La bombe spatiale de Mister U percuta le petit monde de Raymond de plein fouet, provoquant des dégâts considérables. Presque toute la Vie sur Terre disparut, d’abord carbonisée par un incendie planétaire. Ensuite, famine générale.
Le temps nécessaire pour calmer la rancœur de Mister U qui se réjouissait en silence.

C’est ainsi que la plupart des êtres vivants moururent, eux qui ne songeaient qu’à baiser, bouffer et dormir sans se faire dévorer.
Raymond en prit ombrage, bien sûr, et décida sans rien dire de sauver quelques bestioles, parmi les plus insignifiantes, les moins armées pour résister à un monde en plein bouleversement.
Il porta son choix sur les plus petits des animaux. Des petites boules de poils, douces au toucher, pas plus fufutes qu’une pierre, ou à peine, mais qui tenaient dans ses poches. Il les emmena en lieux sûrs, le temps que l’autre con retourne à ses explosions stellaires. Un peu plus tard, quelques milliers d'années à peine, il libéra leurs héritiers sur un gazon refait à neuf.

Maintenant, les gros balaises, ceux qui foutaient les jetons à tout le monde avec leurs grosses dents et leur appétit pantagruélique, n'étaient plus qu'un méchant souvenir. Alors, les boules de poils investirent la surface de la Terre.
Parce que la déflagration avait considérablement modifié les conditions climatiques, certaines ne tardèrent pas à se défaire de leur pelage, pendant que d’autres en rajoutaient quelques couches supplémentaires. Émerveillé, Raymond laissa faire sans trop intervenir.

Bref, la Vie se redéveloppait, se diversifiait selon les besoins locaux, climatiques ou non. Elle avait appris à s’affranchir de capacités devenues inutiles pour en développer d’autres, plus essentielles à sa pérennité. Pendant ce temps-là, Raymond piquait du nez sur son journal, ronflant de bonheur, sûr d’avoir réalisé un truc vraiment exceptionnel.
Mal lui en pris puisque, sans prévenir personne, les petites boules de poils qui n’avançaient qu’à quatre pattes, décidèrent tout à trac de se contenter de la moitié de leur puissance motrice pour utiliser l’autre moitié à d’autres activités, plus efficaces pour se remplir la panse ou se vider les roupettes.

C’est là que le cheminement du monde, contrarié par le missile jaloux d’un Mister U toujours à côté de la plaque, se transforma en une série de virages serrés, menant un jour à la création d’une race promise à un avenir un peu spécial : l'Homme.
C'était un truc pas bien haut, pas costaud d’apparence mais doué d’une curiosité sans borne. Il fit ses premiers pas dans des savanes surchauffées, évoluant comme autant de mutations d’un virus, s’adaptant après chaque nouvelle campagne de vaccination.
Maintenant juché sur deux pattes, il pouvait voir un peu plus loin que le bout de sa truffe, survolant presque les hautes herbes qui dissimulaient trop souvent les prédateurs. Rapidement, les prédateurs devinrent prédatés, d'ailleurs.
Le sol de la planète tremblait déjà de l’émergence inopinée de ce personnage qui, sans faire de bruit au départ, ne tarda pas à faire parler de lui. Au point de sortir Raymond de sa torpeur sénile…

Quand ce dernier réalisa la présence de ce nouvel hôte, il ne sut pas trop quoi en faire.
Pourtant, Mister U le prévenait que tout risquait de partir en sucette…
Si Raymond-Prométhée, Titan signataire exclusif d’un bail secret passé avec l’Infini, avait pu prévoir la suite, il aurait certainement décidé de changer de nom. Mais, indécis, il observa quelques temps, histoire de voir la suite.
Malheureusement, les virages n’en finissaient pas de tourner vinaigre, ce qui l’obligea à reprendre les choses en main, avec une série de directives et de consignes intraitables.