Narcis Parker (46)
Mardi 12 avril, 21h55.
Je gare ma voiture à l'entrée du parking de la prison, pile à l'heure. Il faut dire que j'ai une sacrée motivation à l'intérieur.
J'espère que ma demande de journée de repos pour mon prisonnier a été acceptée. Je suis vachement fier d'avoir instauré mon petit principe de psy-Narcis avant ces événements. Ça me donne plus de légitimité. J'espère aussi qu'ils l'ont pas fait chier et qu'il a pu rester bouclé dans sa cellule, pour être sûr de pas recevoir de visite inopportune. Il manquerait plus que cette raclure de Beckett revienne une seconde fois pour le traumatiser.
Je pense que Daniel a compris qu'on prendrait notre temps pour réparer. J'ai rien fait pour lui faire passer le message inverse, en tout cas. Je m'attendais déjà pas à ce qu'il soit si entreprenant avant tout ça. C'est seulement horrible de le voir si perdu désormais.
Je passe la grande porte d'entrée dans mes pensées, je fais signe à Amélia et Julien sans vraiment avoir la tête à ça ; je vais directement au vestiaire pour me changer. J'ai emmené des petites granules pour se détendre et aussi un pshit à mettre dans la bouche, des fleurs de Bach, exprès pour la relaxation. On sait jamais, si ça peut l'aider. Je me doute bien que le flacon vaporisateur ce sera sûrement pas pour maintenant, mais autant essayer. Je fourre tout ça dans ma poche, bien à l'abri, puis je referme mon casier avec mon sac à l'intérieur. Je prends ensuite une grande inspiration, c'est parti pour le changement de poste !
Quand j'arrive au rapport, on me dit qu'il y a rien de nouveau. Guillaume me prévient que Dan a effectivement été exempté aujourd'hui, et qu'il avait l'air bien content de rester dans sa cellule. On me dit aussi que Casta a toujours pas voulu sortir de la sienne.
Du coup, je prends rapidement un papier sur lequel je griffonne quelques mots, puis je m'en vais faire ma ronde. En passant par la cellule de mon prisonnier, je glisse la petite feuille, puis je m'en vais directement chez Casta.
Quand je toque et que je signale que c'est moi, je l'entends me dire d'entrer. Ça me fait sourire. Il va déjà un peu mieux. Je m'avance puis referme derrière, la pièce est sombre, moins qu'hier toutefois à cause de la pleine lune.
- Bonsoir chef, il dit doucement.
Il est assis en tailleurs sur son lit. Je lui offre un sourire, beaucoup plus grand que la dernière nuit, puis je ferme un oeil pour savoir la marche à suivre.
- Faites ça, fermez les yeux.
Il baisse les siens. Ses marques sont encore pires qu'hier, il a littéralement des bleus partout.
Je pince les lèvres et obéis, les mains en avant pour qu'il me guide. Je l'entends bouger et sa main valide saisit la mienne pour m'aider à m'asseoir sur son lit.
- Tu peux te déplacer comme tu veux ? je demande, la voix teintée de temporisation.
- Je dois faire attention. Mais c'est déjà mieux qu'hier.
Je hoche la tête, les paupières obstinément closes.
- Vous avez bien dormi chef ?
- Pas tellement. Vous êtes tous en mauvaise santé, ça me donne du souci.
- Désolé chef. Y a d'autres gens qui vont mal ?
- Da- Jordan va mal.
- Pourquoi ?
Je sens son souffle qui s'accélère d'un coup.
- Il lui a fait pareil ?!
- Sûrement pas… pareil. Il a du mal à faire passer les choses dans sa bouche, je murmure en caressant ses doigts.
- Il a violé sa bouche ?
Je pince les lèvres. J'ai l'impression que mes larmes montent tout à coup.
- Ça doit être difficile pour vous chef de voir ça et de rien pouvoir y faire, il chuchote.
- Très, je fais dans un souffle avant de reprendre une respiration que j'espère normale.
- Je voulais pas enfoncer le couteau. J'avais pas, je savais pas qu'il lui avait fait ça... J'ai cru que c'était qu'à moi.
- C'est pas grave. Tu t'es soigné à nouveau ?
Je tourne la tête vers lui, il a un léger mouvement de recul, pourtant j'ai les yeux bien fermés.
- Oui. Ça va beaucoup mieux...
J'acquiesce. Tant mieux pour lui. Il est bien amoché.
- Chef, je... J'irai le voir demain.
- Il aimerait beaucoup.
- Oui. Si j'avais su... Vous savez s'il ira travailler ?
Je secoue la tête.
- C'est pas sûr, mais peut-être. C'est gentil à toi, Nicolas.
Je lui souris doucement puis je papillonne des yeux pour les remettre d'aplomb.
- Regardez pas ! il dit d'un coup. Désolé...
Je lève tout de suite les mains au ciel.
- J'ai rien regardé !
- Je, j'vous crois…
- Dan pourra te voir, demain ? je dis plus calmement en m'asseyant comme je peux en tailleurs.
- Oui. Je crois qu'il comprendra.
Je hoche la tête. Bien sûr qu'il comprendra.
- Je suis blessé physiquement, mais lui ça doit être autre chose, hein ? Il le lui a jamais fait avant ?
- Si. Si, mais pas à ce point. Je crois que je l'ai jamais vu tant, tant humilié et rabaissé, je souffle.
Ça me fait encore plus de peine quand je le dis à voix haute. Je sens qu'il hoche la tête à côté de moi. Et je sens aussi qu'il est pris par l'émotion.
- Quand on nous parle de ça... Ces trucs qui se passent ici, on se dit que c'est des légendes... (je pince les lèvres pour retenir mes propres sentiments). Malheureusement les histoires des douches sont bien proches de la vérité... je soupire, puis je reprends avec un peu plus d'entrain ; Dan m'a raconté que tu lui avais donné des conseils.
- Ouais, il rit un peu. C'était bizarre de me dire que c'est vous qui en profiteriez chef.
