Origine et fin
Il y a une folle dans mes rêves. Une folle au long cheveux noirs. Une folle en robe de chambre blanche sale. "The Ring" ? Pourquoi pas. Seulement, je ne connaissais pas ce film quand j'étais enfant... et elle était déjà là. Cette folle dans mes rêves me regarde. Parfois, elle approche. Parfois, elle est juste là. Toujours, elle veut me tuer. Je le sais. Je vois ses yeux derrière la cascade de ses cheveux. Et son sourire... c'est ce sourire qui me fait peur. J'ai une fois rêvé de son origine. D'où venait-elle cette folle dans mes rêves ? De la maison de mon enfance.
Dans la nuit, une photo est prise dans la maison de mon enfance. Je suis à la place du photographe. Dans la salle d'à côté, j'entends de la musique. Il y a un bal. Je prends la photo de la famille des propriétaires, une photo à l'ancienne. Dans la photo, que des femmes. La grand-mère, filles, petite-filles et sur la droite, dans le rang du milieu, la folle de mes rêves. Elle ne sourit pas, pas encore. Elle n'est pas encore la folle de mes rêves. Je le sais, je le sens. Mais cela va arriver ce soir.
Dans le couloir sombre, je vois la folle de mes rêves s'arrêter devant une porte. Elle toque. Je sais que c'est la chambre de la grand-mère, je sais qu'elle va la tuer. Et au moment même où ces mots se forment dans mon esprit, la folle tourne la tête vers moi... et sourit. Mon coeur a raté un battement, je crois que j'ai arrêté de respirer un moment. J'ai commencé à avoir peur, vraiment peur. Cette fois, elle va me tuer. J'en suis sûr... mais la porte s'ouvre et dans la lumière nouvelle inondant le couloir, je vois que la folle a un couteau caché dans son dos. La grand-mère la fait entrer et je ne peux pas bouger. La grand-mère ferme la porte et je ne peux pas bouger. Puis, les cris se font entendre, mais ce ne sont pas juste des cris. Ce sont des mots, une phrase répétée encore et encore, de plus en plus fort par la grand-mère qui se fait poignarder. "Ne rien entendre et ne rien voir. Ne rien entendre et ne rien voir. Ne rien entendre et ne rien voir !" Je cours passant des salles vides et sans lumières. Plus je m'éloigne, plus les mots se font entendre. Soudain, je sens que la folle a fini. La folle va venir me chercher et je cours tout droit comme un.e idiot.e. Les portes s'ouvrent et toutes les pièces se ressemblent. Elle me trouvera sans difficulté. Ne rien entendre et ne rien voir !! Je me réveille...
Le temps a passé. La folle dans mes rêves était toujours là. Toujours, j'ai réussi à lui échapper. Mais j'ai trouvé quelque chose dans mes rêves. J'ai trouvé comment la tuer...
A peine endormi, j'ai ouvert les yeux dans une chambre lumineuse. La chambre de mon enfance, dans la maison de mon enfance. Elle devait être là. Normal, après tout, n'était-ce pas sa maison avant d'être la mienne ? Je n'ai vu que des lapereaux. Je les ai caressé un peu avant de me poser une question importante et peut-être aussi, un peu inquiétante... Où est la maman ? C'est là que je me suis retourné.e. C'est là que j'ai vu la haute silhouette en robe de chambre blanche sale. Debout, dans le coin de la pièce, face au mur. Comme à chaque fois, la folle de mes rêves semble avoir lu dans mes pensées et elle se retourne. Elle sourit encore, la folle, elle sourit en tenant la lapine morte dans ses bras. Et elle me regarde. Doucement, doucement, en restant calme, je me lève. Je sors. Je vais dans la pièce d'à côté pour trouver ma mère assise sur un lit.
"Maman, il y a une folle dans ma chambre"
Ma mère se balance sur le lit, tourne la tête vers moi. Elle sourit. Je réalise que ma mère est folle aussi et l'horreur m'envahit lorsqu'elle me répond :
"Je sais. C'est ta soeur. On t'a attendu, tu sais."
La folle, celle qui vit dans la maison de mon enfance, qui apparaît dans mes rêves depuis des années, ma soeur ? Logique, non ? Seulement, je n'ai pas le temps de me remettre de cette nouvelle que je vois, par la fenêtre, un bus plein d'enfants se garer près de la maison. Pendant que les enfants descendent d'un côté, la folle s'approche de l'autre. Elle marche, la folle dans mes rêves. Elle n'a jamais besoin de se presser. Elle sait qu'on ne sait pas comment la tuer... mais rien ne m'empêche d'essayer. J'arrive en courant, en criant :
"Il y a une folle, rentrez dans le bus !"
Trop tard. Je ramasse une barre de fer pendant que les enfants s'éparpillent en hurlant et j'empale la folle dessus. C'est bon. Je l'ai fait. J'ai tué la folle de mes rêves..... ce n'est pas si facile. La folle s'est dispersée en amas de chair sous le coup... mais elle se recompose, elle reprend forme sous mes yeux et je ne peux rien faire. La folle dans mes rêves est là, debout, souriante, bien vivante. Je ne peux pas la vaincre. Je le réalise, je le comprends et pourtant... une foule est maintenant tout autour d'elle et elle s'en moque. Pour la première fois, son regard ne me fixe pas spécialement. Il y a tellement de choix autour d'elle maintenant.
Mais dans la foule, je vois ma mère. Qui d'autre aurait la réponse ? Je l'approche. Ma mère garde son regard sur la folle.
"Maman, comment on la tue ?"
Sans poser les yeux sur moi, elle répond :
"Pourquoi tu ne lui demandes pas ?"
Je me retourne pour faire face à la folle et je n'ai pas peur. Doucement, doucement, je m'approche. Encore et encore, un peu plus. La folle ne bouge pas et fixe la foule. Je suis si proche maintenant, plus proche d'elle que je ne l'ai jamais été. Faisant attention à ne pas la toucher, je me penche, rapprochant ma bouche le plus possible de son oreille et je lui murmure :
"Dis-moi comment on te tue ?"
Je m'écarte alors que la folle me sourit. Elle me montre le côté de son cou, pointe une petite croix rouge sur sa peau. C'est alors que tous, tous ceux qui nous entourent, s'égorgent avec un canif. Tous commencent par planter le couteau dans la petite croix rouge sur leur cou et tranche leur chair, comme hypnotisés. Le sang dégouline en bouillonnant... et je n'ai pas peur. Je baisse les yeux pour voir le canif apparut dans ma main. En relevant les yeux, je croise le regard de la folle qui sourit... mais un sourire différent... un sourire confiant... un sourire sain et réconfortant... Ah...je vois... c'est comme ça que l'on te tue. Ce fut ma dernière pensée, car alors, j'ai planté la pointe du canif dans la petite croix rouge que je devinais sur mon cou... et me suis tranché.e la gorge.
Je voulais partager ces rêves parce que, peut-être, que vous aussi, vous avez une folle dans vos rêves. Peut-être qu'elle vous regarde en souriant et vous sentez qu'elle veut vous tuer. Si c'est le cas, alors... peut-être qu'en vous égorgeant...
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