L’air était si trouble que tous les chemins qu’ils empruntaient semblaient se ressembler. Leurs pas se faisaient si lourds que même un vieil ermite croyant des montagnes d’Arbor aurait su les dépasser aisément. De façon assez paradoxale, le froid mordant enflammait et brûlait chaque parcelle de leur peau. Chacun d’eux avait pris conscience du danger de la situation, mais aucun n’osait formuler ses peurs à voix haute - si tant est qu’ils eûssentt pû ouvrir leurs lèvres gelées et gercées. A un moment, Lywia, qui était toujours en tête, trébucha sur une énorme branche d’arbe qui avait été recouverte de neige. Elle s’affala par terre presque sans bruit, tant le manteau blanc amortissait les bruits. Aslinn, bien que toujours à moitié aveuglé et frigorifié par la tempête de neige, se précipita pour l’aider.

• Ly… Lywia… réussit-il à murmurer en ouvrant à peine ses lèvres. Il faut vous relever, ordonna-t-il en la soulevant par le bras.

La jeune femme souffrait tant de la température qu’elle réagit à peine. Ses yeux à moitiés ouverts, elle émit un grognement et tenta de se redresser.

Non sans peine, les deux figures se stabilisèrent, se soutenant mutuellement par les épaules.

• Je pense… qu’il faut vraiment qu’on trouve un abri… prononça Aslinn.
• Je suis d’accord… répondit Lywia faiblement. Mais je ne vois absolument rien avec cette neige… Je crains que nous ne mourrions ici, cher Aslov.
• Non ! s’exclama Aslinn plus fort. Je vais trouver quelque chose. Restez là quelques instants, je vais chercher de quoi nous abriter, dit-il en s’avançant de nouveau dans la tempête.
• Mais.. Ne vous éloignez pas. Nous avions convenu qu’il était plus judicieux de rester ensemble pour ne pas se perdre, tenta faiblement de protester Lywia.
• Je reviendrai vite, je vous le promets, lança Aslinn en s’enfonçant davantage dans les ténèbres laiteux.
• S’il vous plait… murmura encore une fois Lywia…

Mais c’était déjà trop tard. Aslinn avait disparu de son champ de vision.

Lywia avait beau être résistante, la tempête de neige était vraiment forte, et le froid pouvait s’avérer mortel pour n’importe qui.

Désespérée, elle se laissa tomber de nouveau par terre, s’appuyant contre la large branche d’arbre. Le temps semblait s’écouler de plus en plus lentement, et Lywia aurait juré être là depuis plusieurs jours - ou semaine ?

Aslov ne reviendrait pas. Elle aurait dû s’en douter, en même temps.

Ah, Lywia, toujours aussi crédule ma pauvre !

Elle allait mourir ici, seule.

• Ce n’est pas vraiment ce que j’imaginais comme fin, grogna-t-elle.

Ses yeux se fermèrent doucement et bientot se fut le noir complet. Etrangement, cette obscurité était réconfortante, presque réchauffante.

Lorsque ses yeux s’ouvrirent de nouveau, Lywia aperçut une forme floue, orangée. Elle lutta pour accomoder sa vision et observa son environnement.

• Je suis vivante ? murmura-t-elle étonnée.
• Lywia ? lança une voix grave. Lywia, vous m’entendez ?
• Hmm… Qui êtes vous ?
• Je suis Aslov, vous vous souvenez ? Vous étiez tombée dans la neige. J’ai réussi à trouver cette grotte et je suis revenu vous chercher.
• Vous êtes revenu m’aider ?
• Bien sûr, je vous l’avais promis ! Bon, j’ai eu beaucoup de peine à vous hisser au-dessus de mon épaule, mais par chance, la grotte était toute proche.

Lywia observa la petite cavité rocheuse dans laquelle elle se trouvait. L’espace était plutôt réduit, mais l’entrée avait la particularité d’être très étroite, ce qui avait, par chance, empêché la neige de s’y accumuler. Aslov avait allumé un feu au milieu de la salle.

• La tempête s’est calmée, reprit Aslov. Je pense que nous pourrons reprendre la route dès que vous vous sentirez mieux.
• Je vais bien, lança Lywia avec force, en se relevant difficilement.
• Vous devriez quand même vous reposer un instant..
• Je vous dis que je vais très bien, lança durement Lywia en époussetant la neige de ses vêtements. Je me réchauffe encore quelques instants près du feu puis nous pourrons repartir !
• Bien.. Si vous le dites, répondit Aslov.

Lywia, les traits crispés, lui jeta un regard sévère.

• Je vous en prie, c’était un plaisir de vous aider, dit-il ironiquement.

Elle répondit en haussant ses sourcils rapidement, d‘un air hautain.

Lywia détestait devoir dépendre des autres, et pourtant c’était exactement ce qui venait de se passer. Aslov lui avait indéniablement sauvé la vie.

En fin de compte, je me suis peut-être trompée sur son compte, pensa-t-elle en l’observant discrètement.

Aslinn se tenait dos à elle et regardait dehors au loin, par la petite ouverture qui servait d’entrée à la caverne.

• Nous ne devrions plus être très loin de Galmor, lança-t-il tout d’un coup en se retournant. Je reconnais les environs maintenant que la neige ne me cache plus la vue.

Lywia détourna le regard rapidement, avant de répondre :

• Bien, c’est une bonne chose je suppose.
• Je le pense également. Je vous racompagnerai dans votre village avant de reprendre ma route, dit-il simplement.
• Ce n’est pas la peine, je vous assure, dit Lywia avec une moue sacrastique.
• Vous ne savez pas quels autres dangers vous pourriez rencontrer… tenta d’argumenter Aslinn.

Lywia répondit par un petit ricanement.

• Ne vous en faites pas pour moi, je saurai me débrouiller seule.
• Je n’en doute pas un seul instant, répondit sincérement Aslinn. Bien, mettons nous en route si vous êtes en forme.
• A qui le demandez-vous ! Allons-y !