Flashbacks
"Bonsoir? Odette? C'est Margarita, votre nouvelle assistante!"
Une vieille femme habillée coquettement arriva sur la terrasse du châlet, grand sourire, et m'invita à rentrer.
"Bonsoir Margarita, comme tu le sais déjà, moi, c'est Odette. Viens, que je te montre un peu la maison et tous les rangements.
_ Avec plaisir."
Je suis la vieille dans toute la maison, et au bout d'un peu plus d'une heure, je m'assied enfin sur mon lit vraiment très moelleux.
J'ai environ une petite demie-heure devant moi, avant d'aller préparer un thé aux herbes.
20H30
Je frappe à la porte.
"Entre petite, entre.
_ Voici votre thé. Je ne savais pas comment vous dosez le sucre, alors je vous ai mis quelques carrés dans la petite coupelle. Souhaitez-vous autre chose?
_ Merci beaucoup. Retourne dans la cuisine, prends une deuxième tasse, et essaye de prendre la boîte métallique qui est sur l'armoire de l'argenterie.
_ D'accord."
Quelques minutes plus tard, je me rassied en face de la petite dame, et elle me tend l'assiette et la tasse.
"Sers-toi. J'ai toujours détesté que mes filles restent là, à me regarder boire ou manger les bras croisés. Alors mange! Ce sont des cookies. C'est moi qui les ai faits. Je suis assez fière, ils sont meilleurs de jour en jour. Dis-moi ce que tu en penses, veux-tu?
_ D'accord, merci Odette."
Je me sers, et croque dans un des biscuits. Une pure merveille. Vraiment.
Je jette un coup d'oeil circulaire dans la pièce, et un portrait posé sur la cheminée attire mon attention.
"Qui es-ce?
_ Oh, sur le portrait?"
Je hoche la tête, et Odette sourit de toutes ses dents.
"Le bambin assis par terre, c'est mon petit fils. Je crois qu'il doit avoir ton âge, ou quelques années de plus. Je dirais vingt-deux, à tout casser. Et le bougre là, avec le sourire idiot, c'était mon mari. Malheureusement, il nous a quitté il y a quelques années. Nous nous sommes rencontrés en 62, pendant la guerre d'algérie. Il avait alors vingt-ans, et j'en avais dix-sept. Un bel homme. Vraiment. Notre rencontre était si belle, et vraiment clichée, je t'avouerai. C'était le vingt-quatre décembre, au matin, pendant un marché de noël. Il pleuvait de la neige, les chants de Noël raisonnaient dans toutes les rues de la ville. C'était si beau. J'étais à un stand de nourriture, comme tu as pu le constater, je suis très gourmande, et ça ne s'est pas arrangé avec l'âge. Je venais de m'acheter un chocolat chaud, et je houspillais gentiment le pâtissier car il ne restait plus un seul cookie. Ce dernier m'avait alors dit de me battre avec l'homme qui venait d'acheter la douzaine qui lui restait, et non avec lui. En une fraction de seconde, j'avais fait volte face vers le voleur de cookies, et malheureusement, en un regard, il a volé mon coeur. Dis comme ça, c'est vraiment niais, mais laisse-moi te raconter la suite."
*flashback*
"Alors comme ça, mademoiselle, vous êtes déterminée à me faire la peau pour ces cookies? C'est qu'ils doivent être vraiment bons et valoir leur réputation, dans ce cas.
_ Bien évidemment qu'ils sont excellents!"
L'homme esquissa un sourire, ce qui vallut de m'arracher un soupir agacé.
"Vous voulez combien?
_ Pardon?"
Je répète, de moins en moins patiente.
"Vous voulez combien pour les cookies?
_ Vous me proposez de vous vendre mes cookies?
_ Je pense avoir été assez claire monsieur."
Je le détaille de la tête aux pieds, et remarque sa coupe de cheveux propre aux soldats, et ses chaussures bien cirées.
"Vous êtes un soldat en plus?
_ Oui?
_ Vous n'avez pas peur de... Tuer votre condition physique avec tout ce sucre?"
D'un air moqueur, je le toise pour la énième fois. Malgré moi, je ne peux pas demeurer énervée. Son regard et son petit sourire narquois sont... Craquants.
Il éclate de rire et me tend le bras.
"Votre compagnie, contre ces cookies.
_ Pardon?
_ Accepteriez-vous de passer votre journée avec un modeste soldat? ...
_ Odette. Je m'appelle Odette.
_ Odette, accepteriez-vous de passer votre journée avec un modeste soldat?"
Je le dévisage, et attrape son bras, non sans voler un cookie dans la même occasion.
Pendant notre marche, nous avons eu le temps de gouter à tous les cookies de chaque petits stands, et de boire une bonne demie-dizaine de chocolats chauds.
Lorsque la nuit arriva, bien trop vite à mon goût, je lui proposai de passer le réveillon avec ma mère, mon père, et notre gros labrador.
