Nicolas Casta (51)

16 minutes de lecture

Samedi 23 avril, 14h.

Il toque à la porte. Je sais que c'est lui parce que ça fait presqu'une minute et qu'il m'a demandé de lui ouvrir. C'est pas que j'ai pas envie ; au contraire ça fait un moment que j'attends ça. Et Dan m'a dit qu'il était passé me voir hier, mais je prenais ma douche. Et... maintenant il toque à ma porte et j'ai vraiment peur qu'il soit en colère contre moi et qu'il me casse la figure.

  • J'en ai marre Nicolas... J'en ai marre que tu me prennes pour un con. Jordan m'a dit que tu voulais me voir, je suis là. Si t'ouvres pas dans cinq secondes, je m'en vais.

Sa voix est lasse plus qu'énervée, ses coups se sont arrêtés. Alors je réfléchis plus et j'ouvre la porte tout de suite. Il est là, debout face à moi. Il a l'air d'attendre, un léger sourire s'affiche sur ses lèvres. Vraiment tout léger. J'ouvre la porte plus grand et m'efface pour lui permettre d'entrer. Une fois fait, il croise les bras et m'observe encore.

  • Jordan m'a dit que tu voulais me dire un truc et que, que tu m'attendais. Je suis là.
  • Oui. Tu vas pas me frapper ?

Il fait mine d'hésiter, bouge la tête à droite à gauche comme s'il pesait le pour et le contre, puis il sourit en me disant que non.

  • Pourquoi t'es pas venu me voir, si tu voulais m'parler ?
  • J'voulais pas te brusquer... T'étais super fâché quand t'es parti j'ai rien compris, et t'étais d'une humeur massacrante ces jours je voulais pas empirer le truc...

Il ronchonne et fait quelques pas dans la cellule avant de s'arrêter et de me fixer à nouveau.

  • Alors ?
  • Alors ? je répète, sans comprendre.
  • Tu veux m'dire quelque chose. J't'écoute.
  • Ah. Ouais. Je voulais savoir comment t'allais t'y prendre.

Il fronce les sourcils.

  • Oui. Pour m'aider.

Je sors le dessin et pointe son mot.

Je t'aiderai à ressembler à ça à nouveau.

Il sourit tout doucement en le regardant, puis il reprend la parole.

  • On va aller à l'infirmerie, déjà. Maintenant ?
  • Tu vas pas au travail après ? Ça m'a déjà surpris que tu viennes à cette heure.

Il hausse les épaules et grommelle un truc que j'entends pas.

  • Oui ? Non ? Tu, tu veux y aller maintenant alors ?

Ça me fiche la trouille d'un coup. Je veux pas qu'on me touche.

  • Maintenant c'est bien.

Il hoche la tête puis avance vers la porte.

  • On y va ?
  • Ouais... (J'essaie de paraître fort). Ouais, pas de problème. On y va.

Je me redresse. Il actionne la poignée et me laisse passer d'abord.

  • Dan m'a dit que ça faisait un moment que tu m'attendais. C'est mieux d'y aller maintenant. Au cas où, t'sais. Qu'y ait un problème.
  • Ouais. Ouais y a pas de souci. Je sais. J'avais prévu d'y aller...

Menteur. Je sors de la cellule en soufflant. J'essaie d'avoir l'air posé.

  • Ça va ? Je serai là, si y a un problème, il me rappelle quand on est à la moitié du trajet. Mais y en aura pas. Parce que je serai là, il continue, le regard sur la porte de l'infirmerie du fond du couloir.
  • Y a pas de raison, je marmonne. Tu viens avec moi, même à la consultation ?
  • Bien sûr.
  • Ok. Je demandais comme ça. (Tant mieux). C'est bien pour ça que j'y vais.

Il me sourit et met la main sur la poignée avec un regard pour me demander si je suis prêt. Je hoche la tête, un peu tendu. Et il ouvre. Jim nous accueille avec surprise.

  • Enfin décidé Casta ?

Alors que j'ouvre la bouche pour répondre, la main de Duncan se pose dans le bas de mon dos, chaude et protectrice, et il hoche la tête en direction de l'infirmier.

  • T'étais censé revenir plus tôt. Pour...

