Point de vue : Diego

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Diego tira une bouffée de sa clope, le dos calé contre l’entrepôt. L’air était lourd, chargé d’une tension qui lui collait à la peau comme une vieille amante. Il matait ses gars s’activer, déplacer la caisse contenant la bombe à l'intérieur du hangar. Tous savaient ce qu’ils foutaient là. Tous, sauf Alex.

Alex. Son bras droit, à qui il aurait filé sa propre thune sans même y réfléchir, pendant que ce même gars lui chiait dans les bottes avec ses cachotteries : des dossiers copiés, des adresses notées… et les flics qui avaient toujours un coup d’avance, surtout ces derniers mois. Le hasard ? Mon cul, ouais.

Diego s’approcha de la bagnole où Alex était affalé comme une loque. Il ne ressentait pas de colère, pas encore, juste le calme glacial qui précédait l’orage. Il ouvrit calmement la portière et s’installa. Alex sursauta comme un clébard pris la truffe dans un sac d’embrouilles. Diego réfréna un sourire. Il sentait qu'il allait s'amuser :

— Mec, t’as une sale gueule.

La provocation était intentionnelle. Il voulait l’entendre parler, entendre à quel point il allait mal.

— Juste crevé, lâcha Alex d’une voix éteinte.

Évidemment. Trois jours qu’il était à cran, bien plus que d’habitude. Alex avait toujours eu ses petits silences, cette façon prudente de peser ses mots. Ça n’avait jamais inquiété Diego, parce qu’Alex était un homme intelligent, et qu’un homme intelligent réfléchit avant d’ouvrir sa gueule. Mais Alex avait régressé. S'il avait été un peu plus malin, il n’aurait jamais foutu Diego dans une position où il en viendrait à douter de lui.

— T’as toujours l’air crevé, ces derniers temps.

L’accusation était douce, sournoise. Il lui tendait une corde, attendant de voir si Alex allait s’y suspendre ou s’y pendre. Mais Alex ne répondit rien, incapable de soutenir son regard. Il avait toujours eu ce côté lâche que Diego aimait bien. Mais pas ce soir. Pas quand la trahison puait si fort que ça lui donnait la gerbe. Il tapota sa clope contre le rebord de la fenêtre, expira lentement, puis enfonça le clou :

— Tu me caches quelque chose ?

— Non.

Pas une hésitation. Pas une putain d’hésitation avant de lui balancer ce mensonge en pleine face. Alex lui servait de la merde et il l’avalait depuis combien de temps, au juste ? Il se sentit con. Tellement qu’il en rit. Il rit et il en rajouta une couche :

— T’es pas doué pour mentir.

Dans le mille. Alex se raidit, les mains tremblantes. Il était au bord du gouffre. Prêt à craquer. Et puis y eut ce grésillement. Le regard d’Alex se vida d’un coup. Panique. Il voulut tourner la tête, mais Diego ne le lâcha pas. Il le fixait, détaillant chaque réaction : ses muscles tendus, sa respiration hachée. Et putain, il comprit.

Une oreillette.

Ce fils de chien était en contact avec quelqu’un. Un flic. Un frisson de rage lui grimpa le long de l’échine, mais il se réfréna. À la place, il posa sa main sur l'épaule d'Alex. Légère. Pas pour le calmer, mais pour le marquer, reprendre l'ascendant qu'il avait perdu et surtout pour lui rappeler à qui il appartenait :

— Détends-toi, mec. Y a que nous deux ici.

Ces mots étaient doux. Doux comme une cage froide.

Et dehors, la bombe attendait patiemment que les rats sortent de leur trou. Diego savait que ces rats approchaient du hangar quand Alex braqua son regard sur un point derrière lui. Rien que d'imaginer leurs cervelles exploser lui procura un souffle de bonheur.

L'explosion attendue retentit enfin, projetant Alex contre la portière. Diego, lui, resta immobile, savourant la secousse jusque dans ses os. Quand Alex comprit ce qu’il venait de se passer, ses pupilles s’écarquillèrent d’horreur. Diego aurait aimé profiter de son désespoir un peu plus, mais son gars se reprit trop vite. Il ouvrit la portière sans un regard pour lui et s'avança dans le chaos. Il recherchait quelqu’un.

Quelqu’un d’autre.

Et ça, c’était inacceptable.

Diego le rattrapa, referma ses doigts sur son poignet et tira violemment. Alex sursauta et se détourna vers lui. Enfin. Diego lui offrit un sourire. Léger. Posé. Définitif. Il avait gagné :

— On a des choses à se dire, Alex. Beaucoup de choses.

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