Volte-face

Je remontais la tête face au miroir, pas très réveillé. Le reflet que j’apercevais semblait différent de celui que je connaissais pourtant si bien. Que se passait-il!  Trente ans de moins, des cheveux abondants, plus aucuns cernes. Je passais la main sur ce faciès encore endormi ; qu’il était beau me disais-je. Quelques minutes sous l’eau devraient m’aider à recouvrer mes esprits, à chasser les petits diables qui se jouaient de moi en riant. Ce n’était pas très grave pensais-je. L’eau coulait abondamment sur mes joues, contribuant à m’extraire de cette torpeur matinale. Mes yeux ainsi fermés amenaient un lot d’images rafraichissantes. Celles de l’époque de ce jeune homme que je venais de revoir. Quelle année était-ce ?  Un trouble m’envahissait, la porte d’un ancien monde se réouvrait.

 

La pluie tombe sans discontinuer. Je ne sais pas quelle heure il est, ni quel jour. Je reconnais cette cour ou j’ai passé la fin des années quatre-vingt. Les gouttes perlent sur mon visage, ruissèle le long de mes cheveux et sur ma veste, puis finissent par se perdre sur mes mains. Je suis au milieu de la cour du lycée ou j’entame ma deuxième année. Un beau souvenir. Mes pensées sont confuses, parcellaires. Pourquoi suis-je là ? Je ne ressens étrangement ni le froid ni l’humidité de ce jour pluvieux. J’aperçois au loin les salles éclairées ou les étudiants se plient religieusement à l’écoute. Je devrais être dans l’une d’elle, pas ici sous l’orage. La sonnerie retentit et comme par enchantement la pluie fait place au soleil alors que les portes s’ouvrent en libérant un flot de lycéens enchantés de cette pause.

 

Qui avait pu arrêter ce robinet ? C’était toi Francis, fils indigne ! Oui je m’énervais, oui je rêvais et alors. A quoi, à hier voilà à quoi. Un nouveau souffle, une bouffé de jeunesse putain comme ça faisait tu bien. C’était à peine croyable mais j’avais eu la sensation d’y être, j’avais vraiment douté. J’avais donc oublié ce que j’étais tant les jours avaient déposés innocemment leurs voiles de sable sur ma vie. Je me devais de repartir immédiatement, par peur d’oublier à nouveau ce passé. On était lundi matin, l’année je ne voulais plus la connaitre, car j’avais été subitement enlevé de cette réalité. Je fermais la porte à clé pour être définitivement tranquille. Une douche me ferais du bien, j’étais trop dégouté d’être revenu. Le jet d’eau sortant du pommeau irriguait mon visage, mon corps. La température était parfaite, je me réchauffais, me détendais. J’essayais les yeux clos de me replonger dans cette délicieuse sensation de l’avant.

 

 

Les parapluies envahissent l’espace, remplissent la cour malgré le déluge qui s’amplifie. Le ciel est de nouveau assombrit, c’est à ne rien comprendre. J’ai l’impression de faire des allers-retours avec une autre dimension. Je ne suis plus très sûr de qui je suis. La seule certitude c’est ce lieu que je connais, pourtant aucun de ces jeunes ne m’abordent.

Des cris, des rigolades, des mots viennent frappés mes tempes. Soudain mon regard se fixe, interroge ma mémoire, est-ce bien elle ? Solange mon ange, je la regarde comme si je ne l’avais vu depuis des lustres, mon cœur se soulève, bat à plein. Elle arrive sur moi, m’embrasse m’appelant mon cœur sous la toile qui nous protège des intempéries. Pardon ? Ah oui ! Ça va mieux, pas très grave ce coup à la tête finalement. L’infirmière de l’école dit que je m’en tirerais avec une belle bosse, rassure toi mon amour. Un attroupement autour nous chahute. Ce sont tous les copains qui me disent que Solange est l’origine de ma chute, qu’elle me fatigue trop. On se marre tous. Un bonheur simple dont je prends conscience comme si je revenais de loin et que j’étais heureux de les retrouver. Pourtant ce n’était qu’une petite chute de rien, j’avais perdu conscience quelques secondes pas plus. Vraiment ? Pourquoi avais-je alors la certitude que le voyage avait été plus long et que j’étais dans l’impossibilité d’expliquer sans être immédiatement traité de fou. Encore tout à ces pensées, la pluie de concert avec le tonnerre nous obligent à nous mettre à l’abri. J’ai l’impression qu’il va briser les vitres tant les coups s’enchainent avec violence et fracas.

 

La porte finissait par cédée sous les coups de pieds. Il découvrait mon corps de père inerte allongé face contre terre, paniquait essayant de me ramener à lui. Plus tard, le médecin lui dit que j’avais fait un AVC, qu’il n’y avait plus rien à faire, que cela avait été foudroyant. Moi je savais ce qui c’était passé, j’avais déserté ce corps pour changer d’espace-temps et cela avait été foutrement foudroyant.  J’avais choisi la jeunesse éternelle, saisi la deuxième chance qui se présentait à moi, qui aurait fait différemment. Pardon fils de choisi les premiers jours quand on croit encore que l’éternel est la règle et qu’on ne vit que dans le présent, car le temps file tu sais, et l’on se demande un jour comment il a fait pour se soustraire autant à nos yeux incrédules.

Le médecin lui demanda mon âge car il trouvait l’aspect de mon cadavre incompatible avec ma date de naissance. Il lui donna une photo froissée que je tenais dans ma main lorsqu’ils me transportèrent à l’hôpital. Dessus, il ne reconnut nullement sa mère et le nom que j’avais annoté au dos c’était partiellement effacé au contact de l’eau. D’où pouvait-t-elle venir et qui était cette jeune femme étaient des interrogations qui n’aurait jamais de réponses pour lui, tout comme le fait que j’étais redevenu un jeune homme un beau matin. Francis se regarda dans la glace, on aurait dit moi.. ou bien étais-ce le contraire!

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En réponse au défi

Le Temps

Lancé par Amina Muller
Bonjour,
Aujourd'hui je vous propose d'écrire un texte du genre que vous voulez, de la longueur que vous voulez, sur le temps.

Si vous aviez la chance de remonter dans le temps, à quelle époque iriez-vous ?
Choisissiez la manière dont votre personnage voyagera dans le temps et ce qu'il se passera après. Et pourquoi avoir choisit cette année là ou cette période ?
Seule restriction, vous devez écrire à la première personne du singulier.

À vos plumes, écrivez !

Commentaires & Discussions

Volte-faceChapitre5 messages | 9 ans

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