Askhell
Les trois jeunes femmes étaient parties depuis peu quand le premier obstacle se dressa devant elles. Un terrifiant dragon leur barrait la route, soufflant des gerbes de feu dans le sous-bois, enflammant tout sur son passage. Maïwen, qui ne souhaitait rien de plus que de prouver sa bravoure, vit cette épreuve d’un œil joyeux. Elle sauta hors de sa selle et sortit une épée d'une des sacoches accrochées à l'encolure de son cheval. Un son résulta de cette action et le monstre se retourna. En voyant les trois jouvencelles, il rugit et galopa vers elles. Les deux demoiselles, bien que courageuses, s'enfuirent dans les profondeurs de la forêt avec leurs montures tandis que Maïwen se campait sur ses appuis. Soudain, le dragon s'arrêta et regarda dans les yeux de son opposante. Celle-ci ne détourna pas le regard. Quoi que le fauve y vit, il se coucha au pied de la jeune combattante en prenant un air soumis. Plus heureuse qu'étonnée, cette dernière tendit la main vers l'énorme animal en guettant une riposte de celui-ci. Ne voyant rien arriver, elle posa ses doigts sur le museau de la bête les passa sur sa tête jusqu'aux oreilles. Le dragon, à sa plus grande surprise, commença à ronronner sourdement.
Cette « épreuve » passée, Maïwen se retrouva sans compagnes ni montures. Dernière option, monter le dragon. Ce dernier avait un creux entre ses deux ailes, à la base de son long cou. De sa puissante mâchoire, il aida la frêle jeune fille à monter sur son large dos, la poussant par petits coups. Maïwen caressa la tête triangulaire en guise de remerciement. Pensant à voix haute, elle déclara:
-Il te faudrait un nom… Pourquoi pas… Askhell? C’est cela! Je vais te nommer Askhell!
La puissante bête s’élança dans le ciel du matin, surveillant du coin de l’œil sa cavalière. Quand à cette dernière, elle se délectait de ce sentiment de liberté qu’elle n’avait jusqu’alors jamais connu.
-En route pour Camelot!, hurla-t-elle dans le vent humide.
Ils volèrent jusqu’au soir où ils trouvèrent une clairière pour dormir. Armée d’un arc et de flèches de fortunes, la jeune fille partit chasser aux alentours alors qu’Askhell soufflait un feu.
Quelques heures plus tard, Maïwen dormait contre le doux et chaud flanc de son dragon, rassasiée par le lapin qu’elle avait attrapé. Deux biches avaient été un festin pour la bête qui n'avait eu qu'à tendre le cou pour s'en saisir.
Pendant ce temps, à des lieues de là, les deux servantes revenaient sur les lieux du prétendu combat et ne retrouvèrent que la monture revenue elle aussi chercher sa cavalière. Remplies de chagrin à l'idée de la pseudo mort de Maïwen, elles retournèrent au château de la comtesse et annoncèrent la triste nouvelle à leur maîtresse. Cette dernière laissa cœur à son chagrin dans les bras de sa seconde fille.
Loin de penser au désespoir causé par sa victoire, Maïwen se réveilla à l’aurore. Askhell dormait encore, épuisé par le vol de la veille. Ainsi, la jeune fille partit chasser. Quand le dragon se réveilla, il désespéra de ne point voir sa jeune cavalière et la chercha, en vain, dans le campement. Elle ne revint qu’aux alentours de midi, chargée de paquets, de viandes et de nouvelles. Tout en mangeant, elle parla à son dragon afin de meubler le lourd silence qui les entourait:
-Quand je suis partie, tu dormais encore, je n’allais pas te réveiller, commença-t-elle sur un ton qui se voulait plaintif. Je suis arrivée à un château et l’on m’a donné des nouvelles: Camelot n’est qu’à une semaine de marche, autant dire deux jours de vol pour toi. Le roi Arthur est à sa cour. Ah! aussi, le chevalier à qui le château appartient m’a donné un bouclier pour que je ne sois plus sans défense. Il me tient bien au bras. Oh! ses couleurs sont assorties avec mon épée! Tu crois que le châtelain y a pensé?
Tout en jacassant, Maïwen maniait les armes avec dextérité.
Assurément, répondit le dragon.
-Tu…tu parle?, s’égailla la jeune fille, troublée.
