec Kad a tout fait foirer, ajoute Vald avec remords.

  — Ce qui est sûr, c'est qu'il n'y aura pas de partenariat avec la société Vonkrieg. En ce qui concerne le professeur Aulne, il a demandé, après réflexion, à te voir demain à son labo, à 14h00.

  Vald comprend tout de suite. C'est l'heure à laquelle la sélection commence. David passe ensuite un objet en forme de galet.

  — Il y a quelque jours, quand j’étais à Olstred, j’en ai profité pour passer à l’hôpital et commander un GerInh. Je sais que tu n'as pas encore vidé l'autre mais je me suis dit que se serait mieux d’en avoir un de réserve.

  Vald perd son sourire en le voyant. Même s'il ne s'en sert qu'une fois par mois, le simple fait de se rappeler de le prendre lui rappelle de mauvais souvenirs. Ça l'ennuie au plus haut point de s'en servir mais il est bien obligé, vu les conséquences qu'un oubli peut provoquer.

  — Il me reste encore quatre utilisations. De plus, en passant par Olstred, j'aurais pu en commander un moi-même, dit Vald en s'emparant de l'objet.

  — Ce sera une chose en moins que tu auras besoin de faire, répond David.

  De façon enjouée, le tuteur reprend une bouchée et décide de changer de sujet.

  — J’ai beau être ton tuteur, je reste également un champion d’arène. Tu es conscient que je ne te ferai pas de cadeaux quand tu passeras pour obtenir le Badge Élément.

  Et ainsi passe le reste de la soirée. Discutant d'abord du duel qu'ils pourraient se faire en s'anticipant mutuellement, ils passent ensuite à d'autres sujets, comme l'astronomie. À la fin du repas, et ayant retrouvé un peu de bonne humeur, Vald prépare ses affaires et se couche.

  Le lendemain, Vald a encore le temps de peaufiner les détails avant l'arrivée du taxi. Après avoir énuméré le contenu de son sac et vérifié pour la troisième fois qu'il n'avait rien oublié, un klaxon se fait entendre.

  — Il est 8h20. Avec un peu plus de 2h de trajet en voiture, j'arriverais une demi-heure en avance…

  — Tu réfléchis trop. Arrête avec tes calculs, commence David.

  Ils sortent pour faire face au chauffeur de taxi et se saluent une derrière fois.

  — N'oublie pas de faire attention dans la forêt de Boisvert, il y a déjà eu assez d'accident ainsi. Et si jamais tu as peur de te perdre, longe les cours d'eau. Tu atteindras une ville ou un village dans tous les cas.

  — Je sais tout ça, coupe Vald. J'ai déjà une idée de comment je traverserais la forêt. Et, avec un peu de chance, je croiserai des rangers Pokémon.

  Les deux se saluent une dernière fois puis Vald monte dans le taxi qui démarre, direction Bourg-sablé.

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