Ça me fait sourire de voir un peu de bonne humeur.
- J'en ai bien profité, je le nargue, puis je me rends compte que c'est peut-être maladroit. C'est lui qui est venu te voir ?
- Oui. (Il se tait un petit moment). Il était vraiment mignon chef. Il voulait vraiment apprendre, comme si c'était soit juste soit faux.
Ça me fait sourire comme un idiot.
- Il est vraiment mignon. C'est gentil de lui avoir donné ces conseils.
- Il me faisait peine à voir... Je pensais pas qu'il dirait que ça venait de moi. Je pensais qu'il ferait comme s'il était devenu génial par hasard.
- Hé ! Il était très bien avant ! je rigole. Il était pas trop gêné ? je m'enquiers. Comment ça s'est passé ?
- Pas du tout. Il m'a demandé très sérieusement de lui donner toutes les techniques pour donner le meilleur orgasme de tous les temps. Je lui ai montré.
Je l'entends sourire. Je mordille ma lèvre. J'ai trouvé le meilleur amant.
- Toutes les techniques, hein ?
Ça me donne beaucoup de joie, d'entendre ça. Même si je sais que c'était avant, ça me fait chaud au cœur.
- Je lui ai pas tout montré. Sinon il risque pas de revenir me demander. (Je l'entends encore sourire). Je lui ai donné des astuces, sur ce qui est bien ou pas à faire. Il s'est bien débrouillé ?
- Ouais. Ouais, super.
Je pince encore les lèvres en y repensant. Il faudra que je remercie Dan encore.
- Qu'est-ce que t'as dit, qui est pas bien ?
Je suis tenté d'ouvrir les yeux, mais je le fais pas. J'attends.
- Qu'il fallait pas mordre, il rit.
Je hoche la tête et lui souris toujours, ma main passe sur son avant-bras en le frôlant. Je sens qu'il a l'air d'hésiter sur quelque chose, il se tortille un peu.
- Vous pensez qu'il ira bientôt bien ? il demande finalement.
Je remonte mes mains pour cacher mes yeux puis je les ouvre pour les détendre un peu. C'est pas vraiment agréable de les tenir fermés comme ça.
- Je sais pas. Je, je pense pas qu'il ira bientôt, non… je souffle avant de fermer à nouveau les paupières et de relâcher mes mains.
- D'accord. Mais il le faisait avant, ces trucs. Malgré... Ça m'a surpris quand même. Qu'il ose. Alors y a de l'espoir...
Je hausse les épaules. Si seulement je pouvais savoir si les dommages psychologiques pourront réellement s'en aller... Il soupire et pose sa main valide sur la mienne.
- Je sais pas quoi faire Nicolas, je lui chuchote.
- Être là pour lui et le soutenir, c'est déjà tout.
- Bien sûr. Bien sûr.
- On peut pas faire d'autres choses pour ça, chef...
Je soupire fort. J'ai l'impression qu'on me pousse à bout tous les jours. Que le sort s'acharne sur nous tous, ici. Sur eux.
- Je... Il a de la chance de vous avoir. Ça doit vraiment beaucoup l'aider.
- Il a de la chance de vous avoir. Nous tous. Ça leur fera plaisir de te revoir demain.
- Je vais revoir que lui demain...
Je fronce les sourcils.
- Mais, et Duncan ?
- Je veux surtout pas qu'il me voit comme ça.
- Quoi ? Pourquoi ? Je croyais que tu m'avais dit qu'il essayait de te revoir, hier ?
- Et il a encore essayé… (J'entends son hésitation). Mais je veux pas, Wilson est un type fort, il se laisse pas marcher sur les pieds, il a envoyé à l'hôpital dans un état grave le seul type qui a osé essayer de le contraindre, vous savez...
J'étais pas au courant de ça. J'ai l'impression que je suis jamais au courant des hospitalisations ou de ce genre de choses.
- Tu crois que... que quoi ?
J'ai presque ouvert les yeux par réflexe, mais je me retiens encore.
- Je crois qu'il aura pitié ou honte. Qu'il me trouvera faible. Je veux pas qu'il me voit comme ça.
Je mordille ma lèvre. J'hésite.
- Mais s'il a envie de te voir…
- Je veux pas qu'il me déteste, et encore moins qu'il veuille me venger.
- Tu penses vraiment qu'il pourrait te détester... ? Tu veux que j'aille le voir ?
Je lui demande, mais je suis à peu près certain qu'en sortant je me dirigerai directement à sa cellule.
- Non...
Je hausse les épaules.
- J'irai le voir. Savoir comment il va, lui aussi, j'annonce. Tu veux que je reste encore un peu ? Tu veux me parler d'autre chose ?
- Non, allez pas le voir, s'il vous plait, il va croire que c'est moi, s'il sait- s'il pense que je m'inquiète ce sera encore pire…
- Tu t'inquiètes ? je hausse un sourcil et mon coin de lèvre suit le mouvement.
- Non !
- Je peux pas le laisser seul dans sa cellule sans nouvelle, Nicolas. Tu lui réponds à la porte, au moins ?
J'ouvre légèrement l'oeil, juste pour voir à travers les cils.
- Non.
Il a les yeux baissés, alors je referme les miens.
- C'est pas correct, Nicolas. Il s'inquiète lui.
- Vous en savez rien…
- J'irai lui demander.
Je hausse les sourcils en voulant lever les yeux au ciel.
- J'irai voir Duncan. Il en a le droit lui aussi. Tu sais qu'il a gardé le portrait de vous deux ?
Je me décale pour aller m'appuyer au mur à tâtons, les jambes désormais allongées sur son matelas.
- Vraiment ?
- C'était peut-être un secret. Je sais que j'y ai pas eu droit, en tout cas.
J'entrouvre à nouveau l'oeil droit pour voir à travers les zébrures noires de mes cils. Il a les joues rouges sous ses bleus et ses égratignures. Il tripote nerveusement sa couverture. Il a un petit sourire.
