Chapitre 3 : L’Ombre d’une Mère

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L’urne, nichée dans la poche du veston d’Enlil, s’échappa subitement, lévitant au milieu d’eux avant de se gorger de luminescence. Lentement, le spectre éthéré de leur mère se matérialisa, glissant avec une grâce irréelle. Ses doigts fantomatiques, tremblants d’amour et de fierté, effleurèrent leurs joues. Ce simple contact apaisa leurs tourments, rassurant leurs craintes, et éveillant en eux une force insoupçonnée. Puis, avec une majesté empreinte de mélancolie, elle recula légèrement, et lâcha :

« Mes fils… Je suis si fière de vous. Vous avez franchi une étape importante, qui vous permet d’interagir avec moi, mais écoutez bien : ce qui vous attend sera encore plus éprouvant. Faites confiance à Zargua et suivez ses indications sans protester. »

Kieran serra les poings, hésitant avant de murmurer :

— Man… Ne serait-il pas plus simple de veiller à ce que Néant ne soit jamais libérer de sa geôle.

Elle tourna son regard vers lui :

« Malheureusement, il a déjà passé trop de temps dans ce royaume. C’est notre seule option. Sa présence affaiblit la Création et met tout en péril. »

Enlil, visiblement troublé, croisa les bras :

— Pourquoi tu ne nous guides pas vraiment, alors ? Pourquoi tous ces foutus mystères ? Tu savais qu’on allait passer cette arche sans vous, tu savais ce qu’on trouverait ici ! Et pourtant, tu n’as rien dit, rien ! Sérieusement, maman, pourquoi ?!

Le spectre s’avança légèrement, comme si elle voulait à nouveau les toucher, mais se retint. :

« Déjà, tu vas te calmer. Tu oublies à qui tu parles, mon chéri ? »

Il ne moufta pas. Satisfaite, elle poursuivit :

« Mon moi futur m’a rendu visite. Ce que vous devez retenir, c’est que vous avez déjà tout en vous pour réussir… »

Craignant moins son autorité que son ainé, Kieran hasarda :

— Et qu’est-ce qu’elle t’a révélé ?

« Rien que tu ne doives savoir, habibi ! En résumée, vous devez apprendre à décider par vous-mêmes. Le poids de votre destin, mes cœurs, repose sur vos choix. Je ne serai là que lorsque cela sera absolument nécessaire. »

Warren murmura presque pour lui-même :

— Tu crois vraiment en nous à ce point…

« Plus que tout au monde. »

Puis, dans un élan empreint de majesté, elle recula, levant une main éthérée comme un adieu.

« Prenez soin les uns des autres. »

L’âme, doucement, reprit sa forme initiale d’urne, avant d’être saisie par une lumière dorée éclatante. Lentement, elle se fragmenta en trois morceaux distincts, se transformant en chevalières finement ciselées. Les bijoux lévitèrent avant de venir se poser sur le majeur de chacun.

« Ces anneaux vous guideront, vous protégeront… mais n’oubliez jamais qu’ils renferment aussi une part de moi. Mon amour, mes peurs… et mes failles. »

Sous le coup de l’émotion, Kieran se tourna brusquement vers Enlil, chargé de reproche :

— Alors, tu comptais nous parler de l’urne un jour, ou ça devait rester ton petit secret ?

Il soupira, agacé :

— Non. Ça n’avait pas d’importance à ce moment-là.

— Pas d’importance ?! Sérieusement, Enlil ? Elle contient l’âme de Maman, et tu décides de ne rien dire ? Tu ne penses jamais qu’on pourrait être concernés par ce genre de détails ?

— Ce n’est pas le moment. Regarde ce qui est en train de se passer.

En effet, des spirales argentées s’élevèrent autour d’eux. Prisonniers au cœur de l’œil du cyclone, ils furent témoins d’un défilé multicolores : arches dorées surgissaient puis s’évanouissaient ; jardins stellaires s’esquissaient et retombaient en poussière pailletée.

Peu à peu, le chaos ralentit, avant que la tornade ne s’élargisse et s’efface, laissant place à la salle de la méridienne. Zargua, mangeant une grappe de raisin, y trônait. Sa posture théâtrale et son sourire tendancieux les accueillirent :

— Enfin, vous voilà ! Vous avez pris votre temps ! Je commençais à croire que le Spiraltor vous avait déposée aux mauvais endroits.

