Il fait pas chaud chaud là

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 Marlowe se dirigea maintenant vers les civils, plein de confiance en lui. Il expliqua :

 — Mesdames, messieurs, écoutez-moi ! Moi et mes associés allons partir de cet aéroport poursuivre notre quête. Pendant que nous serons absents, je compte sur votre discipline pour nous attendre calmement et ne pas commettre d'actes dang...

 L'assemblée, bruyante, empêcha le lieutenant de terminer son discours. Un homme cria alors :

 — On vient avec ! 

 — Hors de question, répliqua Marlowe.

 Magalie s'approcha de son collègue :

 — Avec Nathalie on a déjà discuté avec eux, ils refusent de rester ici seuls à mourir de faim sans savoir ce qui les attends.

 Le détective soupira, se massa l'arrête du nez et reprit son palabre :

 — Vous ne pouvez pas tous nous accompagner, vous êtes trop nombreux, ce serait le boxon ! Le mieux à faire est d'attendre tranquillement les secours qui vont pouvoir venir maintenant que le ciel est dégagé.

 — Et on devra attendre combien de temps exactement ? rétorqua l'homme agitateur, à moitié rempli de peur et de colère ; l'autre moitié étant évidemment ses organes.

 — Je l'ignore mais ils n'en auront pas pour longtemps.

 — Bien sûr ! Si plus aucun avion ne vient ici, c'est bien pour une raison ! Le pays est en guerre ! On va crever de faim, de soif et de froid si les armées chinoises ne le font pas avant !

 Marlowe ne savait trop quoi répondre. L'homme d'affaires, ayant enfilé trois chemises et cinq cravates pour se réchauffer, vint à sa rescousse :

 — Je suis déjà venu plusieurs fois ici, je connais assez bien les lieux. À quelques centaines de mètres de notre position se trouve une grande surface. Nous y trouverons de quoi manger, et avec un peu de chance, le chauffage du bâtiment sera toujours en fonctionnement.

 — Bonne idée !


 Vu de l'aéroport, le supermarché n'était qu'un gros point recouvert d'une surface blanche. La cohorte se mit en route, plus au moins en colonne, avec les terroristes en tête de file, tenus en joue par le policier et le trafiquant.

 — Pourquoi on les bute pas tout de suite ces enfoirés ? s'interrogea Lucio. On sera tranquille au moins !

 — Ce n'est pas la façon de faire de la police. Ce n'est pas la mienne non plus. Ces hommes doivent être jugés et condamnés pour leurs crimes.

 — Ils méritent la peine de mort ! En Chine c'est encore d'actualité, profitons-en.

 — T'es pas le mieux placé pour parler, je suis sûr que si je grattais un peu j'aurais de quoi te foutre en cellule pour le restant de tes jours.

 — Ouais, bon...


 Le cortège avançait péniblement dans l'enfer blanc. La couche neigeuse, profonde et tendre, donnait du fil à retordre ; il fallait enfoncer entièrement sa jambe jusqu'à la cuisse pour les moins grands, puis s'en extraire pour faire le pas suivant. Les adultes les plus robustes s'occupaient de porte les enfants, dans leurs bras ou sur leurs épaules. Et puisque c'était encore trop facile, le chemin à emprunter pour se rendre à leur nouveau refuge était en pente.

 — Pfiou, quelle tannée, s'exclama un des membres de la colonne quand il atteignit une zone de montée. Heureusement que la Terre est plate, sinon je vous raconte pas la galère !

 — Oh mais ferme-là toi ! s'exclama Magalie qui en bavait déjà assez.

 — Ben quoi ? 


 L'hôtesse de l'air accéléra le pas pour rejoindre son amant. Essoufflée, elle lui partagea ses inquiétudes :

 — Dis, y'a quelque chose qui me tracasse.

 — Ah.

 — ...

 — Dommage.

 — ... Tu me demandes pas quoi ?

 — Oh, si, évidemment ! s'écria Marlowe, s'extirpant de ses pensées. 

 — Bah vas-y, demande alors.

 — Eh bien, je demande.

 — Bon... En fait, j'ai peur.

 — Comme nous tous ! Enfin pas moi mais t'as compris...

 — Oui, mais je te parle de l'homme que j'ai vu quand on était à l'intérieur.

 — Moi ? Mon immense talent te fait peur, c'est ça ?

 — Mais non abruti !

 — Parle mieux, femme.

 — Pfff... Non, j'ai peur de l'homme qui était dehors. Et aussi de l'ombre qui s'est écrasée contre la fenêtre. Si nous ne sommes pas les fantômes, alors... Ce sont eux, les fantômes.

 — Mais non !

 — Oh putain elle a raison ! s'étrangla Magalie. Ça fout les jetons cette histoire ! Ils étaient dehors, et maintenant nous aussi ! Ils vont nous attraper !

 — Ressaisissez-vous mesdemoiselles, tonton Marlowe est là pour vous protéger !

 — Déconne pas avec ça, lui indiqua Lucio, le pantalon soudainement humidifié par la terreur. On plaisante pas avec les forces paranormales. Les cavaliers de l'apocalypse sont...

 — Nan mais, vous déconnez là... Les spectres, les démons... Tous ces trucs, ça n'existe pas !

 — Oh que si ! fit une voix mystérieuse derrière eux.

 — Oh nan pas elle ! soupira Diceni en se retournant.

 — Vous vous connaissez ? demanda Marlowe.

 — Malheureusement... Elle est médium. Elle a pas arrêté de me racontez sa vie tout à l'heure.