Il s'arrête et regarde Wilson.

  • Secret médical. Tu peux sortir ?

Je me tends tout de suite.

  • Je veux pas qu'il sorte. J'ai encore le droit de partager ce que j'ai avec qui je veux non ?

Je vois Jim souffler et lever les yeux au ciel.

  • Bon. Je dois vérifier tes points.

Je vois les yeux de Duncan s'agrandir à mes côtés, puis il reprend une expression qui lui va bien, assez neutre mais avec une présence qui emplit la pièce.

  • Je suis avec toi, il me murmure en caressant mes reins, puis il me lâche pour aller se poster à côté de la table de médecin, bras croisés.
  • T'enlèves le bas ? insiste l'infirmier quand il voit que j'ai pas bougé.

Je hoche la tête et je m'attelle péniblement à la tâche.

  • Sur le ventre, il signale. Wilson, va t'asseoir sur le tabouret là bas, du côté de sa tête.

Il s'exécute tout de suite, au petit trot. Je sens ensuite ses yeux fixés sur nous deux.

  • Ok. Je touche, prévient Jim.

Comme si ça allait changer quelque chose qu'il le dise avant. Je me crispe dès que je sens ses mains sur moi. Je veux pas. Je ferme fort les yeux. D'abord, la main de Duncan vient frôler mes cheveux pendant quelques secondes. Puis après un gémissement plaintif que j'ai pas pu retenir, elle se faufile vers ma tête pour prendre mes doigts et les serrer, les caresser. Je les serre fort aussi.

  • Je sais que c'est pas facile mais j'ai besoin que tu te détendes un peu, Casta.
  • Essaye... me murmure aussi Duncan en caressant mon bras.

Je crois qu'il est penché au dessus de ma tête maintenant. Je hoche la tête sans rouvrir les yeux. Je fais un effort, j'essaie vraiment, mais cette zone je peux pas. Je le sens me triturer, je suis à deux doigts de me lever et de partir en courant, ou au moins de pleurer.

  • Nicolas... essaye de penser à autre chose. Tu veux que je te raconte un truc ? Dis-moi quoi faire pour te faire penser à autre chose, me murmure mon grand brun en jouant avec mes cheveux.

Sa voix a changé par rapport à d'habitude.

  • Raconte n'importe quoi… je souffle en me concentrant sur sa voix.
  • Tu te souviens du dessin de Dan ?
  • Ouais.
  • Tu te souviens que ça fait une semaine que je l'ai plus ? Ben il me manquait. J'ai essayé de le refaire moi-même. C'était une catastrophe. Je suis un pied en dessin.
  • T'as vraiment essayé ? je m'étonne. Tu me montreras le résultat ?
  • Y a pas de résultat. C'est super moche. Vraiment, atrocement super moche.
  • Je veux voir…
  • Si tu veux. Mais vraiment, y'a aucune perspective. Aucune couleur. Et même moi je me ressemble pas. Digne d'un petit gamin.

Sa main remonte vers mon cou avec tendresse.

  • Je veux voir à quoi ressemble Wilson quand il a l'air d'un gamin. Je t'imaginerai en train de le dessiner. Mais... j'crois pas que je veux te le rendre…
  • Quoi ? Le vrai ? il s'offusque et retire ses mains avec un mouvement de recul.

Je me crispe encore et je sens les doigts de Jim qui me lâchent enfin.

  • Tu vas pas m'rendre le vrai ?! Alors j'exige que Dan en refasse un, fait Duncan avec appui.
  • Ok. Je veux bien, je souffle.
  • C'est tout bon. T'as encore tous les points, mais ça cicatrise super bien. Ils devraient tomber d'ici quelques jours.
  • Y a des précautions à prendre ou des choses à faire ? s'enquiert aussitôt le second prisonnier de la salle en relevant les yeux sur Jim.
  • Pas de rapport sexuel pendant encore au moins deux semaines.

Je sens le regard sévère de l'infirmier sur lui même sans le voir.

  • Alors il a encore ordre de rester en cellule ?
  • Non. Il peut aller bosser depuis lundi déjà. C'est lui qui veut pas sortir.

Je sens la réprimande cette fois.