- N'importe quoi. C'est juste qu'il devait se trouver beau dessus…
- Vous y étiez beaux tous les deux. Je suis sûr qu'il l'a pris pour ça.
- Je suis sûr que non. Il aime pas les hommes.
Je hausse les épaules et referme ma paupière.
- Je peux ouvrir les yeux ?
- Pourquoi ?
Je sens qu'il est tendu de nouveau.
- Comme tu veux.
Je lui fais un sourire rassurant en replaçant mes cheveux correctement sur ma tête.
- Tu veux que je reste encore un peu ? Quelle heure il est ? je l'interroge en tendant mon poignet où se trouve ma montre.
- Vous pouvez regarder… il se résigne.
- Demain, si tu préfères. Je pourrai remettre de la crème. Si tu veux.
- Non, non. Je me débrouille. Je veux pas qu'on me touche chef. Désolé.
- Pas de problème.
Je me relève lentement pour être sûr de pas tomber, même si la cellule est quasiment identique à celle de Daniel que je connais par coeur.
- Vous pouvez les ouvrir si vous me tournez le dos.
Comme je suis debout et que le lit est derrière moi maintenant, je les rouvre. Je l'entends soupirer.
- Allez voir Twist. Il devrait être votre priorité. Je suis sûr que ça lui fait peur de pas vous voir arriver, il tente une dernière fois.
- Il sait que je suis passé par ici avant.
- Ah…
- Bon. Bonne nuit Casta, je finis par dire après un silence, en me dirigeant à la porte.
Il doit pas être très tard. Il me souhaite une bonne nuit aussi et je pars sans pouvoir m'empêcher de soupirer. J'aimerais que les choses aillent plus vite qu'elles le sont, parfois.
J'arrive devant la cellule de Wilson, qui m'ouvre rapidement. Il me demande si tout va bien et je fais un signe de tête en lui retournant la question. Il hoche la tête et retourne à son bureau en me laissant la porte ouverte.
- Qu'est-ce que tu faisais ? je l'interroge de là-bas.
- J'écrivais pour ma famille.
- Ta maman ?
Je fais un pas de plus, histoire de pas être totalement dans le couloir.
- Aussi.
Je croise les bras et m'appuie à la paroi.
- Je voulais te donner des nouvelles de Nicolas.
- Il va bien ?
Il se redresse d'un coup pour me faire face.
- Il va mieux.
- Dites-moi, s'il vous plaît.
- Il était bien amoché. Il te verra sûrement dans quelques jours. Mais il s'améliore progressivement.
- Pourquoi il veut pas me voir ?! il s'énerve d'un coup.
- Il en a pas envie, c'est tout. C'est dur pour lui. Il était vraiment amoché.
- Raison de plus pour me laisser le voir ! (Il serre les poings). C'est Beckett qui a fait ça ?!
- Je t'ai déjà dit de rien faire de répréhensible, Duncan, je soupire en faisant allusion au mot que j'ai laissé sur le dessin fait par Daniel. Il prend son temps pour récupérer, tu le verras quand il se sentira prêt.
- Et quoi, j'attends sans rien faire en attendant ?! Putain !
Il tourne en rond dans la cellule. Je l'ai jamais vu autant en colère. Je le regarde faire sans rien dire, bras croisés à sa porte.
- Faites en sorte que je puisse le voir.
- Il te verra quand il y sera près. Pas avant après-demain. Tu peux toujours aller lui parler à sa porte. Il l'écoutera. Il en a sûrement besoin. De renforts. Même s'il te voit pas.
- Pourquoi il veut pas me voir ? J'ai fait quoi ?!
- Calme-toi Duncan ! je crie plus fort que lui, menaçant. Il veut pas se montrer, ok ? Tu comprends ce qu'il lui est arrivé ?!
- Je comprends pas qu'il refuse mon aide !
Il frappe dans son mur et je vais tout de suite l'empêcher de se faire du mal, collé à son dos, son bras tordu entre nous.
- Arrête ça, je grogne à son oreille.
- Quoi ? C'est ça qu'il veut ? Que je sois mal en point aussi ? Il acceptera de me voir comme ça ?! Il a peur de quoi bordel ?!
- Calme-toi, je lui répète en resserrant son bras plus haut pour lui faire mal.
J'ai l'impression d'arrêter un suspect récalcitrant.
Il se détache de moi d'un coup d'épaule et va s'asseoir sur son lit, les mains jointes devant lui. J'attends en roulant ma propre épaule. Il m'aurait presque fait mal ce con.
- Quoi ? il demande avec un regard sombre. Si vous voulez rien me dire d'autre, barrez-vous.
Mon sourcil se soulève et je me détache du mur jusqu'à la porte. Quel con. Voilà ce qu'on gagne à rendre service aux autres. Il relève pas les yeux sur moi, il a le visage rouge et les veines qui ressortent. Une fois la main sur la poignée, je me décide à reprendre la parole.
- Je suis sûr que ça lui fait plaisir que tu viennes à sa porte, même s'il le montre pas directement. Et ça lui ferait aussi plaisir de te voir quand il sera prêt à sortir. Ce serait bien que tu sois là. Et pas ailleurs parce que t'as fait une connerie.
- Ouais. S'il veut bien me voir ouais.
Il serre encore les poings. Ça me fait soupirer. Je serais bien parti comme ça, mais j'ai peur qu'il fasse un truc et que j'aie des remords ensuite. Je m’avance à nouveau de quelques pas.
- Il voudra bien. Quand il sera prêt à voir quelqu'un comme toi. À en parler à quelqu'un. Je l'ai toujours pas vu, Duncan.
- Et si moi je suis plus prêt quand il se décidera hein ?
Je fronce les sourcils sans vraiment comprendre. Je fais encore quelques pas, je lui demande des yeux si je peux m'installer à côté de lui, puis mes fesses se posent sur le matelas.
- Pourquoi tu le serais plus ? je demande gentiment en penchant la tête vers lui.
- J'me sens putain de trahi. Il me fait même pas confiance.