Je t’envoie mes pensées plus exactement, précisa Askhell. Un dragon, quel qu’il soit, doit se lier à une personne dans sa vie afin de former un duo inséparable. Moi, je t’ai choisi. Un sorcier m’avait ensorcelé car je lui avais mangé une brebis. J’étais obligé de rester ici et de monter la garde pour lui. Jusqu’au jour où une personne déterminée et brave viendrait pour me délivrer. Malgré la difficulté, elle aurait encore l'âme pure et n'aurait jamais pris la vie sans raison. Il a ajouté que de telles qualités n'étaient que rares. C’est toi qui m’a ôté ce mauvais sort. La plupart des chevaliers de la Table Ronde sont venus pour me combattre, ne connaissant pas mon entrave. Ils sont tous repartis avec un souvenir cuisant. Ils me craignent. En suivant la logique, ils TE craignent!
A ces mots, le dragon se tut, guettant une réaction de la part de sa jeune cavalière. Elle le regardait, bouche béante, essayant d’assimiler ces informations pour le moins... troublantes. Lorsqu'elle reprit la parole, elle semblait les avoir plus ou moins digérées:
-Donc tu parles, ou plutôt, tu m'envoies tes pensées...Les chevaliers de la Table Ronde te craignent et donc ME craignent... Je t'ai libéré de l'emprise d'un sorcier auquel tu avais mangé une brebis...
Euh...oui. C'est exactement ce que je viens de te le dire!
Caressant machinalement les longues oreilles du dragon, Maiwen se demanda ce qui l’attendrait à Camelot. Des épreuves peut-être? Ou bien une vie ordinaire? Ou encore, extraordinaire? Tant de questions auxquelles elle ne pouvait répondre! Enfin, elle partit, à dos de dragon, direction le palais du roi, les armes et provisions bien rangées dans des sacoches faites du cuir des proies. En cours de route, la demoiselle mangea une prune tout en s'interrogeant de nouveau : allait-elle vraiment rencontrer les personnages les plus instruits du royaume?
Peu avant Camelot, Maïwen arriva à un château perdu au milieu des bois. Le duc an Madelzhus Avel en était l'occupant. Ancien chevalier de la Table Ronde, il aidait et préparait ceux qui souhaitaient le devenir. Bien qu'habitué aux prodiges, sa surprise fut grande lorsqu'il découvrit, au petit matin, un immense dragon sombre dont les ailes, déployées, auraient pu recouvrir un petit château. Plus grande fut-elle encore quand il découvrit une frêle jeune fille sur son cou. Celle-ci semblait à l'aise, montant le dragon comme un étalon lambda.
Elle le supplia de lui apprendre tout ce que les chevaliers devaient connaître car son rêve était de le devenir. Le duc, qui aimait les défis, accepta sur le champ. Lui qui rêvait de faire quelque chose qui sortait de l'ordinaire, il était servi! Astrid passa exactement cinq années avec lui, mois pour mois, jour pour jour. Entre autre, elle apprit à se servir d'une lance normalement. Elle apprit aussi à combattre à cheval bien qu'elle préférât garder Askhell avec elle. Au fil des jours, le dragon lui dévoilait ses secrets...
Le duc avait une fille, Aela, plus jeune que Maïwen de quatre ans. Depuis sa chambre, elle suivait des yeux les cours que donnait son père, le jour avec les jeunes hommes du village voisin, la nuit avec Maïwen. Après deux ans de regards cachés, la jeune fille avait décidé de descendre dans la cour, mais à la nuit tombée seulement, afin de pouvoir assister de près aux cours nocturnes du duc. Maïwen, curieuse de nature, l'avait laissée faire, étrangement amusée par cette petite en qui elle se reconnaissait. L'année suivante, Aela était dans l'arène. Tout d'abord intimidée, elle commença peu à peu à s'enhardir et alla même jusqu'à manier lance et épée. Elle découvrit ainsi un monde qui était jusqu'alors au pied de sa fenêtre seulement. Petit à petit, son courage se dévoila aux yeux de tous. Aela s'endurcit, devint peu à peu une guerrière remarquable et remarquée.
Cinq ans après l'arrivée de Maïwen, cette dernière surpassait de loin les jeunes hommes du duc. Tous les adversaires qui lui étaient présentés étaient mis hors de course en quelques instants et se retiraient avec un cuisant souvenir. Aela, elle aussi, devenait meilleure en tout. Comme Maïwen, elle battait tous ceux qui osaient essayer de la combattre. Seuls Maïwen et Mahault, son frère aîné, réussissaient à lui faire perdre son épée. Par ailleurs, la première était devenue l'idole de la plus jeune, et le second était depuis toujours son exemple.
Ainsi, Maïwen devint l'apprentie la plus douée du duc an Madelzhus Avel.
Les cinq années passées, Maïwen était fin prête pour son arrivée à Camelot.
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