  • Vous pouvez pas lui faire une dérogation ?
  • Pourquoi je ferais ça ?
  • Vous venez de dire qu'il veut pas sortir, sa voix se durcit. Et pas de rapports. Et que c'était bien, pour l'instant. Autant être sûr que ça le reste en le laissant en cellule.
  • Je comprends le raisonnement, soupire Jim. Je te fais un certificat pour les deux prochaines semaines. Mais tu viens me voir dans cinq jours. Et tu vas voir le psy.
  • Ouais… je marmonne, pas enchanté.
  • Pas d'problème, reprend Duncan en se levant d'un coup.

J'entends qu'il se déplace, sa main me frôle à nouveau de mon épaule à mes reins. Je frissonne et me redresse aussi à mon rythme.

  • Tu me montres le reste ? demande l'infirmier alors que je me rhabille en vitesse.

J'ai pas vraiment envie que Wilson voit les bleus que j'ai partout sur les cuisses, les genoux et les hanches. Pourtant il reste là à côté de moi durant toute l'opération. J'enlève le haut et lève les bras. Je sais qu'il va toucher mes côtes pour voir où j'en suis. Je grimace de douleur au premier contact.

  • Tu prends les médicaments ?

Je secoue la tête. Jim soupire encore comme si j'étais un cas désespéré. Quel con.

  • Pourquoi tu les prends pas ?

La question vient de Duncan cette fois.

  • Parce que je veux pas que ça m'endorme.
  • C'est pas des somnifères, s'agace Jim.
  • Ouais mais on somnole quand même avec ces trucs, je souffle. Je veux pas risquer d'être un peu moins moi.
  • L'effet dure combien d'temps ?
  • L'effet dure quatre à six heures par dose.
  • Et faut prendre ça quand ? continue Wilson.
  • Il devrait les prendre en continu, matin midi et soir. Il en a d'autres pour la nuit.
  • Mais je veux pas ! Et vous allez pas m'y forcer ! Je suis pas en train de m'étaler par terre de douleur, ça va !

Duncan fronce les sourcils et rajoute plus rien. Voilà, je m'énerve encore. J'voudrais juste du calme et qu'on arrête de me dire ce que je dois faire, j'en peux plus qu'on me dise ce que je dois faire. Je descends de la table.

  • C'est les points que vous vouliez voir non ? Ben c'est bon. Je rentre.
  • C'est tout ? C'est bon ? renchérit Duncan en fixant l'infirmier.
  • Je peux pas le forcer.

Je sens l'ironie dans sa voix. Je parie que s'il pouvait il le ferait. Le grand brun hoche la tête à Jim puis se tourne vers moi pour me demander si on peut y aller. J'acquiesce aussi. Et sans un regard pour l'infirmier je quitte cet endroit de merde.

  • Tu viens avec moi ? je demande.

Il me lance un regard torve.

  • Si tu veux.
  • Je pensais que tu dirais un truc genre bien sûr, ou la question se pose même pas.

Je continue d'avancer dans le couloir. C'est bizarre que ce soit vide comme ça partout.

  • C'est un reproche ou un soulagement ?
  • Aucun des deux. Ça me surprend…
  • Je te laisse le choix. Soit tu veux que je vienne, soit tu veux pas.
  • Je sais pas moi...

Il le sait que je déteste admettre ce genre de truc. Si je dis que je veux c'est la preuve que j'ai besoin de lui. Il hausse les épaules.

  • Je sais pas non plus. J'ai mes tig à quinze heures.
  • Ah. Ouais. C'est quoi des tig ?
  • Travaux d'intérêt général.

Il regarde sa montre.

  • Dans trente minutes.

Alors qu'il parle, on voit le chef Parker sortir d'un couloir sur notre droite et prendre le même chemin que nous sans nous voir.

  • Tu... Ouais t'as raison, t'as meilleur temps d'aller direct dans ta cellule.
  • J'ai encore trente minutes.

Il soupire avant de s'arrêter net.

  • C'est comme tu veux.
  • Arrête de dire ça, je soupire. Tiens, je vais venir moi chez toi pour voir ton dessin.

Il souffle à son tour et reprend le chemin inverse pour aller chez lui.