Je roule des yeux.
- Il raisonne pas vraiment comme ça en ce moment. On peut pas prévoir la réaction des gens, même proches de nous. Il a pas pu se défendre comme toi tu le fais, Duncan.
- Ben je vais l'aider alors ! Mais je dois le VOIR pour ça !
- Mais il veut pas d'aide ! T'en voudrais toi ? Ta fierté accepterait ça ? C'était y a deux jours Duncan ! je fais en haussant le ton, emporté dans mon élan.
- De sa part oui ! il crie.
J'essaye de pas me laisser déstabiliser, mais ce mec en impose.
- Pourquoi tu as besoin de le voir, de toute façon ? Tu l'aides bien en lui parlant.
- Je veux pas que tout le monde entende ce que j'ai à dire ! Je veux pas crier à travers une porte !
Il se lève et recommence à tourner en rond.
- Écris-lui, je dis simplement en haussant les épaules.
- Je veux pas lui écrire je veux lui parler.
On dirait qu'il souffle du feu.
- Quelle différence ? Tu peux lui dire les mêmes choses.
- Non. Vous savez quoi ? Vous avez qu'à parler que par mots avec Twist pendant une semaine ! Vous me direz si c'est la même chose, il crache.
Je l'observe un moment sans rien dire, sourcils haussés. Même s'il est bouleversé ou je sais pas quoi, c'est pas la peine d'agresser le messager. Ça m'énerve. Je fais ça pour eux, pour que tout le monde aille au mieux et je me fais jeter. Autant aller voir Daniel qui doit m'attendre avec impatience, je passerai un meilleur moment qu'à me faire crier dessus ici. C'est ce que je fais, d'ailleurs. Il ajoute rien en me regardant passer la porte.
Je file vite jusqu'à la cellule de mon petit prisonnier, pas si loin de celle de Wilson, et j'y toque tout doucement, comme je faisais avant, juste avec le bout de mes doigts. Je l'entends déverrouiller son côté et mon sourire devient grand en une seconde à peine lorsque je pousse la porte.
Dès que je suis dedans, je sens tout de suite, avant même de la voir, une masse qui se réfugie dans mes bras. Je la serre fort contre moi, peut-être trop, mais je suis si heureux de le retrouver enfin. Je prends même une grande inspiration pour être sûr de bien saisir l'instant. Il respire fort, lui.
- J'ai eu congé, il murmure.
Je le plaque plus fort encore.
- C'est vrai ? Tu as pu te reposer ? C'était bien ? C'était ce que tu voulais ?
- Ouais. Ça m'a fait du bien. Et personne est venu m'embêter, il souffle.
- Cool. Je suis content.
J'embrasse son crâne puis j'y pose le menton en fermant les yeux.
- J'ai réussi à manger un peu. Ça va mieux.
- Super. Y avait quoi ce soir ?
Je l'éloigne doucement pour le regarder en souriant, la main sur sa hanche et le pouce qui l'y câline.
- Du poulet et du riz.
J'ai une envie folle de l'embrasser, d'un coup. Juste pour lui faire passer mes sentiments autrement. Mais je m'éloigne à la place en tirant ses doigts entrelacés aux miens vers le lit.
- T'en as eu du temps aujourd'hui. Qu'est-ce que t'as fait ? Du dessin ? Oh, j'ai vu celui que tu voulais me donner, ce matin quand tu dormais. Il est superbe. Mais il vaudrait peut-être mieux que je le récupère. Qu'il reste pas... ici. Et je le veux, en plus ! Il serait magnifique en face de mon lit. J'ai pile la bonne place, je crois.
Je suis le plus enthousiaste possible en m'asseyant, je lui fais signe de faire pareil.
- Oh, je voulais te voir le découvrir... Oui, prends-le. Je l'ai fait pour toi. Avec tout ce que je ressens.
- Super. Je l'admirerai avec tout mon amour depuis mon lit.
Je lui colle un baiser sur la joue quand il s'abaisse un peu.
- J'ai amené des petits trucs pour toi. Je te préviens, c'est pas joyeux.
- Ah. D'accord, il murmure en s'asseyant enfin.
Je sors mon flacon et mes petits tubes verts de ma poche, ils glissent sur le matelas.
- C'est des trucs de plantes. Pour se relaxer, tout ça. Si jamais t'en as besoin.
- D'accord. Ça marche comment ?
- Ça- (J'attrape les deux tubes qui font du bruit). C'est des granules. Tu tournes le bout là- (Je le fais, ils étaient déjà ouverts). Et ça fait tomber les granules dans le récipient, et tu les suces, t'attends qu'ils fondent dans ta bouche. Et l'autre c'est un pshit. Des fleurs de Bach, y a un peu d'alcool dedans aussi. Pas de quoi se murger, quand même. Tu peux peut-être le prendre autrement, en pshitter dans un verre peut-être. C'est six maxi par jour. Enfin tu peux plus, si tu veux.
- Ou-ouais… (Il baisse les yeux et se mord la lèvre). Merci.
- Je suis désolé, j'ai trouvé que ça en si peu de temps. J'ai pas de, de patch ou quelque chose dans ce goût-là, j'hésite. C'est une connerie ? T'es pas obligé. T'iras bien sans, je dis en les reprenant déjà, ils finissent dans ma poche à nouveau en une seconde.
- Non, non, c'est... Merci. Rien que le fait de savoir que t'as pensé à moi, ça me fait du bien...
Je hoche la tête. Cette situation me stresse de plus en plus. J'ai toujours peur de l'état dans lequel je vais le trouver et le laisser. Je fais mon possible pour laisser mes ongles en place, sinon je sais que je vais encore avoir un problème à les ronger jusqu'au sang.
- C'est bon. C'est rangé. On en parle plus, je murmure en me relevant.
J'ai l'impression qu'il faut que je marche, j'ai une montée de stress d'un coup.
- Pars pas ! il s'écrie.
