Funeste présage p1

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Les deux hommes repartirent, s’enfonçant une nouvelle fois entre les ruelles tortueuses et encombrées de voyageurs en plein préparatifs de départ.

Ils continuèrent de disserter - ignorant tout de l’agitation environnante - sur les us et coutumes des tribus caravanières dont ils allaient devoir partager l’étrange mode de vie durant les mois à venir. La passion insatiable pour la connaissance du Maître magistère était proverbiale au sein de la Maison du Savoir, et le chercheur n’avait pas désigné Vellin comme disciple sans raison. Lorsqu’ils restaient ensemble, les deux érudits pouvaient converser des heures durant, sans rien remarquer du passage du temps, jusqu’à ce que seulement le silence et l’obscurité de la nuit les ramenaient à la raison.

Ce fut ainsi que, bien trop absorbés par leur litigieux débat sur l’appauvrissement génétique des Bérulfs consécutif à la sélection mise en place par les caravaniers, ils parvinrent sur une place de la ville curieusement abandonnée et silencieuse.

Vellin se figea le premier, alerté par un changement de pression dans l’air, qui traversa son corps en une série de fourmillement désagréable.

D’un mot, il intima le silence à son mentor, se surprenant par ce soudain excès d’autorité.

- Attendez !

Cette place qu’ils avaient traversée grouillante et bruyante d’agitation plus tôt dans la journée semblait déserte. Des chariots attendaient çà et là, débordant de leurs marchandises laissées en évidence. Divers outils traînaient au sol, comme abandonné au milieu de quelques tâches. Un cheval de trait déambulait seul entre les étales, le mors toujours au cou, à la recherche de quelques denrées à chiper. Une odeur écœurante de chaire brulée mêlée d’ozone flottait lourdement dans l’air.

Et, au centre de ce lieu figé et silencieux, se trouvait une femme seule.

Les traits creusés et ses cheveux gris en bataille, elle était assise à même un cercle de terre noirci et de débris de tente encore fumants. Ignorant tout du vide qui s’était opéré autour elle, elle contemplait ses mains, en proie à un babillage inaudible et confus.

Les corps inanimés de deux hommes et un enfants se tenaient étendus non loin d’elle. D’affreuses zébrures violacées striaient leurs peaux.

- Ne reste pas là ! Souffla Lunepâle, qui réagit cette fois le premier, entraînant Vellin par le bras à l'abri derrière un petit muret de briques abîmées.

L’endroit empeste la sorcellerie ! Et ces corps… Cette femme a dû perdre l’esprit…

Le garçon trembla de tout son corps. Habitué à une existence paisible entre un foyer aimant et la quiétude des beaux quartiers de la capitale, il devinait pour la première fois le visage hideux de la folie et de la mort. Il déglutit avec peine.

- Quelle horreur…

- Les veines de fluides seront toujours des endroits dangereux... Maintenant observons, les caravaniers ne tardent rarement longtemps. Mais en silence. Je ne tiens pas à finir comme eux trois.

Les deux hommes retinrent leurs souffles et attendirent, tapis derrière leur muret. Vellin remarqua que, tout comme lui, des femmes et des hommes apeurés entouraient la place, dissimulés derrières toutes sortes d’obstacles. Eux aussi attendaient sans un bruit, les yeux braqués sur la femme assise.

Voilà donc où s’étaient volatilisés les marchands…

La femme ne semblait pas avoir la moindre conscience des personnes l’observant. Seules ses mains retenaient toute son attention. Autour d’elles, l’air paraissait avoir pris vie. Il virevoltait et dansait, dense, teinté d’une multitude de nuances chromatiques, comme au-dessus d’une flamme incandescente.

L'apprenti en resta subjugué, se sachant bien incapable de parvenir à un tel niveau, même après ses années d'entrainement au sein de l'académie.

Par le Souffle de l’Unique, elle canalise ! Sans aucun effort, elle parvient à canaliser cette énorme quantité de fluide qui l’entoure. J’en serais presque jaloux si les conséquences n’étaient pas aussi tragiques… Si par malheur elle relâche sa concentration, d’autres personnes risquent fort de terminer grillés comme ses trois-là. Et si l’envie lui venait d’y rajouter quelques mauvaises intentions, toute cette partie de la ville pourrait bien avoir rejoint les Abysses Glacés avant la tombée de la nuit….

Comme en réponse aux craintes du garçon, les soldats caravaniers apparurent à quelques pas seulement de la cachette où se terraient Vellin et Lunepâle.

Au nombre de quatre, flanqués d’un molosse musculeux, ils étaient facilement identifiables de par leurs physionomies particulières et leurs tenues séculaires.

Turban à nœuds vissé sur la tête en protection de la poussière et du soleil des routes, tunique ample et colorée surmontée d’un plastron en cuir bouilli sur le torse, tous arboraient la même pigmentation halée presque dorée ainsi que la chevelure chatoyante propre aux tribus nomades originaires de l’Ouest-Lointain.

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