  • T'es incroyablement têtu, tu l'sais ? il rajoute en posant à nouveau sa main sur mes reins pour me faire entrer d'abord dans sa cellule.
  • Non, c'est toi qui es incroyablement têtu. D'habitude.

Je le regarde de biais.

  • Tu veux qu’je le sois ? J’peux l'être. On dirait qu’tu veux que je le sois, il fait avec un sourire en coin en laissant ses doigts courir sur ma hanche lorsqu'on passe la porte.
  • Ouais ? Tu ferais quoi si t'étais têtu là ? je provoque.
  • Je te demanderais de prendre tes médicaments. De me dire si tu as envie que je reste. Quoi d'autre ?

Son sourire narquois revient quand il plante ses yeux dans les miens.

  • J'en sais rien, je hausse les sourcils, joueur. Non. Oui.

Il se rapproche encore d'un pas et finit par me dominer de sa taille.

  • Oui ? Qu'est-ce que ça veut dire ? J’suis têtu, tu t'souviens ?
  • Ouais. Oui, j'ai envie que tu restes. Ça te fait plaisir ?

Moi je souris en coin, mais lui il m'en offre un vrai.

  • Ça m'fait plaisir.
  • Sérieux ?

J'ouvre plus grand les yeux avant de reprendre une expression plus neutre. Je dois me contenir.

  • Mh. Cool cool. Je suis, c'est bien.

Il hoche la tête en me regardant encore. Je papillonne des cils. Il y a encore un petit moment de silence, puis il rit d'une voix un peu rauque.

  • Quoi ? je me vexe.
  • Rien. T'es drôle à me regarder comme ça. Qu'est-ce que t'as ?
  • Rien. J'essaie ptet d'avoir l'air drôle pour voir comment tu réagis.
  • Ah ouais ? Tu fais des expériences toi ?

Il se marre encore, avec toujours un peu de réserve, il rit pas à gorge déployée non plus ; puis il va s'asseoir sur son lit.

  • Je suis un type pleins de surprises, qu'est-ce tu crois !

Je m'assois à côté de lui.

  • Mais t'y échapperas pas… je susurre.
  • Laisse mon dessin là où il est, il grogne en laissant tomber son dos sur le matelas.
  • Allez montre ! je dis avec entrain.
  • Il est à mon bureau. Va l'y chercher s'tu veux.

Je me lève aussitôt en oubliant un peu mes douleurs et fouille sur la table. Là, j'y trouve des ébauches pour tester ses crayons et stylos, des papiers pleins de lignes droites aussi. Puis le dessin, juste sous une feuille blanche. C'est le sien, je peux reconnaître nos deux corps côte à côte. Je peux même les reconnaître très bien, tant il y a de détails. Le tout est pas une oeuvre d'art, mais rien de dramatique. C'est plutôt pas mal, pour un début.

  • J'ai p’t’être un peu exagéré ma nullité pour t’faire penser à autre chose. Même si j’suis conscient que c'est pas du niveau de Dan, il fait depuis le lit, encore couché, jambes courbées pour avoir les pieds ancrés au sol.
  • Je suis déçu. J'espérais pouvoir me moquer de toi, je dis en continuant d'observer le dessin.

Il est vraiment bien en fait, surtout si on regarde pas les traits hésitants mais plutôt l'ensemble.

  • Ça m'étonne pas.
  • T'as aucun défaut alors ? À part ton aptitude hors pair à te vexer pour rien, j'veux dire.
  • J'sais pas. J'aime penser qu’j'en ai aucun, il ricane en tapotant son ventre plat.
  • T'es un tueur en série quand même, je réfléchis.
  • Ouais.
  • C'est un défaut, non ?
  • Non.
  • Non ?

Il se relève sur ses avant-bras pour me regarder.

  • Ça t'pose un problème d'un coup ?
  • Non. Je connaissais pas les gens que t'as tués. Mais je crois quand même que c'est un défaut.

Il hausse un peu les épaules puis se recouche. Je me couche à côté de lui.

  • C'est quand même con de pas prendre ces cachets.
  • Je m'en fous. Je veux pas perdre en vigilance.
  • Mais si t'es coincé en cellule, pas b'soin d'vigilance.
  • Faut toujours être vigilant, je marmonne.