Je me retourne tout de suite en faisant signe que non. Il a la respiration hachée, d'un coup. Comme si son comportement s'était complètement modifié en une seconde. Il a l'air sur le point de pleurer, je me rapproche vite, à genoux devant lui.
- Dan, je reste. Je voulais juste marcher, je reste avec toi maintenant, je murmure en caressant sa joue, les yeux dans les siens.
- Ouais, d'accord. Ouais… (Il serre mes mains). J'ai vraiment besoin que tu restes.
- Je sais. Je serai là.
Je lui souffle quelques mots en me rasseyant à ses côtés, ses mains douces entre les miennes.
- J'arrête pas d'y penser, j'ai besoin de penser à autre chose…
- Est-ce que... il s'est passé autre chose, ce jour-là ? j'hésite.
- Comme quoi ? il pince les lèvres.
- Je sais pas. N'importe quoi d'autre. Des paroles, des gestes…
- Des paroles, des gestes. Ouais.
Je l'observe encore avec des yeux grands et attentifs. J'attends de voir s'il m'en dit plus. Il baisse le regard.
- Tu veux vraiment des détails ?
- Si ça te paraît important…
- C'est important. Mais c'est pas... C'est pas...
Je fixe toujours ses beaux yeux. Je me demande dans quel état il est, à l'intérieur. Comment ça va guérir. Puis je m'approche, main sur son oreille et sa joue - pas sa nuque ce serait trop maladroit, même pour moi - et je pose mes lèvres sur sa peau, d'abord sur sa mâchoire, puis une seconde fois au coin de sa bouche.
- C'est comme tu veux 'Dan, j'y souffle, yeux fermés, avant de m'éloigner lentement pour revenir à ma place d'origine.
Il a le regard effrayé et il respire encore difficilement. Il hoche légèrement la tête.
- Il a dit des mots dégradants. Comme d'habitude mais, là... Là c'était... C'était pire, plus méchant et violent, plus... Vraiment pire.
Ma main câline ses cheveux lentement.
- Est-ce que... il a fait une allusion à nous ? À moi ? Aux gardiens ou à Casta ?
- Oui. Il a dit que j'étais la pute de tout le monde de toute façon.
Je pince les lèvres. Salopard.
- C'est pas vrai, tu le sais hein dan ? Tu l'as pas cru, mh ?
- Non. Je sais que j'aime que toi, et qu'on a pas cette relation. Ça fait mal quand même…
- J'imagine. On a pas cette relation... Je veux jamais que tu te sentes comme ça, Danny. Ni par rapport aux autres ni par rapport à nous deux. Ok ? Je suis désolé pour ça. Vraiment, le plus sincèrement du monde, je murmure en posant mon front au sien.
- Je, je sais. Ce qui fait mal c'est que, qu'il dise que ça lui donne le droit d'en profiter aussi, et surtout qu'il me donne cette réputation auprès des autres détenus. Et ça me fait peur. Y en a un qui est venu me demander ce service l'autre jour…
Il pince les lèvres. J'ouvre grand les yeux, déjà au garde à vous.
- Quand ? Hier ? Y en a eu d'autres ? Ils ont, ils ont été corrects ? Ils sont repartis ?
- Ouais. Hier. Juste un. Il m'a fait un peu de rentre dedans et j'étais vraiment pas d'humeur à l'envoyer chier gentiment, il souffle. Il m'a traité de traînée et il est reparti.
- Qui ? Tu te souviens de son nom ? (Je mordille ma lèvre). Comment... Comment je peux faire pour ça ? Pour qu'ils... pensent pas ça ?
- C'est fini maintenant. Ma réputation est faite. J'ai perdu ma crédibilité. C'est à moi de la retrouver, il murmure.
Je suis à l'affût de ses moindres paroles.
- Comment ?
Il hausse les épaules.
- Je dois me montrer dur.
- Avec... Avec les autres détenus ? Comme... Être comme avant ? Ou, ou avec les gardiens... ?
- Non, avec les détenus. Les gardiens ça choque pas, faut se les mettre dans la poche...
Je hoche la tête en pinçant les lèvres. C'est pas l'idéal, qu'il fasse le dur avec les autres en ce moment.
- C'était, ouais. Faudra que je m'occupe de ça si je veux pas que ça empire encore…
- Ok. Bien sûr.
Je détourne un peu les yeux, c'est difficile de le regarder mettre tout le travail qu'il avait effectué jusque là en l'air, juste à cause d'un pauvre connard.
- Quoi ? Je devrais, je devrais laisser ça comme ça ? Tu veux ça ? C'est mieux ?
J'ai chaud, d'un coup.
- Non, non. Fais ce qu'il te semble le mieux. C'est important que tu passes pas de trop mauvaises journées alors... Fais ce qu'il faut faire.
Je soupire, ça me tue cette situation. Lentement je penche mon dos pour m'appuyer au mur derrière moi, mains croisées sur mon ventre.
- Je veux sortir Narcis.
J'ai fermé les yeux.
- Je sais.
- Je veux pas rester encore au moins quinze ans.
Ma main cherche la sienne timidement.
- Peut-être neuf…
- Je peux pas rester neuf ans non plus…
- Quel autre choix… je soupire en serrant ses doigts petits à petits.
Il pince les lèvres et se couche, tête sur mes genoux, regard en direction de la porte.
- Danny... je soupire. Peut-être que ça sera moins. Rien n'est définitif.
- Je veux venir chez toi. Je veux voir où t'as mis les tableaux, je veux savoir comment est le lit dans lequel tu dors et ce qu'il y a dans ton frigo.
- Peut-être que je…
- Jamais tu pourrais. Ils me laisseraient pas sortir.
- Tu crois ? Peut-être pas... On prendrait les précautions qu'il faut.
- Tu penses à quoi ?
- Une sortie organisée. Avec des agents. Julien de préférence. Ça doit bien être possible.
- C'est possible ouais, pour les types qui se préparent à la condi... Mais ça risque pas de m'arriver avant dix ans.
Je mordille ma lèvre.
