Si tu étais là...
Je ne me sens pas d’humeur à écouter de la musique ; de toute façon si je le fais, je vais encore choisir ma plus triste playlist et la soirée recueillerait une énième crise de larmes, un énième éclat de manque et de solitude. Je n’ai pas envie de pleurer encore son absence. Alors, les yeux qui piquent, la respiration qui se veut irrégulière, je me poste derrière ma petite fenêtre ouverte sur l’autre bloc. De là, je vois d’autres filles elles aussi perchées au rebord des leurs, s’échangeant des paroles et des éclats de rires. J’envie leurs insouciances, leurs joyeuses humeurs nullement entravées par la nostalgie. Ce qui me tue, moi, à minuit, dans ma résidence universitaire, à des centaines de kilomètres de mon chez-moi, ce n’est que la nostalgie de ce qu’aurait dû être nos vies si elle était encore là.
J’aurai aimé qu’elle soit là, auprès de sa petite sœur. J’aurai aimé pouvoir la sentir, effleurer ses joues rouges, tapisser son menton de ces petits baisers baveux dont elle a tellement horreur. Si elle était là, dans cette résidence solitaire à Alger, on aurait acheté des concassés qu’on aurait dévoré devant un bon film d’horreur. On crierait, sursauterait, puis éclaterait de rire car heureuses serions-nous d’avoir perdu quelques calories. On échangerait des confidences que seules les sœurs s’échangent, se partagerait nos petits secrets, étalerait nos profonds sentiments. J’aurai pu lui raconter que j’éprouve une sincère attirance pour un garçon de mon groupe d’étude, elle m’aurait donné des conseils, elle m’aurait soutenue. Mais elle n’est pas là, elle est à mille lieues d’ici, elle est de l’autre côté de la Grande Bleue.
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