ÉPILOGUES - Printemps
Voici donc le troisième épilogue ! Bonne lecture ! ;)
--Sept semaines plus tard, les faits étaient avérés : Maître Crowl avait envoyé sa femme (porteuse d’un poison inconnu des médecins) tuer le roi, entraînant la mort du reste de la famille royale. C’était une épidémie. Une épidémie entièrement transmissible par le toucher. --
Tomas et moi sommes étendus dans l’herbe, à l’ombre d’un cerisier fleurissant. Le seul son qui parvient à nos oreilles est le doux chant des oiseaux. En cœur, ils fêtent la nouvelle saison, celle du renouveau. Ce renouveau qui nous touche aussi cette année…
Suite à la mort de mon père et à la disparition de ma famille, la dynastie des Ettel s’est éteinte (étant donné que je suis considérée comme morte). Les conseillers du défunt Roi ont alors confié la conquête de l’Empire à un riche marchand d’armes...
Celui-ci a amené les troupes du Royaume à la frontière de la Mort, où depuis plus d’un mois, elles se battent, coincées dans un combat à l’issue irrévocable : la défaite. Mais cette défaite ne sera sans doute pas sans conséquences secondaires…
Depuis la prise du pouvoir par les conseillers royaux, des changements s’opèrent aussi à la Capitale : les anciens souverains ont été enterrés, le peuple se décime au fur à mesure suite à l’épidémie engendrée par leur mort, tandis que les hommes au pouvoir ne font rien que d’observer sans intervenir, trop occupés avec la guerre en cours.
Le pays sombre peu à peu dans les ténèbres… Moi aussi.
Cela fait sept semaines. Sept semaines que je me sens comme une coquille vide. Sept semaines que nous avons fui, que nous luttons pour vivre.
Nous ne sommes toujours pas revenus au Palais. Par précaution. Nous n’y sommes même pas retournés pour leur enterrement.
Je n’arrive pas à effacer l’image de leurs visages. Leurs visages sans vie. Je n’arrive toujours pas à accepter l’idée même de leur mort. Je sens le vide en moi s’agrandir…
Tomas me sors de mon égarement. Il prend doucement la parole :
« Il va falloir que l’on parte…
_Oui. »
Nous nous levons et nous éloignons progressivement de cet endroit paisible, rejoignant l’orée de la forêt à notre droite.
Nous marchons quelques temps et atteignons notre but alors que le soleil se couche : une cabane en bois, perdue entre les arbres. Cette cabane est devenue notre refuge, notre maison… celle de deux orphelins.
***
Je me réveille en sursaut. Des bruits de pas : ils nous ont trouvé.
Je me retourne vers mon ami, déjà éveillé à mes côtés. Il me fait signe de me déplacer à droite de la porte d’entrée. Je m'exécute dans le silence le plus complet, tandis qu’il se place sur la gauche.
Cette porte étant notre seule issue, il nous faut t'attendre que les gens au-dehors entrent. Nous attendons quelques minutes.
Alors que les pas se rapprochent, nous entendons un soupir (certainement celui d’un homme). Quelqu’un toque à la porte. Puis une voix prend la parole :
« Bonsoir. Je suis désolé de vous déranger à cette heure tardive : je me suis perdu dans cette immense forêt et je suis tombé sur votre maison… Je suis un messager royal, je ne vous veux aucun mal. Je cherche juste du repos. Je sais qu'il est dur de me croire sur parole, surtout que vous ne me voyez pas, mais je vous prie de le faire. Je vous en remercie. »
Il se tait. Tomas me regarde, m’interrogeant du regard. Je lui réponds en pointant du doigt le poignard à sa ceinture puis la porte. Il acquiesce.
Je me saisis brusquement de la poignée de la porte pour ouvrir celle-ci. Tomas passe devant moi, l'arme levée, dirigée vers l’extérieur.
L'homme qui nous fait face est assez âgé. Il porte l'uniforme des messagers royaux. Son visage reflète la fatigue : ses yeux sont soulignés d’épais cernes et ses traits sont creusés.
« Je vous remercie. N'ayez pas peur je ne vous ferai rien. Je ne suis pas je ne suis même pas armé ! »
Je m’approche de lui et vérifie ses dires… enfin j'essaie. À peine ai-je posé un pied hors de la cabane qu’il dégaine une hache à double tranchant.
Il va falloir se battre… Tomas est plus rapide que moi : il assène un violent coup de poignard à la gorge de l’homme.
Celui-ci titube, puis s’effondre au sol, se vidant de son sang en émettant des bruits insoutenables. Je détourne le regard.
« Nous devons partir, me dis mon camarade. »
Nous allons chercher nos minces affaires et partons en direction du nord, tandis que l’aurore pointe.
***
Mes pas résonnent dans le couloir. Seule, j’enjambe des cadavres défigurés, les pieds couverts de sang… Ils se sont tous entre-tués pour le trône, le seul auquel je peux succéder… le seul auquel je ne peux me permettre de succéder.
Notre fuite nous a menés à la Capitale. Au Palais. J’ai vu leurs tombes. J’ai entendu les derniers râles des soldats de la garde royale. J’ai vu la violence humaine.
J’ai revu la Mort.
Je l’ai semé une fois de plus, perdant Tomas de vue. Je me suis retrouvée ici, dans la salle du trône.
Un homme occupe l’ancienne place du roi : Maître Crowl.
Il tient une épée tâchée de sang dans sa main gauche, un sourire malsain sur ses lèvres. Il les a tous tué. Le trône lui appartient. Il ne reste plus que moi.
Je m’éloigne silencieusement de cette scène qui m’effraie. Je rejoins mon ancienne chambre.
Elle n’a pas changé. Rien n’a changé. Il n’y a que moi qui ai changé.
J’ouvre la porte qui mène au balcon. Je regarde le crépuscule.
J’ai la chance d’assister à la fin du Monde. L’explosion colorée d’une première bombe ennemie, suivie par ses centaines de sœurs.
J’ai le droit à un feu d’artifice comme cadeau d’anniversaire pour mes 13 ans.
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