Sa tête se tourne vers moi.

  • Même si t'es seul et enfermé ?
  • Ouais.
  • T'as peur de toi ?
  • Ptet bien.

Il attend en observant. Je crois qu'il veut des explications. Je compte pas lui en donner.

  • Tu dessines d'autres choses ?
  • Non.
  • Tu faisais quoi avant de tuer des gens ?
  • J'en tuais pas.
  • Merci Sherlock…
  • D'rien Watson.

Il se tourne d'un coup sur le drap et finit couché plus proche de moi sur le ventre, les bras remontés et pliés pour avoir la tête sur ses mains.

  • Watson, Wilson, ça se ressemble. C'est ton vrai nom Duncan Wilson ?
  • C'est ton vrai nom Nicolas Casta ?
  • J'avais aucune raison de cacher mon identité…
  • Moi non plus.
  • T'avais pas genre une espèce de nom de code ?

Je me pose sur le côté pour lui faire face. Je peux même sentir son souffle tellement il est près.

  • J'étais tueur à gage, Nicolas. Pas acteur porno.
  • Pffff j'en sais rien moi... Ç'aurait pu être dangereux de donner tes vraies infos. Genre au hasard, te mener en taule.
  • Personne sait mes vraies infos là-bas. C'est Wilson, point barre.
  • Ok ok, je te demande plus rien.

Il soupire en levant les yeux au ciel.

  • Je disais pas ça comme ça, il clarifie en me fixant.
  • Oui. Wilson point barre.
  • Pour eux. Pas pour toi.

Il me donne un petit coup de coude comme il peut vu sa position.

  • Alors pour moi c'est quoi ?
  • Duncan point barre.

Il fait un sourire à mi-chemin entre insolence et fierté.

  • Ok. Je peux t'appeler Dépébé ? Ça fait moins long.
  • P'tit con.

Il rit en me remettant un coup. Je grimace de douleur et de rire en même temps.

  • Ok ok. Duncan. Tu peux m'appeler Casta.
  • C'est ça ouais. J't'apelle Nicolas.

Il regarde mon torse un instant puis me sourit ensuite. Il se contorsionne pour se recoucher sur le dos comme avant sans me bouger de place.

  • T'avais jamais eu d'expérience avec un mec avant moi ? (Il fronce légèrement les sourcils et secoue la tête). Quoi ? Je me demande c'est tout.
  • Pourquoi tu t'demandes ?
  • J'sais pas moi... Ça m'intéresse... (Il hoche la tête). Donc que des filles.
  • C'est ça. Femmes, mais ouais. Si c'est pas des mecs c'est des filles. Encore bravo Watson.
  • Ptet que t'étais asexuel ou zoophile... Oh même nécrophile ! T'avais du choix !
  • Bien sûr.

Il lève les yeux au ciel - encore - puis les ferme en soupirant et en bougeant la tête de droite à gauche.

  • Mh mh. Et t'étais en manque à ce point alors. Tu pensais à qui quand je te suçais ? Une ex ?
  • J'pensais à ta bouche sur ma queue, il ricane.

Je me redresse pour l'observer à la dérobée.

  • Je suis pas une nana.
  • J'sais. Mais j'arrive pas encore à différencier les bouches, il rit en ouvrant un oeil vers moi.
  • Ça aurait pu te faire débander.

Il rigole encore et referme les paupières en laissant tomber sa tête sur le matelas.

  • Pas avec c’que tu m'as fait.
  • Tant mieux si t'as aimé. Ça me fait plaisir.

Ses lèvres se retroussent encore sans qu'il dise rien.

  • Je te le referai si tu veux. Si t'es de nouveau en manque, tu vois.
  • Ça va. Je vais bien.

Il sourit et cette fois il rouvre complètement les yeux pour me regarder.

  • Tant mieux. T'auras pas besoin alors...

Je l'observe aussi.

  • T'en as envie ?
  • Bah, bah c'est juste, t'sais. Je suis dispo. Si jamais. Mais si tu veux pas je vais pas le faire. Tu vois. C'était juste pour assouvir tes besoins.
  • Donc t'en as pas envie.
  • Ben, c'est pas ça. Mais je vais pas te sucer parce que j'en ai envie. Tu vois. Ça aurait pas de sens.