- Je verrai, ok ?
- C'est toi qui m'as eu ce jour de congé, hein ?
Je hoche la tête lentement, puis je la tourne vers lui en faisant un petit sourire.
- J'en étais sûr, le coin de ses lèvres se relève aussi.
- Cool. Je suis content que ça t'ait fait plaisir.
Je mords ma lèvre pour me retenir de trop sourire cette fois, je suis tout joyeux qu'il me donne cette expression. J'ai envie de l'embrasser partout.
- Ça m'a fait du bien. J'étais pas prêt à affronter encore les autres. J'ai juste eu à sortir pour le repas. Et personne est venu dans ma chambre.
- C'est parfait ça. Je suis vraiment content que ça se soit bien passé, Danny.
Je m'approche un peu de lui en hésitant, puis je pose mes lèvres avec le plus de douceur possible sur sa joue. Il a tressailli une seconde et il s'est détendu ensuite.
- Ça me dérange pas. Que tu m'embrasses, il murmure. Il m'embrasse pas lui, alors j'assimile pas tes baisers à ça. C'est juste... Ma bouche.
- Je l'aime toujours autant, je murmure, front contre front avec lui.
Ma main caresse sa nuque lentement, mes yeux sont fermés.
- C'est moi qui l'aime plus.
- Tu apprendras à l'aimer à nouveau. Elle est belle… (Je passe mon pouce lentement sur sa lèvre inférieure). Et nettoyée.
Il frissonne et pince les lèvres. Il secoue la tête. Je refais mon mouvement.
- Tu doutes de mes pouvoirs magiques ?
- Narcis, tu dois comprendre… il murmure.
- Quoi ? je souffle tout bas contre lui en caressant sa peau.
- Il avait jamais fait ça avant.
Mes sourcils se froncent, mon corps se tend. Il m'avait pourtant dit que c'était pas la première fois. Non ?
- Il a jamais fait ça jusqu'au bout. Il m'a jamais forcé à avaler ça. Je, je l'avais jamais fait.
Je laisse mon corps se pencher en arrière en soupirant, mon petit monde retombe.
J'y avais pas réfléchi comme ça, mais si j'y avais pensé, j'aurais compris. Il veut plus avaler, le mec lui a pas fait mal au cul. Je me doute bien qu'il s'est pas fini tout seul.
Qu'est-ce que je suis censé faire, maintenant ? Je suis pas formé pour ça. J'ai aucune compétence et je fais des trucs débiles, comme avec ces cachets. Je suis nul pour gérer ça.
- Il faut que t'ailles en parler au psy. Genre... De tout. Tu y es allé quand, la dernière fois ? je demande en rouvrant les yeux sur lui. Daniel... Je suis tellement désolé.
Une larme glisse sur ma joue. Je peux pas m'empêcher de me dire que c'est en partie de ma faute - ça l'est - même si je sais bien que sans moi ça aurait été pire ou pareil. Il secoue la tête.
- C'est pas ta faute, il murmure comme en réponse à mes pensées. Je peux pas parler de ça au psy. Tu sais bien…
- Fais-le. Il faut que tu le fasses Dan.
- Je peux pas. Je risque trop, je peux pas. Et s'il propose de me changer de prison hein ?
- Tu dis non. Ou oui.
- On me demandera pas mon avis.
- Il faut bien que tu en parles à quelqu'un. Tu peux pas... rester comme ça…
- Je t'en parle à toi.
- Mais tu me dis pas forcément tout ce que tu dirais à quelqu'un d'autre...
Mes doigts se posent sur sa main et je la caresse en l'observant.
- Je te dis plus qu'à n'importe qui d'autre…
- Mais c'est pas pareil.
Je fais attention à pas appuyer sur sa nuque en m'approchant à nouveau de lui, puis mes lèvres se posent encore sur sa joue, un peu plus proche de ses lèvres, sans rien tenter. Juste comme ça.
- Je veux pas parler de ça à quelqu'un d'autre. J'ai trop honte…
- Un psy te juge pas, chéri, je murmure en caressant sa joue. Ça te ferait du bien... Mais, si tu veux pas... Tu peux toujours m'en parler. Me dire ce que t'as sur le cœur. Je peux juste t'écouter, si tu veux. Même si tu me dis des trucs que tu penses bête.
- Je... Je culpabilise Narcis. J'ai l'impression de te trahir en me laissant faire.
- Pense pas comme ça amour. C'est pas la peine de culpabiliser pour ça. Je sais bien que tu peux pas faire autrement.
Mes doigts caressent ses cheveux avec tendresse. C'est bien la dernière chose à laquelle il doive penser.
- Je suis obligé d'y penser… il murmure. Je pourrais essayer de lui casser la gueule et en finir....
J'ajoute rien de plus, je continue seulement de câliner son crâne. Il a l'air de réfléchir à l'idée, ses yeux regardent le plafond gris de sa cellule. Je soupire. Tout semblait pourtant bien aller, et là...
- Tu veux pas te coucher avec moi ? je chuchote à Dan.
- Si tu restes, oui.
Il se décale et me fait de la place.
- J'ai une bonne nouvelle… je murmure à son oreille, une fois qu'on s'est tous les deux couchés sur le côté, moi collé dans son dos. Nicolas et toi allez vous voir demain.
J'embrasse sa nuque. Ça me manque un peu, ces petits gestes. Surtout en le voyant si près. Il tressaille doucement, avant de hocher la tête.
- C'est vrai ? T'as réussi à lui faire comprendre que c'était le mieux ? T'es génial.
Ma main part caresser son ventre.
- Il veut te voir aussi. Il savait pas que tu étais pas au top non plus, je murmure avant de déposer quelques baisers de plus sur sa peau.
- Tu lui as dit ?
Je balance ma tête de haut en bas en nous collant un peu plus l'un contre l'autre.
- T'as dit quoi ?
- Je me souviens plus. Que t'étais pas bien, que tu mangeais mal, je ronronne en caressant encore son ventre de mon pouce.
