L'expédition, c'est pour maintenant !
— Que tout le monde m'écoute !
La voix du Lieutenant, amplifiée par un haut-parleur bas de gamme, résonna dans une bonne partie du supermarché. Les regards se tournèrent vers lui.
— Moi et mon équipe allons bientôt partir en mission. Ce sera périlleux et j'ignore si nous nous en sortirons. Quoiqu'il en soit, il est nécessaire que vous restiez calmes et que... Oh pis bref vous m'avez compris, faites pas les cons, hein ! Et gardez-moi un œil sur ces deux fils de chacaux !
Lucio s'approcha du flic.
— J'imagine que je suis de la partie, lança-t-il.
— Et comment !
— Je te suis également, fit Framboise.
— Ton aide ne sera pas de refus.
— Je viens avec toi aussi ! affirma Nathalie.
— Euh... non.
— T'es sérieux là ?
— C'est trop dangereux pour toi. Je préfère te savoir en sécurité, ici, avec les autres.
— Mais j'ai trop peur ! Cet endroit grouille de canailles en tout genre, sans parler des fantômes qui vont nous retrouver. J'ai besoin d'être avec toi.
— Tu as bien plus de raisons d'avoir peur de l'extérieur. Tiens, voici mon pistolet.
Marlowe lui expliqua précisément comment s'en servir.
— Tu pourras l'utiliser uniquement pour te défendre, je me suis bien fait comprendre ?
Nathalie acquiesça tristement et se retourna lentement rejoindre le rayon maquillage.
— Alors comme ça monsieur a peur pour mademoiselle Nathalie, reprocha Magalie, mais pas pour moi !
— Oh n'en rajoute pas.
— Mais si j'en rajoute, mais si !
— Je n'ai pas peur pour toi car je sais que tu peux te débrouiller.
— Oh ben... C'est gentil ça, merci...
— Hey, coucou les potes ! salua Pablo en apparaissant entre les trois compères.
— J'allais l'oublier celui-là, siffla Diceni.
— Bon ben, poursuivit le cuisiner, je viens avec vous du coup !
— Ah ça non ! pesta la secrétaire. Hors de question ! Hors de ma vue !
— Boh allez quoi, les gars, on est copains comme cochons maintenant !
— Je ne vous fais toujours pas confiance, avoua Marlowe.
— Quoi ?? Comment ça ? Hey, je vous ai aidé à appréhender les deux ziggotos là-bas !
— Ben tiens ! Pile poil quand tu te trouves en situation désespéré tu fais croire que tu es du camp adverse ! Tu savais très bien que nous vous aurions vaincu quoi qu'il arrive. Qui plus est, ils ne semblaient pas t'apprécier des masses, et toi non plus tu ne les portais pas tellement dans ton cœur, je me trompe ?
— Mais je vous jure ! Croyez-moi à la fin ! Eh, dites-moi, qu'est-ce que j'ai fait de mal au juste ?
— Tu as essayé de chourrer mon flingue.
— J'ai paniqué ! Je voulais pas qu'on me prenne pour un des leurs.
— Tu as tué des innocents en mélangeant du poison à tes œufs.
— C'est une accusation grossière et infondée !
— Alors explique les morts !
— Je... je... ça... Ça me fait vraiment mal de le dire mais... Peut-être... Peut-être que mes omelettes n'étaient pas très fraîches... Peut-être que j'ai survécu car j'y suis habitué.
— N'importe quoi. Ils auraient eu une intoxication alimentaire, tout au plus. T'as bien fait de venir nous voir, j'avais oublier de te ligoter avec les autres.
— Je dois tout vous avouer, paniqua soudain Pablo. Vous vous souvenez, quand je disais que c'était une recette familiale...
— Vaguement, fit Lucio.
— C'est vrai que les délais de parution sont tellement espacés qu'on oublie un petit peu ce genre de choses, commenta Marlowe.
— Hein ? ... Une recette familiale donc, qui se passe de générations en générations... Ce n'est qu'une demi-vérité. Ce n'est pas la recette qui se transmet, mais les omelettes elles-mêmes.
— Pardon ? fut interloquée Magalie
— Nan tu déconnes là ! s'offusqua l'Italien. J'ai tué des gens pour moins que ça !
— Laissez-moi vous narrer l'histoire de Philippon de Cognastre, dit "le Bon", commença Pablo. Tout débuta en l'An 1783. Le vicomte de Cognastre ayant mis main sur une quantité faramineuse de poules pondeuses suite à des...
— Mais on s'en fout de ton histoire ! annonça Lucio.
— Pas moi, réfuta Magalie. J'étais à fond dedans !
— Enfin bref, coupa court Marlowe. Vous voulez dire que ce type a fait tellement d'omelettes que personne n'a réussi à les finir et que depuis deux-cents ans les membres de votre famille les mangent et les font manger à tous ceux qu'ils croisent pour honorer une certaine tradition ?
— En gros... Oui.
— Mais c'est délirant ! Et vous pensiez qu'il allait se passer quoi en donnant cette merde à manger à tout le monde !