 — Les esprits des défunts nous entourent ! raconta la vieille femme en faisant des signes menaçants avec ses mains. Je le sais, je peux leur parler, je peux même les voir ! Et cela depuis mon plus jeune âge ! Ma première apparation fantômatique remonte à si longtemps - j'avais six ans - mais je m'en souviens parfaitement ! Le revenant était...

 — Oh non, elle recommence ! Pitié, pitié, arrêtez-la ! supplia le vendeur de drogue.

 — ... À ce moment-là, j'ai su que la vérité était ailleurs ! Alors, forte de mon expérience, je...

 — FAITES-LA TAIRE !!

 — Wow, je l'ai jamais vu autant en panique, expliqua Marlowe. Madame, madame, stop s'il vous plait !

 — ... et c'est ainsi, en voyant le poltergeist renverser mon pot de mayonnaisse tout neuf (putain j'ai encore la haine !) que j'ai su qu'il fallait que je m'arrache un œil afin de mieux voir le monde des esprits...

 — Elle s'arrête pas hein. MADAME ! Oui, on a compris, c'est bon. Je vous prierai de fermez votre gueule. Hey mais arrêtez là ! Chut !

 — ... et donc voilà, maintenant j'arrive à avoir des rapports avec mon mari huit ans après son arrêt cardiovasculaire. Et depuis qu'il n'est qu'une enveloppe spirituelle, je peux vous assurez qu'il bande plus tout mou comme avant, ahahah, c'est devenu un gros bai...

 Elle s'arrêta net quand elle reçut la giffle de Marlowe de plein fouet.

 — Hé mais... ?! Ah, c'est vous ? Qu'est-ce qui vous prend, j'ai cru que c'était un esprit frappeur !

 — Non.

 — C'est quoi votre problème à la fin !

 — Euh... C'est qu'on s'en branle de vos histoires en fait.

 — Je comprends, pas de soucis, bonne fin de journée à vous !

 La médium ralentit alors le pas pour se retrouver avec de nouvelles personnes à qui parler. Marlowe, interloqué, se tourna vers Magalie.

 — Elle l'a suprennament bien pris.

 — Merci, je te dois une fière chandelle ! le remercia Lucio. Hey, mais... !

 Son attention détourné, Lucio ne remarqua que trop tard Lafritzkriel qui, faisant mine de ralentir sous le coup de la fatigue, l'avait désarmé. Mathilda balança ensuite Pablo vers le nazi. Le saisissant au buste, il s'en servit comme d'un bouclier humain.


 — Héhéhé ! Vous voilà pris comme des rats ! Third Reich Power, bitches !

 — Qu'est-ce que vous faites, là ? demanda Marlowe, consterné.

 — Héhéhé ! Je prends les pleins pouvoirs ! C'est un pustch, bande de nazes ! Vous allez tranquillement rester ici, pendant que moi et ma complice nous nous emparons du magasin POUR NOUS TOUS SEULS ! Héhéhé ! Si qui que ce soit tente de s'approcher, attention, on n'est pas des tendres, nous !

 — Oui, oui, d'accord, ça j'ai bien compris, seulement... Vous prenez un de vos propres gars en otage ?

 — Euh... Oui !

 — Quel plan diabolique ! s'exclama Magalie.

 — Héhéhé !

 — Par contre je suis pas un des leurs, je vous dit ! rappela Pablo. Je ne suis qu'un honnête citoyen dont les mets ne savent pas être appréciés par la plèbe !

 — Oui oui oui, bien sûr... fit le lieutenant.

 — Mais wallah ! s'indigna l'otage.

 — Posez cette arme à terre, Hanz. Ça me posera encore moins de problème d'abattre un terroriste pour vous mettre hors d'état de nuire que d'abattre Lucio.

Marlowe croisa le regard désapprobateur du criminel en manteau noir.

 — Oh ça va, j'déconne ! On peut plus faire de blagues ici ?

 — Si, répondit Lafritzkriel. Mais uniquement si elles sont antisémites.

 — Tiens, d'ailleurs, j'en ai une bonne, pouffa Mathilda en faisant tout son possible pour se retenir de rire.

 — Pas maintenant Mathilda, fit Hanz.

 — Oh bah allez ! C'est toujours le moment pour se moquer des juifs !

 — ... Ouais j'avoue, allez, balance !

 — Pourquoi le juif serre-t-il les fesses quand il reçoit un coup de pied ?

 — Euh attends, on est vraiment en train d'assister à ça ? se figea Magalie.

 — Je sais pas, avoua le vieillard.

 — Pour garder la chaussure !

 — Héhéhé ! Elle est bonne celle-là ! Héhéhé ! Pas mal du tout !

 — C'est pour ça que j'en ai marre de ce monde, expliqua Marlowe.

 — ... Parce qu'en fait ils sont radins ! expliqua Mathilda, plus que nécessaire. HAHAHAH ! LES JUIFS ET L'ARGENT QUOI ! In-dé-mo-dable !

 — Héhéhé ! Je vous aime bien Mathilda.

 — Vous voulez dire... Tout comme les juifs aiment l'argent ?

 — Héhéhé !

 — Ah ! souffla Mathilda en frottant la larme qui tombait de son œil.

 — Héhéhé ! Bon, assez rigolé, on y va nous. Ne jouez pas aux héros !

 — Bon, je les bute ? demanda le lieutenant, qui avait déjà la réponse en tête.

 — Non, il va nous tirer dessus sinon ! lui signala Magalie.


 La situation semblait désespérée. (Si.) Soudain, une voix puissante et lointaine, semblant provenir de derrière un monticule de neige, prononça, d'un air grave :

 — Haut les mains, peau de lapin.

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