- D'accord... Je veux pas qu'il ait pitié de moi. Je veux pas qu'il vienne pour ça.
- Il vient parce que vous en avez besoin tous les deux.
- D'accord…
Il soupire. Il pose sa main sur la mienne et la serre. J'embrasse sa nuque puis son cou en réponse. J'adore ça. Il se laisse faire, il étire le cou même. Il souffle, j'entends sa respiration.
- Parle-moi... je l'encourage en survolant sa peau de mes lèvres.
- Ça fait du bien de te sentir proche de moi. Ça remplace les mauvais souvenirs.
J'acquiesce en continuant mes baisers, je penche doucement sa tête à partir de ma main sur son front pour pas le brusquer ; ma bouche finit dans son cou, lui allongé à demi sur le dos. Je sens qu'il frissonne, j'ai encore du mal à savoir si c'est d'aise ou au contraire de malaise... Et il a pas l'air de vouloir me le dire de lui même, alors je me résous à poser la question.
- Ça va... Je, je sais pas moi-même... Ça me manque. Ça m'a manqué. C'est bizarre.
Je soupire doucement en me rallongeant sur le dos à mon tour.
- Dis-moi ces choses... je sais pas jusqu'où je peux aller.
- Moi non plus je sais pas. (Il se rappuie contre moi). Continue.
Je l'observe un instant, puis j'attrape ses hanches et je le fais grimper sur moi. Il pose ses mains sur mon torse, comme souvent. Il le caresse comme s'il le redécouvrait sous ses doigts. Moi je lui souris sans bouger. Il remonte jusqu'à mes clavicules et les câline lentement des pouces sous mon uniforme.
- J'avais oublié comme t'as la peau douce.
Mes lèvres s'incurvent d'autant plus, mes mains bougent tout doucement sur son habit au niveau de la taille. Il me sourit dans la semi-obscurité.
- J'avais oublié comme tes mains aussi peuvent être douces.
- Tout est doux chez moi, je me vante joyeusement.
- Pas tout.
Il a un léger rictus. Mes sourcils se froncent, j'envoie une mine vexée.
- Quoi pas tout ? Si, tout.
- Pas tes poils.
- Mes poils ?!
Il tapote ma braguette. Je roule des yeux excessivement.
- J'en ai presque pas. Pour pas dire aucun.
- Si t'en as, il hoche la tête. Pleins. A moins que tu te sois tondu depuis la dernière fois.
Ma bouche s'ouvre grand.
- J'en ai trois fois moins que toi ! J'y fais super attention !
- Parce que moi j'ai pas droit au rasoir… il grommelle.
- Voilà. Donc, tu peux pas dire que j'en ai plein. Ou trop. Dis pas ça ! je répète avec plus de virulence en prenant mon air choqué.
Je pince sa hanche au passage.
- Aïe ! il rit un peu. Je dis pas que t'en as trop. Juste que t'es pas doux de là.
Je lève les yeux au ciel en soufflant encore une fois. Non mais.
Je savais pas que Monsieur voulait un rasé des boules à zéro.
- J'ai pas dit ça, il répète en grognant, triturant mon haut d'uniforme. Juste que c'est pas doux. Et puis t'es pas doux non plus de la barbe. Elle pique des fois.
- Tu peux l'enlever si tu veux, je lui dis avec un air charmeur en désignant l'habit qu'il tripote.
- D'accord.
Il le remonte, et je l'y aide, jusqu'à passer ma tête dans l'habit. Il recommence à caresser mon ventre, mon nombril.
- T'es vraiment tout doux de là.
- Je me suis rasé aujourd'hui. Je pique pas. De la barbe, je veux dire.
Il caresse lentement ma peau du bout des doigts. Et il sourit encore plus.
- Mais j'aime bien quand tu piques.
- T'aimes ça ?
Ça m'étonne. C'est pas vraiment agréable, pour moi en tout cas. Lorsque ses doigts s'approchent de ma bouche, je l'ouvre et je vais toucher rapidement l'une de ses phalanges de ma langue pour l'embêter. Il retire sa main tout de suite mais son sourire s'est pas effacé.
- Coquin, il chuchote.
Je sais pas pourquoi, mais ça me fait tout de suite rougir. C'est peut-être le ton qu'il a employé, ou son sourire qui l'accompagne, mais je sens que mes joues ont chauffé immédiatement.
- Mais... Narcis est-il capable d'être gêné..? il sourit encore, amusé.
- Tais-toi.
Je grogne en frappant le dos de sa main qui revenait lentement vers mon cou. Et il ferme la bouche aussitôt. Du coup je lui offre un grand sourire de vainqueur.
- J'ai seulement rougi. Pas de quoi en faire un fromage, je minaude avant de saisir sa taille pour le chatouiller.
Il se recule un peu.
- Je suis désolé.
Il a les yeux dans le vague.
- Hein ? Quoi ?
Je réagis aussitôt, je comprends pas. Je disais juste ça comme ça, je pensais qu'il allait rigoler à mes taquineries, qui rigole pas à des chatouilles ?
- Je suis désolé… il répète, et je lis la détresse dans ses yeux.
- Mais... mais t'as pas à être désolé ! On rigolait, y a pas de problème avec ça, Dan ?!
Il hoche la tête et je sais qu'il retient ses larmes. Je comprends plus rien.
D'un coup de hanche, je l'ai retourné pour le mettre sous moi, ses mains au dessus de sa tête enlacées aux miennes avec douceur.
- Danny. Tout va bien. On rigolait. Y a aucun problème. Qu'est-ce qu'il se passe ? je murmure, mes yeux dans les siens.
Il hoche la tête et la secoue de nouveau, il respire plus vite d'un coup.
- Désolé, désolé… il murmure, comme s'il se débattait avec ses pensées à l'intérieur.
J'essaye de continuer à ancrer mon regard au sien malgré ses gigotements.
- Dan, Dan explique moi. Daniel.
- Il, il... (II hoquète). Tais-toi… il murmure en fermant les yeux. Il le dit.
