PREMIÈRE PARTIE

L'histoire des hommes commença un jeudi, vers 15 heures.
Au mois de Mai, probablement, parce que c'est une belle saison pour lancer une grosse connerie.
L'Univers continuait de se dilater depuis quelques bons milliards d'années. Un joli morceau d'éternité durant lequel rien n'était arrivé, à part quelques explosions titanesques et des collisions de galaxies.
Monsieur Univers, qui n'en était pas encore réduit au principe d'un Monsieur Muscle huilé et bronzé à souhait, se faisait considérablement chier, à vrai dire.

Issu d'une explosion primordiale, il avait passé son adolescence à inventer toute sorte de choses nouvelles en combinant quelques atomes qui se multiplièrent, crûrent sans jamais s'arrêter. C'est ainsi qu'apparurent les matières. Carbone, hélium, et toute la clique. Forgés au creuset de la destruction des astres, il fit même naître quelques métaux qui, plus tard, fascinèrent les êtres pensants grâce à leurs propriétés toutes particulières.

Mais ces matières ne réagissaient qu'entre elles, sans manifester la moindre activité vitale. L'Univers était vaste, certes, mais désespérément mort. Il y avait bien les traces fantomatiques d'une onde sonore qui se répandait dans les confins depuis le premier instant de sa création mais, à part ce clash monumental qui perdait aussi en puissance à chaque instant, tout se passait dans la plus parfaite monotonie.

Mister Univers, appelons-le "U" pour nous simplifier la vie, s'emmerdait donc selon une échelle qui correspondait très exactement aux dimensions insoupçonnables de sa propre dilatation dans l'Infini.

Ce qui le sauva de la morosité fut que les combinaisons qu’il avait initiées se multiplièrent à l’infini, et se transformèrent en choses totalement imprévisibles. Parmi celles-ci, on trouvait des choses admirables d’ingéniosité naturelle, d’autres plus difficiles à cerner et, enfin, quelques avatars malheureux, génétiquement néfastes et, par-dessus tout, doués de ce qu’on appela un jour la Pensée.

C’est ainsi que naquit Raymond.