— Ben... Moi ça me fait rien...
— Mais visiblement si ça t'a fait quelque chose, abruti ! Ça t'a défoncé le cerveau, espèce de...
— Calmos amigo, le retint Lucio. C'est vrai que ce type est un crétin fini, mais je le comprends d'une certaine façon. J'ai vécu une expérience similaire... C'est pas facile de se sortir des affaires de sa famille...
— Arrête tu vas me faire chialer.
— Je peux jamais me confesser, moi ! Tout ça parce que je suis un grand criminel j'ai pas le droit à un peu de compréhension et d'affection ?
— Très bien résumé, le complimenta Marlowe.
— Enfin bref les gars, reprit Pablo. Il faut absolument que vous me preniez avec vous. Je vous serez d'une grande utilité et ne rechignerai pas à la tâche !
— Mouais...
— Oh allez quoi ! ... Bon c'est aussi et surtout que les autres passagers me prennent pour un dangereux terroriste et ils me victimisent sans cesse.
— Surprenant.
— Bon, c'est d'accord, accepta Magalie.
— Ouais, trop bien, génial ! sauta de joie le trafiquant d'omelettes bicentenaires. Ah, merci les amis !
— Qu'est-ce qu'il t'as pris Magalie ? demanda le Lieutenant sur un ton de reproche une fois le cuistot éloigné.
— Il a l'air sympa en vrai. Et en tant que membre de la police je pense qu'il est juste de prendre ce citoyen avec nous pour le soustraire aux violences (in)justifiées qu'il subit. Le laisser ici risquerait de provoquer des débordements.
— Tu as bien raison, mais tu n'es pas membre de la police.
— Pour l'instant !
Pablo, tellement content de pouvoir rejoindre l'expédition, sentit une bouffée de chaleur s'emparer de lui. Il sortit un coup dehors pour se refroidir. Oui oui il est vraiment inconscient.
Le vent soufflait bruyamment dans ses oreilles, l'empêchant même d'entendre le bruit de ses pieds s'enfonçant dans la neige tandis qu'il faisait le tour du bâtiment. Soudain, une voix chuchotée, ou plutôt une sorte de sifflement, frappa son tyman droit. D'un coup, le cuisinier fou se retourna vers le son. Seule une brume noirâtre, semblant le fuir, était perceptible. Pris d'une curiosité indécente, Pablo suivit l'ombre qui courrait à une vitesse folle. De l'autre côté du magasin se trouvait un entrepôt. La fumée avait paru traverser ses murs. Le maître queux essuya les flocons couvrant l'une des fenêtres et observa à travers. Il distingua vaguement une grande carcasse métallique. C'est en plissant des yeux qu'il poussa un cri de stupeur. Il l'avait vu.
Pomoc, l'adolescent musclé au grand cœur (littéralement, son organe palpitant pèse quatre kilos, ce qui assez handicapant, mais je divague), s'approcha à son tour des trois héros qui récupéraient dans le magasin ce qui pourrait leur être utile durant leur épopée.
— Rebonjour. J'ai décidé et je viens avec vous !
— Houla non, contrecarra Marlowe. Tu es trop jeune pour risquer ta vie ainsi.
— Et moi je suis vieille donc ? râla la secrétaire.
— Pas maintenant Magalie... Et arrête avec ça, on en a déjà parlé.
— Ouais donc je suis vieille quoi, marmonna-t-elle en prenant un bâton de marche.
— J'ai bien réfléchis, je ne peux laisser les choses se passer sans offrir mon aide ! Et vous savez, je suis résistant, physiquement comme mentalement, et peux me montrer intrépide et raisonnable à la fois.
— Justement mon grand, intervint Lucio. Tes qualités seront bien plus utiles ici. On a besoin de gens comme toi pour garder l'ordre dans ce refuge.
— Eh ben mon vieux, fit Marlowe. Tellement de sagesse, j'en oublie parfois que tu es un tueur expérimenté !
— Hey, je tue pas par plaisir moi. Mon biz c'est la schnouf, la coke, tout c'que tu veux, mais pas le sang.
— Oh merde ! lâcha Pomoc, visiblement paniqué. Vous êtes des criminels ?!
— C'est vrai que j'aurais pas dû balancer ça comme ça, soupira Marlowe. Non, juste lui. Moi je suis flic.
— Et donc vous faites équipe avec un...
— C'est une longue histoire. Mais on aura besoin de lui, il est plein de ressources. Tiens, si tu veux te rendre utile, trouve-nous des raquettes, ce sera plus simple pour parcourir de longues distances.
— Tout de suite !
Dès que l'intrépide mais raisonnable trouva ce qu'il devait trouver, une voix déchirante provenant de l'entrée principale perfora les entrailles du supermarché. Tous l'entendirent tant l'émotion qu'elle contenait était puissante. Cette voix, c'était celle de Pablo :
— Les gars !! Vous devinerez jamais ce que j'ai trouvé !
Pardon pour le titre mensonger.
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