Deux ans plus tard, à la même date, je me tenais assise près de la cheminée, un ventre rond comme une baleine, avec, bien évidemment, une boîte de cookies à portée de main, et une tasse fumante de cacao.
*fin flashback*
"Votre histoire est si belle...
_ Je ne vais pas me plaindre! C'était un fichtre bel et gentil homme. Gentleman, tout ce qu'il fallait."
Je dépose ma tasse sur la table de chevet, et arrange les oreillers de la petite dame.
"Tu as l'air tristounette, Margarita. Qu'y a-t-il? Donne moi son nom, son âge, son adresse, je veux tout savoir! Et bien sur, sa note sur dix, sinon ce ne serait pas drôle."
Je manque de m'étouffer devant la perspicacité de la vieille, et détourne le regard.
"Ce n'est pas très important, vous savez... Et puis, ça va prendre beaucoup trop de temps à raconter, il est déjà tard, vous devriez aller vous coucher pour ne pas être trop fatiguée demain matin!
_ Ne crois pas que tu vas m'avoir comme ça ma petite! Tu ne pourras jamais m'échapper. Alors tu as deux choix: soit tu commences maintenant, et tu échappes à la persécution, soit je t'empêche de dormir pour que tu puisses me raconter tout, et en détail."
Je déglutis bruyamment, et avale deux cookies d'affilée pour me donner du courage.
*flashback*
Jeudi 1 Juillet 2021
22H00
Oh, il faisait si beau ce matin pourtant! J'ai l'impression de mes les geler sur cette plage. Et pourtant il n'est encore que vingt-et-une heures, le vent n'a certainement pas fini de se lever!
Mais?
N'est-ce pas Hugo que je vois au loin? Qui est cet homme à côté de lui? Il était pourtant seul tout à l'heure...
Je marche d'un pas décidé vers eux, tout en analysant le nouveau venu. Grand, la carrure athlétique, un beau jean qui a l'air de mettre en valeur son fessier -aussi très musclé, j'imagine- et je ne préfère même pas jeter un coup d'oeil à la devanture.
Mh... Plus je me rapproche, plus j'ai l'impression de me retrouver, entre guillemets, face à un glaçon. Les bras croisés instaurent, dès le premier contact, une barrière aux airs infranchissables. Ca tombe bien, j'adore escalader tout ce que je vois; barrières, portillons et murs évidemment, pour qu'il n'y ait aucun malentendu.
C'est pas que, mais j'en ai marre d'avancer dans le sable. Il s'agirait peut-être de se dépêcher de les rejoindre pour mettre fin à ce supplice non?
Cela dit, je ne vais pas me poignarder moi-même en plein coeur, les glaçons, ce n'est pas fait pour moi, et puis... Je ne vais pas commencer à imaginer des scénarios avec quelqu'un dont je n'ai vu que la silhouette.
"Saaalut Hugo!
_ Yo!"
Je détaille cette fois-ci de plus près l'inconnu, et je ne m'étais pas trompée sur son jean. Je trouve cela assez dommage qu'il porte un pull, j'aurais bien aimé voir à quoi il ressemble vu de face. Après tout je suis venue ici pour découvrir non?
Je remonte donc mon examen à son cou, puis... Oh, joli tatouage, en passant. Il a le visage dur. Fermé. Je pourrais presque avoir peur de l'approcher. Mais j'aime le risque, vous comprenez? Cela dit, je ne suis toujous pas décidée à faire autre chose que le matter, ni même quoi que ce soit. La mer est trop vaste pour que je tente d'approcher un glaçon.
Je retrace les lignes de son visage et... Misère. Mes yeux rencontrent les siens. Mes yeux rencontrent les siens, et c'est la plus grande erreur de ma vie. Son regard est magnétique. Son regard est profond, troublant, déstabilisant.
Apportez-moi une épée s'il vous plaît.
Que je me l'enfonce en pleine poitrine.
"Fabien."
Je cligne des yeux, m'appercevant que j'étais en apnée pendant tout ce temps, et reprends mon sourire froid -je suis désolée mais c'est contre moi-, et lui répond à mon tour.
"Margarita."
Il me regarde...Bizarrement? Froid, mais en même temps à l'air assez amusé.
Je t'en mettrais en pleine face, moi, de l'amusement beauté.
Je m'adresse donc une seconde fois au dieu grec.
"T'aurais du feu par hasard? J'ai du faire tomber le mien dans le sable."
En attrapant le briquet qu'il me tendait, nos mains sont rentrées en contact -je ne dirais pas que c'était calculé mais vous savez que je sais que vous le savez- et en une fraction de seconde, j'ai cru à ce... Truc dans l'air.
Vous savez? Quand il y a un espèce de courant qui passe entre deux personnes...
En général, je n'y crois pas.
Mais cette lueur dans ces yeux à ce moment là...
Ca ne trompe pas.
Misère.
*fin flashback*
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