Mon front vient se poser sur le sien. Mon dieu.
- Mais moi je rigolais.
- Je sais, je sais... Je suis désolé, je voulais pas...
Mes lèvres se posent avec une immense lenteur sur les siennes. Il étouffe un cri, un sanglot, je suis pas sûr. Alors je les bouge tout doucement, juste par petites pressions. Ses lèvres tremblent sous les miennes, il pleure. Du coup je me redresse en retenant mon soupir ; je le regarde en caressant sa joue.
- Je voulais pas, je voulais pas te salir… il pleure.
Il touche ma bouche avec des doigts tremblants. Ma langue ressort pour les toucher avant de répondre.
- Suis pas sali. C'est toi que j'ai embrassé, amour. T'es jamais sale avec moi. Tu l'es plus.
- Je t'ai touché là où il a... Je t'ai complètement sali… (Il a l'air désespéré). Je suis désolé…
- Puisque je te dis que non ! Je vais bien, Dan ! Te fais pas de soucis pou-
Je vois qu'il secoue la tête alors je la lui reprends entre les doigts, par son menton.
- Te fais pas de soucis pour moi. J'ai envie de t'embrasser. Encore et encore. Rien est ta faute.
- Tout est ma faute…
Il lâche un nouveau sanglot, et je sais que j'ai appuyé sur un point particulier.
- Pourquoi, amour ?
Je parle tout bas en caressant encore son visage.
- J'ai laissé faire, il a pris mon corps, je l'ai laissé, je l'ai toujours laissé, j'ai pas réussi- pas pu- pas osé- je, c'est ma faute...
Je continue de le câliner. Je sais pas quoi dire. Je suis putain de pas doué. Et pourtant il continue de pleurer dans mes bras comme un enfant.
- Est-ce que ça veut dire que tu voudrais... essayer d'apprendre des techniques de défense ? Autre que, que ce que tu sais...
Il secoue la tête.
- Il se vengera si je résiste... Je veux plus être piégé... Je veux plus te trahir…
- Danny... Pense pas comme ça... C'est pas de la trahison.
- Je t'aime.. Je t'aime tellement... Je veux donner mon corps qu'à toi Narcis...
Je me penche à nouveau au dessus de sa tête.
- Je t'aime aussi fort que ça. Embrasse-moi, s'il te plaît 'Dan…
- Mais je…
Il hésite, clignant des yeux plusieurs fois pour voir à travers ses larmes. Il finit par hocher la tête presque imperceptiblement.
- Allez. Fais-le. S'il te plaît...
Il lâche un son aigu et redresse la tête. Mes yeux se ferment.
- Fais-le toi, il souffle tout proche.
Je parcours quelques millimètres, mais pas assez pour nous toucher. Et j'attends encore.
- S'il te plait… sa voix cassée me supplie.
- Pourquoi ? J'aimerais que tu le fasses toi…
- J'ai pas encore le courage…
Nos lèvres se frôlent pourtant. Je reste comme ça encore une seconde, puis je me décide à l'embrasser. Il a dit qu'il avait pas encore le courage. C'est un grand progrès, non ? Alors autant y aller petit à petit. Il semble soulagé et son corps se détend juste un peu quand nos lèvres se joignent enfin. Il a pas de mouvement de recul, je fais jouer nos bouches ensemble, lentement. Ma main reste postée sur sa joue pour avoir une prise pendant le baiser. Il a les yeux fermés, je sais qu'il essaie de profiter autant que moi, qu'il se souvient des sensations d'avant. Tout doucement je recule mon visage, puis je colle à nouveau ma bouche à la sienne en y mouvant mes lèvres pour faire bouger les siennes.
Il répond enfin à mon baiser, timidement, comme si c'était notre premier. Ça me fait sourire. Je continue mes mouvements lents, sans aucune précipitation et aucune contrainte. Il se détend de plus en plus contre moi, laisse aller sa tête sur l'oreiller. Une de ses mains descend rejoindre la mienne sur sa joue. Je crois que j'ai pas été aussi heureux et soulagé à la fois que maintenant, pendant toute la soirée. Il quitte pas mes lèvres, il me laisse prendre le rythme et le contrôle, lentement. Je sais pas si je peux tenter un contact plus approfondi, alors je le fais pas. J'adore l'embrasser comme ça.
Son autre main reste au-dessus de sa tête. La première descend à nouveau pour caresser mon flanc de haut en bas et je suis bien content de lui avoir fait retirer ma chemise un peu plus tôt. La chair de poule arrive rapidement sur ma peau, là où il m'effleure. Il agrippe ma peau avec ses doigts et la relâche doucement, plusieurs fois, comme pour me masser. Je me tortille en souriant contre sa bouche. C'est finalement lui qui tourne un peu la tête pour mettre fin au baiser. En même temps ses deux mains viennent se visser contre ma nuque et m'attirer à lui. Je me laisse docilement faire et me recouche contre lui, bras ouverts autour de son corps. Il tremble toujours.
- Je t'aime, il souffle.
- Je t'aime plus encore.
- Je sais. J'ai de la chance.
Ça me fait sourire.
- Tu veux dormir maintenant ?
- Oui. Dans ton lit je veux dormir. Fais quelque chose…
- Je sais Dan. Je vais voir ce que je peux faire, je lui murmure en me couchant sur le flanc entre le mur et lui.
Il se tourne un peu pour me faire face.
- Fais-moi sortir...
Je mordille ma lèvre. Même avec toute la bonne volonté du monde, je peux pas faire ça.
- Dormons. On verra ça plus tard, je chuchote en fermant déjà les yeux, mon bras par dessus sa taille.
Il soupire et se colle à moi.
- Pars pas.
- Je reste avec toi. Aussi longtemps que possible. T'aime Dan, je murmure et il se cale entre mes bras, la tête au niveau de mon torse.
Je sais qu'il s'est endormi quand sa respiration devient régulière, alors je me laisse aller au sommeil à mon tour.
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