Une piscine publique. Quatre personnages en maillot de bain s’apprêtent à rentrer dans l’eau.

L’avocate :

- Vous faites quoi dans la vie ?

Le vigneron :

- J’suis vigneron.

L’avocate :

- C’est donc vous ? C’est curieux, j’aurais juré que vous seriez le militaire…

Le militaire :

- Le militaire ? C’est moi. Quant à vous, je suppose que vous êtes l’avocate ?

L’avocate :

- Exact. Vous êtes bien perspicace pour un militaire…

Le militaire :

- Une avocate encombrée de vieux préjugés à ce que je vois…

Le vigneron :

- Vous êtes donc la cuisinière ? C’est marrant, moi j’vous aurais pris pour l’avocate…

La cuisinière :

- Ca, y’avait peu d’chance pour qu’ça soit moi. Les avocats, moi, j’les écrase dans un bol et j’en fais du guacamole !

Le vigneron :

- Z’avez entendu l’avocate ? J’s’rais vous, j’f’rais gaffe !

L’avocate :

- Finir écrabouillée dans un bol par la fourchette d’une cuisinière à la main leste ou laminée dans un prétoire par la plaidoirie spécieuse d’un procureur aux ordres, à choisir je me demande si la première fin n’est pas moins douloureuse que la seconde…

Le militaire :

- Essayez donc les mines anti-personnel, ça vous remettra les idées en place. Vous vouliez quoi ? Lui éviter l’opprobre et lui permettre de continuer à se mettre de l’argent public dans les poches en toute impunité ? Pour savourer ensuite votre quart d’heure de gloire dans les soirées bling-bling du gratin parisien ?

Le vigneron :

- Moi j’dis qu’ce salaud-là, y mérit’rait qu’on le promène tout nu dans les rues de sa ville pendant une semaine entière. Des costumes à 7000 balles, j’savais même pas qu’ça pouvait exister…

La cuisinière :

- On devrait les obliger à faire la plonge dans un restaurant ces gens-là. Y verraient c’que c’est que d’travailler pour gagner sa vie…

L’avocate :

- Et pourquoi pas les enfermer dans un zoo tant que vous y êtes ? Le Droit, ça vous dit quelque chose ?

Le militaire :

- Et la morale, chère madame, ça vous dit quelque chose ?

L’avocate :

- Oh ! Epargnez-moi vos indignations de Sainte-Nitouche voulez-vous…

La cuisinière :

- Bon ben, on va p’t-être pas s’engueuler toute l’après-midi ! La piscine est suffisamment grande pour qu’on ait d’quoi nager chacun dans son couloir sans s’fout’ sur la poire à la moindre occasion.

S’adressant à l’avocate

J’adore vot’ maillot. Vous l’avez trouvé où ?

L’avocate :

- C’est ma sœur qui me l’a offert. Je ne sais pas trop où elle l’a trouvé mais, en tout cas, il était fait pour moi et moi pour lui…

Le militaire :

- Quelle singulière prédestination !

Le vigneron :

- Bon on y va ? 2000 mots maxi c’est pas l’éternité et faudrait p’t-êt’ qu’on s’bouge…

Le militaire :

- Vous avez raison. Peste soit de la procrastination.

Les quatre personnages se mettent à l’eau.