Il hoche la tête avec un ok.

  • Enfin tu vois, j'insiste. Bref. Tu sais que je suis là. Si tu veux.

Il se redresse lentement et s'adosse au mur, jambes sur le matelas. Sa tête se penche.

  • C'est parce que tu voudrais quelque chose en échange ?
  • Pourquoi tu dis ça ? Je suis pas une pute, je veux pas toujours un truc en échange, je me vexe.
  • Alors... si tu veux rien en échange, c'est qu’t'as envie de le faire ?
  • J'ai envie de te faire plaisir, je confirme du bout des lèvres.

Je passe encore pour un faible, un niais. Devant un type comme Wilson, fort, indifférent et hyper hétéro. Je vais devenir le prototype même du gay si je continue. Lui il sourit, d'abord faiblement puis de plus en plus. J'ai presque l'impression que ses yeux s'illuminent.

  • T'as dit quoi à l'infirmier pour qu'il me fusille comme ça en parlant d'rapports sexuels ?
  • Rien, promis ! je fais de grands yeux. J'sais pas pourquoi il a dit ça…
  • Ok, il se marre en se déplaçant un peu de côté pour me faire la place.
  • Quoi ? je prends la place en question. C'est vraiment vrai ! J'ai seulement demandé quand je pourrai reprendre, il a pas, il a dû tirer des conclusions hâtives...

Duncan rit encore plus après que j'aie parlé.

  • Mais quoi ? je pince les lèvres, faisant mine d'être vexé.
  • Rien.

Dans un mouvement un peu joyeux, il vient frotter mes cheveux. Puis sa main se repose sur sa cuisse.

  • Pourquoi tu demandais ça ? Tu veux à ce point satisfaire mes besoins ?

Il fait une vague ironique et moqueuse de ses sourcils.

  • J'ai pas parlé de toi ! je répète.

Il soupire et reprend une mine plus neutre.

  • C'était une blague.
  • Ouais...

Il dit plus rien après ça. Je regarde son plafond.

  • T'as quoi à tirer déjà toi ?
  • Indéfini.
  • C'est long.
  • Ouais.
  • Ça va nous faire un sacré moment ensemble.
  • Ouais.
  • Sans femmes.
  • Sans femmes.
  • Ni animaux.
  • Ni excréments, il rajoute.
  • Si c'est que ça.

Je me marre. Il sourit doucement, les yeux sur le mur de l'autre côté de la pièce, en face de lui.

  • Du coup t'auras bien envie de te faire sucer encore d'ici l'indéfini moment où tu sortiras hein ?
  • Sûrement qu'oui.
  • Tu te ferais sucer par qui ?
  • Toi si tu t'proposes.

Son regard revient sur mon visage.

  • Qui d'autre ?
  • J'sais pas.
  • T'as pas d'idée ?
  • J’peux trouver si faut.
  • Ouais. Bien sûr. Ça va faire trente minutes, j'vais te laisser.
  • J'dois aller à la laverie aujourd'hui.
  • Ouais. Moi pas, je souffle en me redressant à mon rythme.

Il le fait avec moi et me tend la main pour finir de m'aider. J'aime pas ça. J'ai l'air dépendant. J'ai l'impression de même pas pouvoir faire les choses par moi-même. J'ai montré trop de faiblesse aujourd'hui.

  • C'est con. On aurait pu être là-bas tous les deux.
  • Pour plier du linge ?
  • Ouais.
  • Je peux aussi plier mon linge dans ma cellule. Ça m'évitera de me faire agresser tant que mon cul y est pas prêt.

Duncan hausse les épaules et recoiffe ses cheveux rapidement.

  • Ouais. Si t'as rien de mieux à me proposer, j'y vais, je dis une dernière fois en rejoignant la porte.
  • Rien d'mieux ? Qu'est-c'tu veux ?
  • Rien. Oublie.

J'ouvre la cellule et il repose sa question.

  • Rien ! J'veux rien voilà !

Je sors. Merde. Il avait l'air de proposer un truc et plus rien. Merde.

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