Spiritualité

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Les jours suivants, Ayana essaya de se faire le plus discrète possible. Elle ne souhaitait pas subir de nouveaux assauts d'une Lauryne très imaginative, ni être humiliée pour ce qu’elle était. Car même si elle n'était pas sûre d'elle, elole savait qu'elle méritait mieux que les traitements octoyés par ses congénères.

Elle s’était mise à la recherche de son observateur afin d’en savoir plus sur lui mais elle n’avait rien trouvé. Ayana continuait d’être seule et plus elle s’enfonçait dans cette solitude, plus elle se détestait.

Souvent le soir, je voyais ses larmes perler silencieusement le long de ses joues tandis que ses deux voisines dormaient profondément. Elle ne cessait de penser, de se rabaisser. Elle se faisait profondément du mal mais c’était ce qui la maintenait encore en vie. Car elle ne ressentait rien d’autre sinon cette peur qui ne la quittait jamais.

Du vendredi soir, elle emporta ses affaires avec elle. Sa mère l’attendait devant le lycée, dans sa petite 206 rouge toute cabossée. Courageusement, son comportement changea dès qu’elle sentit le regard de sa génitrice posé sur elle.

-Ca va ma chérie ? demanda-t-elle. Tu as passé une bonne semaine ?

-C’était vachement plus sympathique qu’à la maison ! mentit-elle. Je me suis fais deux amies, Florine et Cindy. Et les cours sont très intéressants.

Et elle continua de mentir jusqu’à ce qu’elle sente que ça n’en valait plus la peine. Le signal fut donné lorsque sa mère commença à se plaindre et à ne dire que des nouvelles qui la regardait elle. Ayana fut de nouveau déçue de voir que sa mère ne la connaissait pas, tellement pas au point qu’elle n’avait même pas remarqué la comédie que sa fille lui jouait.

-Je ne pourrais pas venir te chercher toute les semaines. C’est beaucoup de trajet et de temps perdu pour nous. SI la semaine prochaine, tu veux revenir, tu n’auras qu’à prendre le train.

Les deux femmes n’avaient jamais été vraiment proches. La maman avait abondamment aimé son fœtus qu’elle avait porté presque 9 mois. Mais les débuts s’étaient révélés difficiles et éreintants. Epuisée, maman n’avait su faire face avec bienveillance aux longues nuits de pleurs de son bébé qui ne demandait que sa présence. Elle l’avait détestée comme si une part d’elle était morte à la naissance de sa descendance. Et plus sa fille grandissait, moins elle avait d’affection à son égard. Elle n’avait jamais compris les sautes d’humeurs, les caprices ou les passions que cultivaient sa fille. Trois ans après sa naissance, Sophie avait rencontré un autre homme, un vieux garçon cherchant à se caser plus qu’à aimer. Il lui avait donné une paire de jumeaux. Il ne lui en fallut pas davantage pour couper réellement le cordon avec sa fille. Les jumeaux étaient les enfants parfaits. Sans Ayana , ça aurait pu être la famille parfaite. Mais il fallait faire avec. Anaya n’était pas une enfant ennuyante, si bien qu’elle se referma trop rapidement sur elle-même, moins aimée qu’elle ne le rêvait. Mais elle ne le partagea à personne.

  • Quarante cinq minutes plus tard, Ayana redécouvrit sa demeure. Elle se sentait chez elle mais tout avait un goût différent. Elle avait prit l’habitude de vivre selon un autre rythme, même si elle se sentait constamment angoissée et malheureuse. C’était comme si elle avait tout découvert des vices de la vie et que mourir lui importait bien peu.

Le château dans lequel elle avait pris vie s’était transformé en un modeste habitat pavillonnaire. Chacun y avait sa chambre et son confort. Mais tout était moins spacieux, moins grandiose, moins brillant, moins luxueux.

Sans dire bonjour à qui que ce soit, Ayana m’embarqua dans sa chambre. Elle poussa un long soupir dès que la porte fut refermée. Elle revivait, inspirant les plaisirs de la solitude. Je ne l’avais pas vu ainsi tout le long de la semaine. Là, elle était vraiment elle. Autrement, jamais elle ne laissait tomber son masque par manque d’amour d’elle-même et de confiance.

Aussitôt, elle sauta sur ses pastels et commença à mélanger les poudres sur sa feuille blanche. C’était toujours impressionnant que de la voir entrer dans cette sorte de transe. C’était plus qu’un exutoire. L’artiste était faite pour cela. C’était sa raison de vivre. Chacune de ses émotions transparaissait à travers les mélanges de couleurs. Elle devenait alors un véritable libre ouvert pour quiconque savait lire entre les lignes.

Dans une sorte de danse, elle ne caressait pas la feuille mais l’arrachait presque. Mélange de fureur, de déception après tant d’espoirs face à un avenir qui ne changeait rien. A quoi bon espérer un bon métier ? Une bonne famille ? Un bel avenir ? Alors que c’était toujours la même chose : les plans étaient très loin des rêves prodigués et racontés.

Une fois son œuvre achevée, elle éclata en sanglot. Elle ne survivrait pas trois années supplémentaires ainsi. Il fallait lui trouver une échappatoire, une source de réjouissance qui puisse lui donner envie de continuer à garder la tête hors de l’eau. Ses pensées étaient torturées, sombres, morbides. Ses traits étaient violents, arrachés, tels les blessures de son cœur.

Le bruit d’un caillou contre sa fenêtre l’interrompit dans les méandres de son âme en souffrance. Elle sortit de sa torpeur. Elle se demandait qui pouvait bien venir la déranger dans sa tour d’ivoire tandis qu’elle ne s’était jamais vraiment liée d’amitié. Ca n'était pas prêt d'arriver d'ailleurs.

