10 Juillet 1940 

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Je viens de rentrer de la boulangerie. Comme tous les mercredis, Clara et moi pétrissons du pain pour Mr Jean. Il a besoin de main d'oeuvre, son fils est parti depuis presque un an maintenant. J'ai retrouvé Clara autour de la grande table. Il y avait autant de farine sur la table que sur elle. Elle m'interpella en relevant ses manches lorsque je me mis en face d'elle.

- Alors, c'est vrai ?

Le téléphone arabe du village avait bien fait son œuvre. Oui tout est vrai. J'ai pris une boule de pétris que j'ai lancé sur la table et j'ai commencé à la massacrer. La farine volait dans tous les sens.

- Tu sais, cette pauvre boule de pétris ne t'a rien fait.

Clara a les mots pour me faire perdre mes moyens. Ses cheveux tombés devant ses yeux, elle me fit subir un interrogatoire allemand dans les règles de l'art. Et ils sont comment ? Ils sont combien ? Ils dorment où ? Tu leur as parlé ? Ils sont dangereux ? Ils vont faire quoi de leurs journées ? Ce sont des vrais hommes musclés ?

Je lui ais mis un petite tape sur l'épaule pour lui remettre les idées en place. Il était hors de question que je réponde à ça ! Je ne regarde pas ces hommes comme cela. Je ne regarde pas les hommes du tout d'ailleurs. Puis devant son air interrogateur et pressé, je lui répondis : grands, blonds, yeux bleus. Elle allait devoir se contenter de ça.

- Hum... Tout le contraire de Thomas quoi...

On se jeta un coup d'oeil coquin puis nous rîmes de bon cœur. Mêler Thomas à cette histoire n'allait certainement rien arranger. Pourquoi avait-elle dit ça ?

J'en ai appris plus sur la vie du village. Aidant mes parents à la ferme, il est rare que je me déplace au bourg. J'ai été peiné d'apprendre que Michel Prelot est mort. Paix à son âme. Puis j'ai été soulagé car Maurice Quemeneur revient. Pas en parfait état, mais au moins il est toujours des nôtres. J'ai hâte de le revoir, même si je ne le connais pas beaucoup. C'est toujours un soulagement lorsque des membres du village reviennent. Ah et puis, Madame Larzur est enceinte. Clara trouvera bien vite de qui, puisque Marguerite n'a pas de mari. J'ai hâte de savoir même s'il n'est pas beau de faire des cancans !

Puis pendant qu'on s'occupait des brioches, Clara m'a parlé de Thomas. Encore Thomas. Toujours Thomas. Je lui ai avoué qu'il m'avait demandé de l'accompagner au bal du 15 août. Qu'est-ce que je n'avais pas dit. Clara a rebondi sur l'information et est devenue insupportable. Mais je n'ai que faire de Thomas... Clara, prends le si tu en parles tant ! Elle bloque sur le fait qu'il est amoureux de moi. Tout comme le pense Maman. J'apprécie beaucoup Thomas, mais pas comme cela.

Je viens d'aller voir à la fenêtre ce qui se passe dans la cour. Il y a un tel boucan que je ne m'entendais plus penser. Ils essayent de faire redémarrer l'un de leurs camions, apparemment. Müller, toujours et éternellement dans mon champs de vision à faire son intéressant. J'ai fermé la fenêtre pour avoir un peu de silence. Mais maintenant j'ai trop chaud. J'enrage.

[…] J'ai été prendre ma douche pour me calmer les idées. Mais j'ai dû rouvrir la fenêtre tant il faisait chaud dans ma chambre. On aurait dit qu'on était dans un four. Le mois d'Août va être chaud. J'attends d'ailleurs avec impatience le jour où l'orage va gronder, pour rafraîchir l'atmosphère. Müller travaillait encore sur ce camion qui ne daignait revivre. Il était couvert de sueur et de cambouis. Il a évidemment enlevé sa chemise. J'ai trouvé ça puéril...

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