Enlil répliqua :

— Disons que ce Palais a un sens de l’orientation particulier.

Elle se leva, ses bracelets tintant doucement, et s’approcha des trois hommes et, amusée, déclara :

— Oh, mais voyez ces étoffes. Vous êtes désormais حراس الوجود (Hurras al-Wujud/ Les Gardiens de l’Existence).

— Et qu’est-ce que cela implique ? s’impatienta Kieran. Et d’où viennent-ils ? Comment peuvent-ils être tissés à partir de nos âmes ?

— Un jour, vous croiserez Tom Ford et vous comprendrez… mais moi, je n’étais pas là. Je… écoute, soyons clairs. Je ne peux pas répondre à vos questions, même si je le voulais. Votre mère et vous… vous vous en êtes chargés en me forçant à signer… de mon sang.

Une fraction de seconde, la peur fissura son masque de noblesse. Warren plissa les yeux, observant cette fragilité éphémère, presque irréelle. Une pensée s’imposa, lourde et troublante : jusqu’où faudrait-il aller pour briser une femme si puissante ? La faire vaciller au point de lui arracher ce contrôle absolu qui faisait sa force ? Et s’il obtenait ce pouvoir, que deviendraient-ils ? Serait-ce le début de leur chute dans la tyrannie ? Elle se détourna, essuya une larme, puis redressa le menton, et, d’une assurance feinte, enchaîna :

— L’Univers est dorénavant vôtre, mes chers. Chaque acte, chaque intervention pour réécrire l’histoire s’adaptera avec justesse dans le fil du continuum espace-temps.

Elle fit s’évaporer leurs atours dans une nuée argentée.

— Tu pourrais demander avant de faire ça, non ?

— Je préfère voir vos jolis minois. Et si vous en avez besoin, il vous suffira de le vouloir.

Elle marqua une pause :

— À partir de maintenant, en dehors du Sultanat, Enlil sera Yāqūt ; Kieran, Safīr et Warren, Zumurrud. Personne, et je dis bien personne, ne doit apprendre vos véritables identités. Sinon, adieu à vos places quand la boucle sera bouclée !

— Et si nous échouons ?

— Alors, sans qu’aucun s’en souvienne, tout recommencera, encore et encore, jusqu’à ce que vous réussissiez

L’aîné croisa les bras, prétendant une indignation :

— Nous ferons ce qu’il faut. Ces pouvoirs, à quoi devons-nous vraiment nous attendre ?

Zargua leva un sourcil, le mystère voilant brièvement ses traits :

— Vous le saurez bien assez tôt. Passons à votre première mission.

Warren péta un plomb et s’emporta :

— On a vu les nôtres mourir, nos univers disparaître, dévorés par une chose qu’on ne comprend même pas. On a été brisés, réparés de justesse… Introniser Seigneur de l’univers. In off, ça suffit ! Je n’ai pas dormi depuis des semaines, je tiens à peine debout.

— Il a raison ! décida Enlil

Zargua feignit une moue offusquée, mais dès que les garçons invoquèrent la Spiraltor vers l’une des innombrables ailes du Palais, une étincelle d’excitation trahit une impatience contenue :

— Mon cher daddy, tu m’as tellement manqué !

Consciente que l’heure de divulguer sa véritable nature ne viendrait qu’au tome 3, la Régente se redressa, inspira profondément et activa les écrans.  Lentement, le panorama céleste s’ouvrit, dévoilant une mosaïque de constellations et de nébuleuses Puis, tout convergea vers un point central, une sphère familière : la Terre. Son bleu éclatant et ses continents soigneusement dessinés se détachèrent, capturant l’attention… avant qu’un zoom abrupt ne fixe le Sahara Algérien, où, invisible aux yeux de tous, se trouvait le fief des Sorciers, la cité Mystique de Khalarie.

Safia Darck, Reine de la magie depuis cinq-cent-un ans, rendait volontairement son dernier souffle. À ses côtés, Farouh, son héritière et future grand-mère de la Trinité, affrontait la situation avec l’assurance imposée par son rang. Pour l’instant, tout restait figé, mais demain sera déclenché le véritable cours de l’histoire, rapprochant un peu plus la Régente de sa liberté.

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