Elle afficha un regard surpris. Elle ne mit que quelques secondes avant de sauter sur son sac en m'y enfournant, pleine d'une motivation nouvelle.

-Qu'est-ce qu'il fiche ici ? grommela-t-elle en finissant ed se préparer, jetant un dernier coup d'oeil au miroir, essuyant ses mains souillées sur son pantalon.

-Je sors, cria-t-elle en descendant les escaliers avec la même grâce qu'un éléphant.

Sans même attendre une réponse, la glifle du vent fit frissonner mes poils d'ours.

Durant un long moment, les âmes soeurs se regardèrent sans un bruit. C'était l'un de ces moments si particulier qu'une seconde pouvait durer des heures, sans que le temps ne s'écoule à sa vitesse réelle. Un soupir ou un rêve, le tout était éternel.

-Ayana , murmura l'homme à la drôle d'allure.

Il ne semblait pas souffrir du froid bien qu'il ne portait qu'un simple t-shirt noir sur son dos. Il n'était ni beau ni laid. Vraiment, sans aucune importance. Son teint cadavérique lui donnait un charme unique. On dirait qu'il était mort bien que son coeur battait encore.

-Comment savais-tu que j'habitais là ? demanda ma jeune maîtresse.

-Personne ne me cache quoique ce soit au lycée, sourit-il mystérieusement. Charmante petite maison, commenta-t-il.

-Banale oui. Le voisin a la même ! Et le voisin du voisin également !

-C'est étrange, lorsque je t'observais la dernière fois, je ne pensais pas que tu étais du genre à mépriser les autres.

-Ce n'est pas les autres. Seulement ma famille. Ma mère en particulier. Je serai ravie de t'en parler mais j'aimerais alle rplus loin. Ca ne m'étonnerait pas que quelqu'un nous observe derrière le rideau.

-Comme tu veux, accepta-t-il en haussant des épaules. Je serai curieux de savoir ce que ta génitrice a d'aussi maléfique pour que tu la déteste autant.

Il tourna les talons et commença sa lente procession tandis qu'Anaya le suivit telle une donzelle en chaleur. Elle n'avait pas coutume de se comporter ainsi. Elle se méfier des autres et n'aurait pas suivi n'importe qui. ELle restait fière malgré les hontes et les épreuves qu'elle avait autrefois traversé.

-Tu sais, dit-il, ta mère a beau avoir fait les pires bêtises au monde, elle reste ta mère. Et rien que pour cela, elle mérite ton respect. Je n'ai plus ma mère, expliqua-t-il. Elle m'a mis à la porte dès que j'ai atteint l'âge de 16ans. Et pourtant, si elle faisait un seul pas vers moi, je lui paronnerai tout ce que j'ai eu à subir durant ces longues années. Car on a beau dire tout ce que l'on veut, une maman reste une maman. Et on en a qu'une.

Anaya ne lui répondit rien. Elle n'avait pas encore le recul nécessaire pour voir une once d'amour de la part de sa génitrice. Pourtant je n'avais aucun doute sur la question : Jeannine aimait sa fille mais Anaya lui rappelait bien plus d'une souffrance du passé. Elle était incapable de le lui montrer. Et toutes deux restaient ainsi bloquées sur leurs positions.

-Tu veux qu'on parle de nos mères durant toute la balade ou on peut passer à autre chose ? demanda la jeune fille.

Le mort lui sourit :

-Comme tu veux princesse.

Ils continuèrent leur ascension tandis que le vent se faisait de plus en plus fort. Le ciel lourd de gros nuages gris avait une légère odeur d'infini et de fin du monde.

-Pourquoi tu m'observais la dernière fois ? demanda ma maîtresse.

-Pourquoi tu me cherchais partout ces derniers jours ? répondit-il sans aucune gêne.

Elle rougit. Elle ne s'intéressait pas aux garçons et elle ne les intéressait pas non plus. Mais il suffisait d'une minuscule brèche pour qu'elle s'y plonge corps et âme, se livrant toute entière.

-On s'est regardé la dernière fois et .... J'ai l'impression que tu as lu dans mon âme. Personne ne s'intéresse à moi et ne pose son regard sur moi, comme tu l'as fais. Ca m'a surpris ...

-T'es la fille la plus spirituelle du lycée.

Pourtant elle ne croyait en aucun dieu. Elle avait trop souffert en elle qu'elle ne pouvait se permettre de croire qu'elle était à l'image d'un créateur plus grand qu'elle, un être fait pour aimer et ête aimé. Non, sa philosophie demeurait l'amour de la souffrance car il n'y avait qu'ainsi qu'elle se sentait vivante.

-Tu souffres constamment, continua-t-il. Tu pourrais t'en sortir, tu pourrais être heureuse mais tu aimes avoir mal. C'est la seule chose qui te tienne vraiment à coeur.

-Mais ...

-Inutile de me contredire tu sais. Je suis exactement comme toi. Je t'ai observé toute la semaine à ton insu. J'ai compris que tu étais mon alter égo.

Ayana toute secouée cherchait à comprendre ce qu'il voulait dire:

-Tu m'aimes? osa-t-elle

-Peut être ? Je ne te connais pas encore pour savoir si je suis amoureux de toi.

Ils se turent un instant. Ils faisaient face à un champ aussi vide que leur coeur. Et ils observaient simplement. Puis il approcha ses lèvres de celles de ma petite maîtresse et l'embrassa à pleine bouche.

-Au fait, moi c'est Arold et toi, qui es-tu mon Ayana ?

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